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Ali Fassi Fihri peut-il sauver le foot ? - Maroc Hebdo International

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cahier56-66 15/10/09 13:33 Page 61<br />

•ILAL AMAM, AUTOPSIE D’UN CALVAIRE, UN LIVRE DE ABDELAZIZ TRIBAK<br />

Le naufrage d’un rêve<br />

Dans son pamph<strong>le</strong>t Ilal Amam,<br />

Autopsie d’un calvaire, M.<br />

Tribak ne fait pas un procès en<br />

règ<strong>le</strong> à l’organisation ou à ses<br />

dirgeants. Il dresse un constat.<br />

Quand on termine la <strong>le</strong>cture du livre Ilal<br />

Amam, autopsie d’un calvaire, de Abdelaziz<br />

Tribak, paru en ju<strong>il</strong><strong>le</strong>t 2009, on ne <strong>peut</strong><br />

s’empêcher de se poser la question. S’agit-<strong>il</strong><br />

d’un livre qui retrace l’échec d’une organisation<br />

qui voulait faire la révolution, ou plutôt<br />

la dés<strong>il</strong>lusion personnel<strong>le</strong> de l’auteur du<br />

livre à être à la mesure du discours “progressiste”<br />

qu’<strong>il</strong> a tenté de véhicu<strong>le</strong>r durant <strong>le</strong>s<br />

années soixante-dix, juste avant que <strong>le</strong>s flics<br />

ne lui mettent la main dessus, <strong>le</strong> 21 janvier<br />

1976?<br />

Diffic<strong>il</strong>e de faire <strong>le</strong> distinguo entre <strong>le</strong>s deux,<br />

tel<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> constat est là. L’organisation<br />

marxiste léniniste marocaine, créée vers la fin<br />

des années 60, début des années 70, sous la<br />

hou<strong>le</strong>tte de Abraham Serfaty, entre autres<br />

chefs, n’a pas pu réaliser ses objectifs. C’est<br />

certain. La raison de cet échec, est-ce son<br />

mode de pensée et de fonctionnement ou<br />

plutôt, comme l’écrit l’auteur, «force est bien de<br />

constater que <strong>le</strong>s camarades étaient presque tous<br />

des gars sans aucune expérience de la vie, encore<br />

moins de la politique. Presque tous venaient à<br />

peine de sortir de l’ado<strong>le</strong>scence. Même Serfaty,<br />

qui était sur la cinquantaine au départ de Ilal<br />

Amam, n’avait aucune expérience pratique des<br />

choses de la vie et de la politique.»<br />

Et, comme pour enfoncer <strong>le</strong> clou, <strong>il</strong> ajoute<br />

que «<strong>le</strong>s camarades et m<strong>il</strong>itants qui avaient<br />

engagé <strong>le</strong>ur vie dans cette histoire de révolution<br />

prolétarienne qui tournait en un vrai jeu de<br />

massacre, étaient minés par <strong>le</strong>urs doutes sans<br />

pouvoir <strong>le</strong>s exprimer, ni en par<strong>le</strong>r à voix haute,<br />

modérée ou basse… Au point que chacun finissait<br />

par croire que <strong>le</strong> mal était en lui, et que son<br />

esprit de sacrifice s’émoussait, d’où un redoub<strong>le</strong>ment<br />

d’activisme suicidaire et <strong>le</strong>s résultats<br />

que l’ont sait.» Quoi de plus normal alors que<br />

de se demander si, hormis <strong>le</strong>s débats politiques<br />

passionnés, Ilal Amam a contribué<br />

© Ph.AFP<br />

quelque chose de conséquent à la vie politique<br />

nationa<strong>le</strong>… La question mérite débat.<br />

Ceci étant, <strong>le</strong>s dirigeants de l’organisation et<br />

ses m<strong>il</strong>itants ont-<strong>il</strong>s été à la hauteur? Face à<br />

cette question, M. Tribak n’y va pas avec <strong>le</strong><br />

dos de la cu<strong>il</strong>lère.<br />

Excès<br />

Il par<strong>le</strong> des cadres de l’organisation qui ont<br />

craché <strong>le</strong> morceau d’une manière crue, voire<br />

caricatura<strong>le</strong>. Même avec lui-même, <strong>il</strong> n’est<br />

pas tendre non plus. Cette discussion autour<br />

de ses aveux et qu’<strong>il</strong> a eue avec <strong>le</strong> chef de la<br />

BNPJ à l’époque, Kaddour Youssfi, qu’<strong>il</strong> prénomme<br />

Grand Manitou, est révélatrice. «Et<br />

si tu étais en train de nous raconter des histoires?<br />

dit Grand Manitou. L’ai-je déjà fait?,<br />

répondis-je de ma voix la plus sincère. Pourquoi<br />

<strong>le</strong> tenterais-je? À quoi cela servirait-<strong>il</strong>? Ce<br />

qui est fait est fait, c’en est terminé pour nous.<br />

Cela ne vaut plus <strong>le</strong> coup de jouer au malin,<br />

dans ma situation». Pas besoin d’al<strong>le</strong>r trop<br />

loin, <strong>le</strong> sentiment de résignation est palpab<strong>le</strong>.<br />

Seul Abdellatif Zeroual, mort sous la torture,<br />

a mérité un hommage de la part de l’auteur.<br />

Hommage pour dire en fin de compte que<br />

son sacrifice était vain. Voire une perte gratuite…<br />

«Le courage et <strong>le</strong> sacrifice de Zeroual, un<br />

gars d’une gent<strong>il</strong><strong>le</strong>sse formidab<strong>le</strong> et d’une grande<br />

fermeté de principe, ont été vains», écrit-<strong>il</strong>.<br />

Contrairement à ce que l’on <strong>peut</strong> penser, M.<br />

Tribak ne fait pas un procès en règ<strong>le</strong> de l’organisation<br />

ou de ses dirigeants. C’est plutôt<br />

des constats qui, alignés, donnent cette<br />

impression. Et quand on sait que lui-même<br />

a été victime d’attaques de la part de ses<br />

anciens camarades quand <strong>il</strong> a demandé la<br />

grâce roya<strong>le</strong> et l’a obtenue en 1986, on comprend<br />

<strong>peut</strong>-être son dégoût. Mais quand on<br />

lit ce passage de son livre, on saisit tout <strong>le</strong><br />

poids de la séquestration et de la torture dans<br />

<strong>le</strong> lieu de détention devenu tristement célèbre,<br />

Derb Moulay Chrif à Casablanca.<br />

«Notre séjour (à Derb Moulay Chrif) touche à<br />

sa fin et <strong>le</strong>s Hajs essayaient d’être plus sympathiques.<br />

Les derniers jours ne manquèrent pas de<br />

scènes très fortes. On nous avait rasés et permis<br />

de mettre nos propres vêtements après nous être<br />

lavés… Il ne manquait plus que de nous embarquer<br />

vers Ghb<strong>il</strong>a, la sinistre prison civ<strong>il</strong>e de<br />

Casablanca. Cela nous remplissait de joie, car<br />

nous allions enfin redevenir des êtres humains<br />

(presque) à part entière… »<br />

C’est qu’on ne <strong>peut</strong> être rempli de joie quand<br />

on va en prison, mais pour Tribak et <strong>le</strong>s<br />

siens, quitter Derb Moulay Chrif signifier<br />

une autre vie. Peu importe laquel<strong>le</strong>. En tout<br />

état de cause, el<strong>le</strong> sera, au moins, plus clémente<br />

que l’enfer du Derb.<br />

N. Jouhari<br />

Ilal Amam, autopsie d’un calvaire,<br />

Saad Warzazi Editions<br />

328 pages, 60 DH<br />

«Même Serfaty (…) n’avait aucune<br />

expérience pratique des choses<br />

de la vie et de la politique.»<br />

N° 857 Du 16 au 22 octobre 2009 ❘ MAROC HEBDO INTERNATIONAL ❘ 61

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