Le Chaperon Rouge - Index of

Pas une seule seconde, Salomon ne détacha son œil de lynx du rideau de fumée. Il était
à l’affût du moindre mouvement sur l’autel. La fille était encore là-bas, mais il n’y avait pas le
moindre signe du Loup. Ces idiots se seraient-ils donc moqués de lui ?
Il entendit un léger craquement, puis un autre.
Il huma l’air et comprit aussitôt. Le grenier à blé était en feu lui aussi. Quelqu’un devrait
payer pour cette négligence.
— Évacuez ! ordonna-t-il à ses soldats.
Salomon ouvrit la marche et descendit l’escalier en colimaçon du grenier, respirant une
épaisse fumée qui lui donnait le tournis. Au détour d’une courbe, il s’immobilisa. Il venait de
voir bouger quelque chose sur l’autel dans l’encadrement d’une fenêtre.
Oui, c’était bien ce qu’il craignait.
Le grenier tremblait tout autour de lui et les parois commençaient déjà à céder. Les
piliers consumés s’effondraient, tandis que les flammes s’élevaient dans la nuit.
— Là-bas ! indiqua Salomon à l’arbalétrier qui se trouvait derrière lui.
Le père Auguste suivit le regard du soldat. La fumée s’était suffisamment dissipée pour
laisser entrevoir la silhouette d’un homme vêtu d’une cape accroupi aux pieds de Valérie. Il
était en train de lui ôter son masque de loup ! L’arbalétrier leva son arme, puis il hésita en
voyant une poutre s’effondrer sur le sol.
— Attendez ! Arrêtez ! s’écria le père Auguste les mains jointes comme s’il tenait quelque
objet précieux.
— Tirez ! ordonna Salomon.
L’arbalétrier se posta à la fenêtre et ajusta sa visée. Henry était immobile et il le
frapperait sans peine. Mais au moment où il allait décocher sa flèche, quelque chose lui
troubla la vue et il manqua son tir. Le père Auguste s’était jeté en travers de la ligne de mire
de l’arbalétrier. Il en avait assez de toute cette barbarie.
— Fuyez ! cria le père Auguste en agitant sa bible en direction de l’autel.
Ce mot résonna dans l’atmosphère comme le tintement d’une cloche, mais sans perdre
une seule minute, Salomon plongea son poignard dans la poitrine du père Auguste. Leurs
regards se croisèrent tandis que ce dernier écarquillait les yeux de douleur et de surprise.
Puis, vidé de toute vie, il s’effondra sur le sol, face contre terre. Sa bible gisait à son côté.
Salomon se tourna à nouveau vers l’autel où trônait le masque de loup abandonné. Cet
instant venait de lui échapper.
— Allons-y, dit-il d’une voix calme lorsqu’une autre poutre tomba.
Une fois dehors, il vit que ses soldats avaient capturé un prisonnier.
— C’est lui qui a démarré le feu, dit l’un des deux soldats en jetant Peter en avant.
Il était menotte. Ils l’avaient traité sans ménagement, n’appréciant guère qu’un garçon
des rues les ait ridiculisés ainsi.
— Nos hommes l’ont trouvé aux prises avec l’un de nos soldats.
— Qu’on l’enferme dans l’éléphant. Nous allumerons le feu plus tard, déclara Salomon
d’une voix tranchante qui trahissait son dégoût, tandis qu’il s’avançait déjà sur la place en
proie aux flammes.