En attendant la voiture du futur...
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© Photos Denis Robert<br />
Sur <strong>la</strong> rue menant à <strong>la</strong> France, en passant par Le<br />
Locle, dans le canton de Neuchâtel. C’est là, sur <strong>la</strong><br />
droite, que se dresse le garage Ro<strong>la</strong>nd. Du prénom<br />
de son propriétaire, Ro<strong>la</strong>nd Vogt. A cinquante ans, ce sosie<br />
de Guy Marchand cultive une passion infaillible pour<br />
les anciennes Peugeot, à quelques kilomètres à peine de<br />
<strong>la</strong> patrie de ses autos de collection préférées. «Cette passion<br />
m’a été transmise par mon père, qui a toujours aimé<br />
posséder des Peugeot. Comme carrossier, mon papa a<br />
vu passer toutes sortes de modèles entre ses mains: des<br />
403, une 404, des 504. Mais comme première vraie <strong>voiture</strong>,<br />
dans les années 1960, il a eu une 203.»<br />
« les peugeot ont<br />
une odeur »<br />
Ro<strong>la</strong>nd Vogt était alors encore un gamin. «Ma mère étant<br />
Vénitienne, nous en avons passé des heures de voyage,<br />
dans ce magnifique véhicule, pour rejoindre <strong>la</strong> famille en<br />
Italie. On m’a raconté qu’alors - j’étais trop petit pour m’en<br />
souvenir - mes parents avaient même accroché un hamac<br />
à l’arrière pour pouvoir y faire dormir le petit dernier.» Les<br />
Peugeot ont une odeur, sussure-t-il, l’air conspirateur. «Qui<br />
rend les enfants ma<strong>la</strong>des. Est-ce que j’ose vous confier<br />
que leur parfum particulier m’a, moi-même, fait vomir?» A<br />
sa façon de le dire, on a l’impression que c’est par là que<br />
se tisse pour toujours le premier lien avec ces <strong>voiture</strong>s<br />
d’un autre temps.<br />
Des anciennes Peugeot arrivées vers lui comme<br />
par magie.<br />
Sa toute première, il l’a eue il y a près de vingt-cinq<br />
ans. «Elle m’a coûté une fortune. C’était une 203 de 1957<br />
que j’ai payée en six mois. Elle était tellement pourrie,<br />
malgré toutes les réparations auxquelles j’avais procédé,<br />
que, désespéré, j’ai fait fonctionner le bouche-à-oreille.»<br />
A quelques kilomètres de là, miracle, un des premiers<br />
modèles 203, extrêmement rare, est disponible, lui faiton<br />
savoir.<br />
«Une heure après que je l’ai achetée, alors que ça faisait<br />
vingt ans qu’elle n’avait pas roulé, je l’ai remise en marche.<br />
Du coup je me suis dit, je ne répare plus l’autre, j’en prends<br />
uniquement des pièces pour restaurer cette nouvelle<br />
acquisition. Il m’a fallu dix ans, à temps per<strong>du</strong>, pour <strong>la</strong> restaurer.<br />
Mais <strong>la</strong> base, il n’y a pas eu besoin de <strong>la</strong> bricoler.»<br />
Sa 404 coupé a carrément appartenu à une fille de <strong>la</strong><br />
famille Peugeot, qui s’est mariée à un Chaux-de-Fonnier,<br />
l’un des fondateurs de l’entreprise Voumard. «Elle est<br />
ainsi devenue Madame Voumard. Son frère était Antoine<br />
Peugeot. Dans <strong>la</strong> <strong>voiture</strong> j’ai même trouvé des catalogues<br />
Peugeot datant des années 1920-1930!» Comment il a<br />
Collectionneur<br />
Son indéfectible amour pour les Peugeot d’antan, il le<br />
cultive au su et au vu de tous ses clients, qui deviennent<br />
très vite ses amis. «Et il n’y en pas un que je n’ai pas ren<strong>du</strong><br />
amoureux d’elles et qui n’a pas roulé, au moins une fois<br />
dans sa vie, avec l’un ou l’autre ancien modèle!»<br />
Dans son garage, il répare et soigne les autos de toutes<br />
marques. Et juste à côté, dans un hangar, sont parquées,<br />
l’une à côté de l’autre, une Peugeot 203, une 404 coupé,<br />
une 403… Et l’histoire de l’acquisition de plusieurs d’entre<br />
elles ressemble à un conte (voir encadré)… «J’ai dix anciennes<br />
Peugeot présentables sur quinze… Je ne sais pas<br />
encore quoi faire avec celles qui ne le sont pas. Comme<br />
par exemple les épaves jaunes que les automobilistes<br />
voient à l’extérieur de mon garage…» Né d’un papa amoureux<br />
des véhicules estampillés par le célèbre lion comme<br />
logo, il a travaillé près d’un quart de siècle pour Peugeot<br />
au Locle, avant de se mettre à son compte. «J’ai lu tout ce<br />
qu’on peut trouver comme documents sur l’histoire de <strong>la</strong><br />
famille Peugeot. Je suis incol<strong>la</strong>ble sur le sujet.»<br />
Si les Peugeot de collection qu’il a restaurées sont à<br />
vendre? «Sincèrement, me séparer d’elles m’est aussi<br />
difficile que de céder les vieilles pièces de rechange accumulées<br />
avec les années… Quand des collectionneurs qui<br />
ont enten<strong>du</strong> parler de moi viennent me voir, intéressés, je<br />
les fais <strong>la</strong>nguir… Et en général, ils se <strong>la</strong>ssent d’attendre... Et<br />
puis <strong>la</strong> plupart les veulent expertisées. Or, les miennes je<br />
ne les ai pas fait expertiser.» Son rêve? «Faire, un jour, de<br />
mon hangar de collectionneur discret, une vraie vitrine où<br />
j’exposerais toutes mes anciennes Peugeot restaurées.<br />
«Mais est-ce sage, à 50 ans et au vu de <strong>la</strong> crise, d’investir<br />
dans un tel projet?»<br />
eu cette pièce rare? «J’ai été apprenti au garage des<br />
<strong>En</strong>tilles, à La Chaux-de-Fonds.» Le garage était alors une<br />
des trois ou quatre grandes agences Peugeot de Suisse.<br />
«La famille Peugeot en était très proche, car le garage<br />
avait joué le jeu de payer deux <strong>voiture</strong>s lors de l’acquisition<br />
d’une au sortir de <strong>la</strong> guerre, période économiquement difficile.»<br />
Le patron <strong>du</strong> garage des <strong>En</strong>tilles avait gardé cette<br />
404 coupé pour, un jour, <strong>la</strong> restaurer. «Finalement c’est<br />
moi qui l’ai eue et restaurée. Elle m’a coûté un sa<strong>la</strong>dier en<br />
réparations. Tellement qu’elle vaut aujourd’hui un prix qui<br />
<strong>la</strong> rend invendable! J’ai encore le permis de circu<strong>la</strong>tion au<br />
nom de <strong>la</strong> fille Peugeot.»<br />
Quant à sa 403, «elle a aussi une jolie histoire». Elle a<br />
appartenu à un bou<strong>la</strong>nger de Paris, venu s’installer à La<br />
Chaux-de-Fonds. «Décédé il y a deux ans, Monsieur Freiburger<br />
<strong>la</strong> tenait lui-même de son père. Tous deux en ont<br />
pris grand soin.» Ses yeux brillent: «Je l’ai acquise, elle<br />
aussi, avec les catalogues d’époque, les deux jeux de clés<br />
ainsi que <strong>la</strong> facture d’origine.»<br />
Sylvia Freda<br />
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