maquette fini 2 - Maroc Hebdo International
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COUVERTURE<br />
perdu dans les mirages du désert, sans<br />
parvenir à Madrid. Il faut juste espérer<br />
que l’appel adressé aux intellectuels<br />
espagnols par des journalistes,<br />
des universitaires et des associatifs<br />
marocains (lire le texte de l’appel, pages<br />
18 et 19), connaisse un meilleur<br />
sort. Il ne faut pas se contenter de<br />
l’espérer très fort, encore faut-il l’accompagner<br />
par une offensive diplomatique<br />
appropriée et convaincante,<br />
car les blocages parmi la classe politique<br />
et dans la société civile espagnoles<br />
sont également très forts.<br />
Il est vrai que nous manquons de<br />
moyens concrets de persuasion. Par<br />
contre, nous ne manquons pas d’arguments.<br />
M. Zapatero, aussi juvénile<br />
qu’il paraisse –et c’est plutôt un<br />
atout qu’un handicap- connaît la réalité<br />
du Maghreb. S’il a été élu par ses<br />
concitoyens, ce n’est pas uniquement<br />
à contrario, à cause de l’énorme bluff<br />
électoral de José Aznar suite aux attentats<br />
de Madrid, le 11<br />
mars 2004, à trois jours<br />
du scrutin. Il a été élu<br />
pour un projet global où<br />
nous nous inscrivons<br />
obligatoirement. Il devait<br />
être en rupture avec Aznar. Du reste<br />
Aznar n’a pas attendu ce drame inqualifiable<br />
pour façonner sa politique<br />
maghrébine. Il avait déjà fait son<br />
choix. Un choix qui sentait le gaz et<br />
le pétrole algériens à plein nez.<br />
Mais il serait réducteur de ramener sa<br />
vision et son action en direction du<br />
Nord-ouest africain au seul parfum<br />
stratégique des hydrocarbures. Chez<br />
Aznar qui, lui, servait un rictus en guise<br />
de sourire, il y avait une obsession<br />
négative et irrépressible à l’égard du<br />
<strong>Maroc</strong>. Il donnait l’impression de vouloir<br />
faire une remontée impossible<br />
dans le temps, pour une nouvelle revanche<br />
aux couleurs actualisées de<br />
reconquista, à partir de ce <strong>Maroc</strong> où<br />
tout est parti pour sept siècles de présence<br />
et d’apport culturel à ce qui a été<br />
et ce qui ne sera jamais rien d’autre<br />
que l’Andalousie.<br />
Aujourd’hui, on demande à Zapatero<br />
de se libérer de cette camisole anachronique<br />
dans son rapport au <strong>Maroc</strong>.<br />
Est-ce qu’on lui demande trop ou pas<br />
assez ? Le préjugé est d’emblée favorable<br />
; mais l’évaluation ne peut se<br />
faire qu’à l’aune de sa propre raison<br />
d’État et de son calcul électoral. Le<br />
pari est politiquement difficile pour<br />
lui. Il faudra donc l’aider. Pas par une<br />
diplomatie de sourire à pleines dents<br />
blanches immaculées, et de chevelure<br />
grisonnante à la mèche vibrante au<br />
moindre souffle d’une brise diplomatique.<br />
Notre image a suffisamment<br />
souffert d’un paraître au détriment de<br />
l’être.<br />
L’Espagne ne peut pas nous déménager<br />
; nous non plus. C’est un continuum<br />
dicté par l’histoire et la géographie,<br />
impossible à occulter, au<br />
risque de basculer dans des fantasmes<br />
irréalistes qui sont tout sauf de la politique.<br />
Et si, à partir de cet état de<br />
fait, on se regardait, les yeux dans les<br />
yeux, avec le pays de Don Quichotte?<br />
On aurait bien des choses à se dire et,<br />
L’Espagne n’a pas changé<br />
d’attitude sur le Sahara marocain.<br />
mieux que des arguments pétroliers,<br />
des vérités intangibles d’un passé commun<br />
et d’un présent en devenir. La<br />
première de ces vérités qui ne souffre<br />
aucune équivoque, est que<br />
l’Espagne commence chez nous, à<br />
partir des présides coloniaux de Sebta<br />
et Méllilia.<br />
L’Espagne, qu’elle soit celle d’Aznar<br />
ou de Zapatero, met autant d’ardeur à<br />
revendiquer, à cor et à cri, le rocher de<br />
Gibraltar, sous occupation anglaise,<br />
qu’elle n’en fait pour occulter une présence<br />
coloniale sur nos terres, érigée<br />
comme un trophée des temps jadis.<br />
Entre les présides de l’extrême nord<br />
et nos provinces sahariennes à l’extrême<br />
sud, la distance se mesure<br />
à l’échelle historique de l’équipée<br />
coloniale espagnole.<br />
À l’heure de la mondialisation et de<br />
l’abolition des barrières frontalières,<br />
nous n’en avons, assurément, pas<br />
<strong>fini</strong> avec les réminiscences coloniales<br />
de l’Espagne, quelles que soient<br />
la nature de son régime et l’effigie politico-partisane<br />
de ses gouvernants.<br />
Euraka, une idée. Et si nous nous<br />
adressions directement à l’Union européenne,<br />
par-dessus la tête de<br />
l’Espagne, pour lui rappeler quelques<br />
réalités difficilement éjectables par<br />
un effet de manche politique ? Nous<br />
sommes la partie avancée de l’Afrique,<br />
donc la porte de l’Europe. Sur ce registre,<br />
s’il y avait un gradiomètre de<br />
la lutte contre l’émigration clandestine,<br />
la palme nous reviendrait haut la<br />
main, eu égard à nos efforts, en tant<br />
que goulot obligé pour toute l’Afrique<br />
sub-saharienne.<br />
Sur ce point précis, nous sommes objectivement<br />
le recul stratégique de<br />
l’Europe, sur la rive sud de la<br />
Méditerranée. Le problème avec<br />
l’Espagne, c’est qu’elle veut transformer<br />
cette situation géo-stratégique<br />
peu enviable, en faisant du <strong>Maroc</strong> son<br />
arrière-pays. Ironie de l’histoire,<br />
l’Algérie aussi veut faire<br />
de nous un espace sans<br />
recul terrestre, complètement<br />
obstrué par l’océan<br />
Atlantique et la mer<br />
Méditerranée, en nous<br />
faisant un enfant dans le dos, sous la<br />
forme d’un État fantomatique sur nos<br />
terres du Sud.<br />
Et comme il s’agit de notre seule ouverture<br />
sur là d’où nous venons tous,<br />
tout au long de notre histoire, le Sahel,<br />
tout recul enclavant est complètement<br />
et dé<strong>fini</strong>tivement inconcevable.<br />
Entre nous et l’Algérie, nous ne demandons<br />
pas à l’Espagne profonde et<br />
périmée, nostalgique des temps coloniaux<br />
et même un peu plus loin, ni<br />
même à José Luis Zapatero, de faire<br />
le choix. Nous demandons juste une<br />
vision à long terme, celle d’un voisinage<br />
avec un pays où la transition vers<br />
la démocratie fait son chemin, dans<br />
l’ouverture sur l’autre sans exclusion,<br />
ni exclusive.<br />
Notre meilleur compagnon dans cette<br />
trajectoire si ardemment revendiquée<br />
et souhaitée, serait M. Zapatero.<br />
Encore faut-il qu’il le veuille. Et qu’il<br />
en ait les moyens.❏<br />
Abdellatif Mansour<br />
<strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong> <strong>International</strong> N° 662 - Du 22 au 28 Juillet 2005<br />
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