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La conspiration espagnole © Ph. AFP José Maria Aznar et Mohamed Abdelaziz Aznar nous a servi des sourires; Zapatero aussi. Les lobbies anti-marocains d’Espagne s’activent toujours. Et nous? Il faut croire qu’avec l’Espagne on n’est jamais quitte. Certes, l’arrivée au pouvoir de José Luis Zapatero, en mars 2004, s’est traduite par un relâchement de la crispation et des tensions qu’on a vécus sous José Maria Aznar. Le nouveau Premier ministre espagnol nous a servi un beau sourire et de très bonnes intentions Nous en étions ravis. Puis, chemin faisant, les constantes qui s’étaient quelque peu estompées sont remontées à la surface. Dans notre propension habituelle à pavoiser un peu trop rapidement nous en sommes, aujourd’hui, pour nos frais. On s’est rendu compte, une fois de plus, qu’un chef de gouvernement, élu au suffrage universel, ne peut donner que ce qu’il a. Il peut infléchir, un tant soit peu, la politique de son pays à notre égard, mais sans ignorer les courants adverses, les groupes de pression et les lobbies qui traversent son opinion publique. Il se trouve que la bonne volonté, volontiers prêtée à M. Zapatero, se heurte à ces lobbies anti-marocains extrêmement puissants en Espagne. La dernière vérification de ce constat affligeant somme toute connu, on l’a eue récemment avec le tohu-bohu de la presse madrilène autour d’une micromanifestation à Laâyoune qui s’est soldée par deux carreaux cassés et trois blaireaux excités, traduits en justice. Des journalistes espagnols aiguillonnés arrivant des Iles Canaries sans prévenir, ont voulu débarquer à Laâyoune comme en terrain conquis. Leurs positions déjà arrêtées et leurs papiers déjà écrits dans leurs têtes, ils voulaient juste les corroborer par une randonnée sur le terrain. Ceux qui étaient dans ce cas de figure ont été refoulés au nom du principe universellement reconnu de la souveraineté sur le territoire national. Indignation et affûtage des plumes dans les rédactions de Catalogne et de Castille. Le rideau est tombé. À travers des médias faiseurs d’opinions et des lobbies groupes de pression, l’Espagne n’a pas changé d’attitude sur la question du Sahara. L’écho de notre combat pour la défense de l’unité territoriale et nationale du pays semble s’être ☛ 16 Maroc Hebdo International N° 662 - Du 22 au 28 Juillet 2005
COUVERTURE perdu dans les mirages du désert, sans parvenir à Madrid. Il faut juste espérer que l’appel adressé aux intellectuels espagnols par des journalistes, des universitaires et des associatifs marocains (lire le texte de l’appel, pages 18 et 19), connaisse un meilleur sort. Il ne faut pas se contenter de l’espérer très fort, encore faut-il l’accompagner par une offensive diplomatique appropriée et convaincante, car les blocages parmi la classe politique et dans la société civile espagnoles sont également très forts. Il est vrai que nous manquons de moyens concrets de persuasion. Par contre, nous ne manquons pas d’arguments. M. Zapatero, aussi juvénile qu’il paraisse –et c’est plutôt un atout qu’un handicap- connaît la réalité du Maghreb. S’il a été élu par ses concitoyens, ce n’est pas uniquement à contrario, à cause de l’énorme bluff électoral de José Aznar suite aux attentats de Madrid, le 11 mars 2004, à trois jours du scrutin. Il a été élu pour un projet global où nous nous inscrivons obligatoirement. Il devait être en rupture avec Aznar. Du reste Aznar n’a pas attendu ce drame inqualifiable pour façonner sa politique maghrébine. Il avait déjà fait son choix. Un choix qui sentait le gaz et le pétrole algériens à plein nez. Mais il serait réducteur de ramener sa vision et son action en direction du Nord-ouest africain au seul parfum stratégique des hydrocarbures. Chez Aznar qui, lui, servait un rictus en guise de sourire, il y avait une obsession négative et irrépressible à l’égard du Maroc. Il donnait l’impression de vouloir faire une remontée impossible dans le temps, pour une nouvelle revanche aux couleurs actualisées de reconquista, à partir de ce Maroc où tout est parti pour sept siècles de présence et d’apport culturel à ce qui a été et ce qui ne sera jamais rien d’autre que l’Andalousie. Aujourd’hui, on demande à Zapatero de se libérer de cette camisole anachronique dans son rapport au Maroc. Est-ce qu’on lui demande trop ou pas assez ? Le préjugé est d’emblée favorable ; mais l’évaluation ne peut se faire qu’à l’aune de sa propre raison d’État et de son calcul électoral. Le pari est politiquement difficile pour lui. Il faudra donc l’aider. Pas par une diplomatie de sourire à pleines dents blanches immaculées, et de chevelure grisonnante à la mèche vibrante au moindre souffle d’une brise diplomatique. Notre image a suffisamment souffert d’un paraître au détriment de l’être. L’Espagne ne peut pas nous déménager ; nous non plus. C’est un continuum dicté par l’histoire et la géographie, impossible à occulter, au risque de basculer dans des fantasmes irréalistes qui sont tout sauf de la politique. Et si, à partir de cet état de fait, on se regardait, les yeux dans les yeux, avec le pays de Don Quichotte? On aurait bien des choses à se dire et, L’Espagne n’a pas changé d’attitude sur le Sahara marocain. mieux que des arguments pétroliers, des vérités intangibles d’un passé commun et d’un présent en devenir. La première de ces vérités qui ne souffre aucune équivoque, est que l’Espagne commence chez nous, à partir des présides coloniaux de Sebta et Méllilia. L’Espagne, qu’elle soit celle d’Aznar ou de Zapatero, met autant d’ardeur à revendiquer, à cor et à cri, le rocher de Gibraltar, sous occupation anglaise, qu’elle n’en fait pour occulter une présence coloniale sur nos terres, érigée comme un trophée des temps jadis. Entre les présides de l’extrême nord et nos provinces sahariennes à l’extrême sud, la distance se mesure à l’échelle historique de l’équipée coloniale espagnole. À l’heure de la mondialisation et de l’abolition des barrières frontalières, nous n’en avons, assurément, pas fini avec les réminiscences coloniales de l’Espagne, quelles que soient la nature de son régime et l’effigie politico-partisane de ses gouvernants. Euraka, une idée. Et si nous nous adressions directement à l’Union européenne, par-dessus la tête de l’Espagne, pour lui rappeler quelques réalités difficilement éjectables par un effet de manche politique ? Nous sommes la partie avancée de l’Afrique, donc la porte de l’Europe. Sur ce registre, s’il y avait un gradiomètre de la lutte contre l’émigration clandestine, la palme nous reviendrait haut la main, eu égard à nos efforts, en tant que goulot obligé pour toute l’Afrique sub-saharienne. Sur ce point précis, nous sommes objectivement le recul stratégique de l’Europe, sur la rive sud de la Méditerranée. Le problème avec l’Espagne, c’est qu’elle veut transformer cette situation géo-stratégique peu enviable, en faisant du Maroc son arrière-pays. Ironie de l’histoire, l’Algérie aussi veut faire de nous un espace sans recul terrestre, complètement obstrué par l’océan Atlantique et la mer Méditerranée, en nous faisant un enfant dans le dos, sous la forme d’un État fantomatique sur nos terres du Sud. Et comme il s’agit de notre seule ouverture sur là d’où nous venons tous, tout au long de notre histoire, le Sahel, tout recul enclavant est complètement et définitivement inconcevable. Entre nous et l’Algérie, nous ne demandons pas à l’Espagne profonde et périmée, nostalgique des temps coloniaux et même un peu plus loin, ni même à José Luis Zapatero, de faire le choix. Nous demandons juste une vision à long terme, celle d’un voisinage avec un pays où la transition vers la démocratie fait son chemin, dans l’ouverture sur l’autre sans exclusion, ni exclusive. Notre meilleur compagnon dans cette trajectoire si ardemment revendiquée et souhaitée, serait M. Zapatero. Encore faut-il qu’il le veuille. Et qu’il en ait les moyens.❏ Abdellatif Mansour Maroc Hebdo International N° 662 - Du 22 au 28 Juillet 2005 17
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