Le Chaperon Rouge - Index of

les ténèbres, ou peut-être lui avait-elle adressé un mot pour l’attirer au loin ?
Valérie dévisageait ceux qu’elle avait connus toute sa vie d’un regard suspicieux, jusqu’à
ce qu’elle s’aperçoive qu’ils ne se montraient pas moins méfiants à son égard.
— Barricadez le village, ordonna le père Salomon, Postez des hommes devant chacune
des portes de l’enceinte. Personne ne sortira tant que nous n’aurons pas tué le Loup.
L’intendant se passa la langue sur les dents.
— Le Loup est mort, rugit-il. Ce soir, on fait la fête ! Salomon le foudroya du regard.
Très bien, festoyez comme il vous plaira, dit-il en levant les mains au ciel. Nous verrons
bien qui a raison, conclut-il avant de lui tourner le dos et de quitter la taverne.
Le père Salomon marchait d’un pas vif et Valérie dut courir pour le rattraper, mais elle
s’arrêta net en le voyant ne raidir, prêt à dégainer son épée. Mieux valait ne pas l’approcher
trop brusquement.
Il se retourna et perdit aussitôt son air menaçant dès qu’il reconnut Valérie.
— Je suis désolée, dit-elle.
— Non, non, qu’y a-t-il, mon enfant ?
— J’ai besoin de savoir... ma sœur...
— Oui ?
— Pourquoi ? Pourquoi le Loup a-t-il attendu jusqu’à présent pour attaquer ? Et pourquoi
s’en est-il pris à elle ?
— Seul le diable le sait.
Elle n’était manifestement pas satisfaite de cette réponse. Il n’avait pas affaire à une fille
du village un peu simplette qui se contenterait de pieuses platitudes.
— Adresse-toi à mon scribe. Il pourra te montrer des choses qui t’aideront à comprendre
des mystères insondables.
Valérie le laissa donc poursuivre sa route.
— D’insondables mystères, certainement. Mais pour ce qui est de les comprendre, j’en
doute, ironisa-t-elle avant de se tourner vers le scribe qui avait suivi Salomon.
L’homme s’arrêta et lui tendit un livre relié de cuir. Il avait la mâchoire inférieure
saillante et le visage bon. Valérie examina le fermoir de l’ouvrage qui semblait taillé dans un
sabot de cheval, ce qui était d’ailleurs fort possible, mais elle se garda d’interroger le scribe à
ce propos. Elle ouvrit enfin le livre dont le mécanisme émit un léger clic. Les magnifiques
illustrations dessinées au crayon représentaient les bêtes que le père Salomon et ses
hommes avaient exterminées.
— Voici l’obour, expliqua le scribe qui avait chaussé ses lunettes pour déchiffrer l’écriture
nette et régulière dont étaient couvertes les pages. Ce vampire se nourrit de lait et de sang.
C’est pourquoi il déchire les mamelles des vaches la nuit. Mieux vaut éviter d’en abriter un
dans son garde-manger, dit-il d’une voix lente, le souffle court.
Valérie feuilleta le livre, remarquant les lignes élégantes, les traînées de plomb qui
souillaient les pages à force de lecture. Elle parcourait soigneusement les images, ne les
effleurant que du bout des doigts.
— Magnifique, n’est-ce pas ?
— Oui, répondit-elle.
— Ces créatures hantent nos rêves.