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aimer une personne moins difficile à obtenir qu’elle. Non, elle<br />
ne voulait pas qu’il s’en aille !<br />
Elle dévala les marches de la tour jusqu’aux jardins. Elle<br />
s’arrêta dans la nuit épaisse. Les lunes étaient à moitié cachées<br />
par des nuages amassés, cependant la lueur de quelques étoiles<br />
permettait de deviner la présence et la grandeur démesurée du<br />
château.<br />
Éléa allait sauver sa sœur Éloïse. Dût-elle y passer la nuit<br />
pour trouver le remède ! Et quand tout serait fini, elle serait<br />
prête à aller chercher Axel au bout des Mondes.<br />
Légèrement fatiguée des exercices de la journée, mais le<br />
cœur soudain regonflé d’enthousiasme, elle s’élança dans les<br />
sinistres buissons aux formes angoissantes d’où s’échappait un<br />
parfum d’aubépines et de jasmin en fleurs.<br />
La muraille était lisse, les joints si bien faits qu’elle ne les<br />
sentait même pas sous les doigts. Aucune aspérité, aucune<br />
saillie qui faciliterait l’escalade ; Éléa regardait la fenêtre<br />
éclairée de la vertigineuse tour avec la nervosité d’un chat<br />
devant un oiseau inaccessible.<br />
Encore essoufflée de sa longue course, elle passait des mains<br />
fébriles sur les pierres blanches. Elle n’abandonnerait pas si<br />
près du but. Comment était-il possible qu’il n’y ait aucun point<br />
d’appui ou aucune faiblesse dans cette muraille ?<br />
Les lierres ? ! Ceux-ci devaient bien tenir par quelque<br />
chose !<br />
Éléa glissa le long des murs sur une centaine de pas. Elle<br />
était à découvert, mais la chance lui souriait dans cette nuit qui<br />
se voulait noire : la blancheur du château ne ressortait pas dans<br />
la pénombre et la présence de la jeune fille pouvait passer<br />
inaperçue.<br />
Ses mains touchèrent des feuilles, des branches tordues<br />
courant sur la paroi. Éléa scruta l’obscurité. Elle distingua la<br />
légère brillance du cuir végétal et l’expansion rayonnante des<br />
tiges volubiles et de leurs vrilles. Avec une volonté de titan, les<br />
lierres avaient réussi à se creuser leurs propres brèches.<br />
Rongeant de leurs crampons la pierre nue, ils étaient parvenus à<br />
prendre racine. Ils s’élevaient sur cinquante pieds jusqu’au<br />
deuxième étage, au niveau d’un chemin de ronde secondaire.<br />
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