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— Le roi m’élève en future reine, et il a toutes les attentions.<br />
Il m’aime, même s’il ne me l’a jamais dit. Mais je sais qu’il<br />
aimait encore bien plus notre mère. La mort de celle-ci l’a brisé<br />
à jamais. Il lui a toujours été fidèle. Il n’a jamais voulu se<br />
remarier, même pour avoir un fils… Nous ne parlons jamais<br />
d’elle, nous ne parlons jamais de nous. Il est des dialogues qui<br />
n’ont pas besoin de paroles… Il me considère comme une<br />
personne de toute confiance, il me demande souvent des<br />
conseils et j’ai mal de lui mentir depuis six ans… Je me sens<br />
coupable de tous les malheurs du peuple : le duc d’Alekant me<br />
tient sous sa dextre et le roi de Leïlan croit sa fille.<br />
Éléa s’assit à côté de sa sœur. Elle ne savait que lui dire, tout<br />
lui paraissait futile. Elle n’osait pas la toucher, elle se contentait<br />
d’être là, tout près, comme elle aurait toujours voulu l’être.<br />
— Je me suis fait le serment de ne pas quitter Éloïse tant que<br />
je n’aurai pas trouvé le remède, lui dit-elle simplement.<br />
Éline lui adressa un faible sourire. Sa seule joie était de<br />
parler à cœur ouvert ce soir, et Éléa semblait comprendre le<br />
poids de sa responsabilité.<br />
— Viens, chuchota-t-elle. Il est temps de tenter quelque<br />
chose pour la sauver.<br />
Elle se leva et se dirigea vers une petite porte située au fond<br />
de sa chambre à côté de la cheminée. Elle leva le grand loquet<br />
de fer et poussa doucement le battant sans le faire grincer.<br />
Une marche plus bas, dans une chambre à l’image de la<br />
précédente, se trouvait une princesse endormie. Inerte, les<br />
mains sur sa poitrine, un voile sur son visage. Les couleurs<br />
semblaient fanées autour d’elle. Éléa crut que son imagination<br />
lui jouait des tours mais, lorsqu’Éline releva le voile, elle fut<br />
étonnée de constater la réalité de cette impression.<br />
Les cheveux d’un blond foncé, d’une beauté semblable à ses<br />
sœurs, Éloïse avait un teint cadavérique à faire peur. La pâleur<br />
d’un corps déjà parti pour l’autre monde, semblant entraîner<br />
tout ce qui le touchait avec lui. Éloïse portait une robe d’un ton<br />
bois de rose, cintrée sous la poitrine, mais sa couleur n’était plus<br />
qu’un vague souvenir, les pierres chamarrées n’avaient plus<br />
d’éclat, la dentelle semblait jaunie par le temps. Éloïse était une<br />
fleur qui s’éteignait.<br />
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