maquette fini 2 - Maroc Hebdo International
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LETTRE DE PARIS<br />
Gabriel Banon<br />
Le Président de la République continue<br />
de vanter le modèle français<br />
Chirac persiste<br />
et signe<br />
Le 14 juillet, la fête nationale des Français, est par tradition<br />
le jour où le Président de la République fait<br />
le point sur l’état de la France et délivre un message<br />
d’orientation à la Nation.<br />
Après le désastre du référendum sur la constitution européenne<br />
et la déconfiture de Paris dans la course à la sélection<br />
pour les jeux olympiques, on attendait avec intérêt ce<br />
que Jacques Chirac allait dire : sur la situation de la France,<br />
sur la réforme urgente du modèle social français, devenu obsolète<br />
aux dires de tous les experts de tous bords et des politiques,<br />
jusqu’au premier cercle du Président pour certains.<br />
La morosité ambiante n’est pour le moment atténuée que<br />
par l’approche des vacances et le Tour de France, grand<br />
dérivatif comme chacun sait, pour les soucis du peuple.<br />
Mais le Tour a une fin, tout comme les vacances du mois<br />
d’août ; et les faits sont têtus.<br />
Il ne faut pas<br />
prendre le<br />
peuple<br />
pour plus<br />
bête qu’il<br />
n’apparaît.<br />
On attendait, avec une certaine malice, il<br />
faut l’avouer, ce que le champion de<br />
l’Europe sociale allait dire des résultats insolents<br />
du système anglais.<br />
Avec un taux de chômage de 4,8%, au plus<br />
bas depuis 1975, le cas britannique laisse<br />
rêveur. Surtout dans le climat de profonde<br />
déprime qui affecte les Français, mis en<br />
lumière lors du rejet du projet de la<br />
Constitution européenne et accentué depuis<br />
la défaite de Paris face à Londres pour les<br />
jeux olympiques.<br />
Non, circulez, y a rien à voir. Le président Chirac trouve que<br />
le modèle français est le meilleur; plus, l’Europe devrait<br />
l’adopter. La politique de santé, la lutte contre la pauvreté,<br />
autant d’exemples indiscutables de son efficacité, aux dires<br />
du Président.<br />
Dans son allocution, il balaye de la main toute remarque sur<br />
la situation dramatique de la France : «Certes, a-t-il expliqué,<br />
le chômage y est moins important (en Angleterre) que<br />
le nôtre, sensiblement, mais, si l’on tient compte des grands<br />
éléments d’une société, qu’il s’agisse de la politique de la<br />
santé, de la lutte contre la pauvreté, nous sommes tout de<br />
même mieux placés que les Britanniques». Voir !<br />
Le fameux modèle britannique est l’un des thèmes de différenciation<br />
de Nicolas Sarkozy, qui a pris l’habitude dans<br />
ses réunions publiques de comparer les performances des<br />
deux pays.<br />
Après dix ans de pouvoir sans partage : «Je décide, il exécute.<br />
» Jacques Chirac semble découvrir le drame du chômage<br />
en France : «Il faut prendre à bras le corps cette question<br />
du chômage, qui est une plaie». Cela fait des décennies<br />
que le chômage est une plaie en France et empoisonne<br />
sa vie sociale et économique. Cela fait des décennies que<br />
les gouvernements qui se sont succédé, qu’ils soient de<br />
droite ou de gauche, ont cherché, initié et appliqué des remèdes<br />
«innovants» ; avec le résultat que l’on sait.<br />
Véritable quête du Graal, tous les responsables politiques<br />
sont à la recherche de la solution miracle, et maintenant<br />
seulement le Président de la République semble en prendre<br />
conscience.<br />
Le chômage n’est que le résultat d’un modèle social obsolète<br />
qu’il faut profondément réformer. Mais l’homme politique<br />
qui pourra se lever d’au milieu de ses pairs et annoncer<br />
urbi et orbi que la France vit au-dessus de ses moyens,<br />
qu’elle n’est plus une puissance politique,<br />
militaire et économique de premier plan,<br />
l’homme politique qui pourra, à l’instar d’un<br />
grand homme politique britannique (!) promettre<br />
de la peine, de la sueur et quelques<br />
larmes à verser sur des avantages qui ne<br />
doivent plus être «acquis», l’homme politique<br />
qui fera fi de sa réélection, mais mettra<br />
en premier chef l’intérêt national, cet<br />
homme, les Français, intuitivement, au fond<br />
de leur inconscient, l’attendent.<br />
Il ne faut pas prendre le peuple pour plus bête<br />
qu’il n’apparaît. La sagesse populaire n’est pas un vain mot<br />
et vouloir le manipuler ne donne que des résultats éphémères.<br />
Le Président de la République, lors de son interview télévisée<br />
du 14 juillet, n’a décidément pas trouvé la «clef psychologique»<br />
pour toucher «le mental des Français».<br />
Le peuple, plus réaliste que sa représentation politique ou<br />
syndicale, attend que l’on procède aux réformes, certes douloureuses,<br />
où les avantages ne sont plus «acquis», mais où<br />
la France pourra retrouver le rang qu’elle n’aurait jamais dû<br />
quitter.<br />
Pour certains observateurs étrangers, les déclarations de<br />
Jacques Chirac sont beaucoup plus celle d’un candidat que<br />
celle d’un Président s’adressant à la Nation.<br />
On retrouve là la «bête électorale», qui ne recule devant<br />
aucune contradiction, qui semble découvrir soudain les problèmes<br />
lancinants auxquels le peuple est confronté et, en bon<br />
soldat d’une campagne électorale, fait, bien entendu, les<br />
promesses qui s’imposent.❏<br />
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<strong>Maroc</strong> <strong>Hebdo</strong> <strong>International</strong> N° 662 - Du 22 au 29 Juillet 2005