10-31 14/10/09 21:17 Page 28 © Ph.AFP POLITIQUE LA GUERRE DES ROUTES POURSUIT SON CORTÈGE MACABRE Comment arrêter <strong>le</strong> massacre Le projet de nouveau code de la route tarde à être approuvé. En attendant, la comptab<strong>il</strong>isation des morts et des b<strong>le</strong>ssés se poursuit. 28 ❘ MAROC HEBDO INTERNATIONAL ❘ N° 857 Du 16 au 22 octobre 2009 accidents, ça n’arrive pas qu’aux autres”. Ce dicton à vocation universel<strong>le</strong> se véri- “Les fie régulièrement au <strong>Maroc</strong>, et même plus que partout a<strong>il</strong><strong>le</strong>urs. Chaque jour que Dieu fait apporte son lot de tués et de b<strong>le</strong>ssés. À la télévision, <strong>le</strong> journal est accompagné d’images spectaculaires de voitures déchiquetées, de camions désarticulés et d’autocars renversés. Les statistiques macabres sur <strong>le</strong>s dégâts humains dérou<strong>le</strong>nt à l’écran et glissent, un peu comme <strong>le</strong> destin tragique des victimes, qu’el<strong>le</strong>s soient fautives ou pas. Tout <strong>le</strong> monde se ressemb<strong>le</strong> dans la mort et face à la dou<strong>le</strong>ur. C’est devenu une rubrique pra-
10-31 14/10/09 21:17 Page 29 tiquement quotidienne. “La matière” ne manque pas. Depuis quelques mois, la Gendarmerie nationa<strong>le</strong> a mis en place un staff de col<strong>le</strong>cte et de diffusion de l’information, avec des antennes loca<strong>le</strong>s. A<strong>le</strong>rtées de la survenue d’un accident, des équipes de journalistes se rendent sur <strong>le</strong>s lieux, f<strong>il</strong>ment, recue<strong>il</strong><strong>le</strong>nt des témoignages et mettent en boîte un nouveau drame qui sera au menu du J.T du déjeuner ou du dîner. Massacre L’objectif déclaré de cet “étalage” cathodique d’horreurs réel<strong>le</strong>s, c’est la sensib<strong>il</strong>isation, sans que cela ne se limite aux âmes sensib<strong>le</strong>s. Il s’agit de provoquer un déclic chez chacun; un sursaut national de tous, un basta col<strong>le</strong>ctif pour arrêter <strong>le</strong> massacre. Mais, attention, des campagnes de ce type sont à consommer avec modération. Une image vaut m<strong>il</strong><strong>le</strong> mots. Trop d’images tue l’image. La répétition finit par émousser l’intérêt. Pour prendre <strong>le</strong> triste exemp<strong>le</strong> de Baghdad, dix morts ou 100 fois plus, c’est devenu du pare<strong>il</strong> au même. Pertes Ce n’est qu’une journée comme <strong>le</strong>s autres, depuis six ans. Sans bascu<strong>le</strong>r dans la rareté, ni chercher l’effet de l’image sublimina<strong>le</strong>, <strong>il</strong> doit y avoir un équ<strong>il</strong>ibre entre dosage et matraquage. Il faut reconnaître que, pour <strong>le</strong> moment, la réalité nous impose des doses de cheval. Exemp<strong>le</strong>: Mardi 13 octobre, sortie de route et tonneaux d’un autocar, à Temara, 1 mort et 40 b<strong>le</strong>ssés. Samedi 10 octobre, té<strong>le</strong>sco- page entre deux bus de transport en commun, dans la région de Kénitra, 3 morts et 27 b<strong>le</strong>ssés. Les environs d’Agadir ont connu un vendredi noir, <strong>le</strong> 9 octobre, avec un total de 4 morts et 15 b<strong>le</strong>ssés graves dans 57 accidents. Le sang avait coulé, sans répit, <strong>le</strong>s jours précédents. C’est ainsi que, <strong>le</strong> jeudi 1 er octobre 2009, sur la route reliant Safi à El Jadida, collision entre un autocar et un camion roulant en sens inverse; b<strong>il</strong>an, 9 tués et 46 b<strong>le</strong>ssés. Le même jour, un camion-citerne s’est renversé, à 50 Km d’Agadir, faisant 3 tués et 10 b<strong>le</strong>ssés. Quant à la journée du lundi 5 octobre, el<strong>le</strong> s’est soldée, globa<strong>le</strong>ment, par 5 tués et 148 b<strong>le</strong>ssés. Deux <strong>il</strong>lustrations récentes parmi tant d’autres. Un peu plus tôt, dimanche 27 septembre et lundi 28, deux accidents, l’un à El Hoceima, l’autre à Tanger, ont causé la mort de 10 personnes et b<strong>le</strong>ssé 39 autres. Le mois de septembre a été particulièrement sanglant, 95 morts, 5486 b<strong>le</strong>ssés dont 285 graves, dans 4194 accidents. Pour l’année 2008 et sur l’ensemb<strong>le</strong> du territoire national, <strong>le</strong>s accidents de la route ont fait 4.162 morts, 12.406 b<strong>le</strong>ssés graves et 85.915 b<strong>le</strong>ssés légers, soit une hausse, respectivement, de 8,44%, 4,72% et 11,78%, par rapport à 2007. Le nombre des accidents a suivi la même courbe ascendante; 58.924, en 2007 contre 64.715, en 2008. Sur ces chiffres globaux, <strong>le</strong>s agglomérations se ta<strong>il</strong><strong>le</strong>nt la part du lion, dans cette jung<strong>le</strong> sanglante: 2.935 tués, pour 46.160 accidents, soit une augmentation, respectivement, de 11,14% et 10%. En rase campagne, la route n’est pas moins dangereuse: 1.227 tués pour 18.555 accidents, soit un saut pér<strong>il</strong><strong>le</strong>ux de 7,35% et 9%, comparé à 2007. On aura compris qu’<strong>il</strong> ne s’agit pas ici d’ordres de grandeurs, mais d’un comptage précis dont on <strong>peut</strong> figno<strong>le</strong>r encore plus la venti- L’objectif déclaré de cet étalage cathodique d’horreurs réel<strong>le</strong>s est la sensib<strong>il</strong>isation. lation, en faisant la distinction entre <strong>le</strong>s usagers des différentes catégories de véhicu<strong>le</strong>s: cyc<strong>le</strong>s, motocyc<strong>le</strong>s, voitures de tourisme, autobus, autocars et camions. Comme chacun sait, <strong>le</strong>s chiffres, on <strong>peut</strong> <strong>le</strong>ur faire dire tout ce qu’on veut, <strong>il</strong>s restent froids. Il faut donc faire l’effort d’imaginer que, derrière, <strong>il</strong> y a des êtres meurtris dans <strong>le</strong>ur chair et des vies brisées. Encore plus que la santé, la vie n’a pas de prix, mais el<strong>le</strong> a un coût. Les 4.000 morts sur <strong>le</strong>s routes ont occasionné au <strong>Maroc</strong> une perte de plus de 11 m<strong>il</strong>liards de dirhams (1,5 m<strong>il</strong>liard de dollars), soit 1,5% du PIB. C’est donc aussi l’économie du pays qui est saignée à blanc. Lorsqu’on observe ces statistiques, avec <strong>le</strong>s drames humains qu’el<strong>le</strong>s charrient et <strong>le</strong>s conséquences économiques qu’el<strong>le</strong>s engendrent, on a subitement peur de prendre son véhicu<strong>le</strong>. Cela équivaut presque à une déclaration de guerre contre X; à une prise de risque potentiel, en toute situation et malgré toutes <strong>le</strong>s précautions. Comment en est-on arrivé à ce stade d’inconscience ou, pour <strong>le</strong> moins, de légèreté mortel<strong>le</strong> N° 857 Du 16 au 22 octobre 2009 ❘ MAROC HEBDO INTERNATIONAL ❘ 29