Quel management pour la societe de demain - Philosophie ...
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Débat avec Luc <strong>de</strong> Braban<strong>de</strong>re<br />
Intervention 1 & 2 : Vous dites que les gran<strong>de</strong>s sociétés ont une créativité tarie. Il y a, <strong>de</strong>puis<br />
quelques années, <strong>de</strong>s start-up qui sont, elles, très créatives. Les gran<strong>de</strong>s sociétés, avec<br />
leurs moyens financiers importants, ne <strong>pour</strong>raient-ils pas oublier complètement <strong>la</strong> recherche<br />
<strong>pour</strong> racheter les idées auprès <strong>de</strong>s start-up (ce qu’elles font déjà) qui innovent ou créent ?<br />
Elles continuent à dépenser <strong>de</strong>s budgets considérables <strong>pour</strong> <strong>la</strong> recherche et <strong>pour</strong> faire <strong>de</strong>s<br />
brainstormings qui ne fonctionnent pas.<br />
Intervention 3 : Si ce<strong>la</strong> arrivait, les start-up ne <strong>de</strong>viendraient-elles pas aussi « fainéantes »<br />
que les gran<strong>de</strong>s sociétés ?<br />
Luc <strong>de</strong> Braban<strong>de</strong>re : Je vais être très rigoureux. Une entreprise n’est jamais créative. La<br />
créativité est du ressort <strong>de</strong> l’être humain. En revanche, l’individu n’innove jamais. Personne,<br />
tout seul, ne peut innover. Bien sûr, il y a <strong>de</strong>s individus qui le font <strong>de</strong> manière réelle soit<br />
d’une manière pseudo. Pour cette <strong>de</strong>rnière, le plus bel exemple est tiré d’IBM face au PC.<br />
Comment le PC est né d’IBM ? Par une pseudo PME. Avec leur immense société, connue<br />
dans le mon<strong>de</strong> entier <strong>pour</strong> ses procédures, ils étaient incapables <strong>de</strong> générer le PC. Bill Lowe<br />
(responsable, à l’époque, <strong>de</strong>s produits d’entrée <strong>de</strong> gamme) a créé une pseudo PME en<br />
prenant 200 personnes <strong>pour</strong> les poster à Boca Raton (Flori<strong>de</strong>) en leur mandant <strong>de</strong> tout<br />
oublier et <strong>de</strong> sortir le PC.<br />
Intervention 4 : C’est le principe <strong>de</strong> <strong>la</strong> « task force ». Elle existe dans toutes les<br />
multinationales.<br />
Luc <strong>de</strong> Braban<strong>de</strong>re : Il y a une quantité incroyable <strong>de</strong> sociétés d’informatique qui ont fait<br />
faillite. Le cimetière <strong>de</strong> l’informatique est immense. Il y a <strong>de</strong>ux parties. Par exemple, le<br />
Sinc<strong>la</strong>ir (ZX 81) qui avait une créativité extraordinaire mais il n’a pas voulu écouter l’autre.<br />
Qui sont les gagnants ? Ceux qui ont réussi l’escalier comme Hewlett Packard. Ils ont gravi 8<br />
marches (modèles) en commençant par fabriquer <strong>de</strong>s instruments <strong>de</strong> mesure il y a un siècle.<br />
C’est le cas aussi <strong>de</strong> Nokia. Il faut savoir comment articuler les choses <strong>pour</strong> voir quels<br />
risques prendre. Ce<strong>la</strong> passe par un certain nombre <strong>de</strong> considérations, notamment le rapport<br />
à l’échec. J’ai travaillé avec les 3M (créateurs du Post-it et emblématique <strong>de</strong> l’innovation) qui,<br />
à l’origine étaient les initiales <strong>de</strong> « Minnesota Mining and Manufacturing Company »<br />
(jusqu’en 2002). Lors d’une réunion <strong>de</strong> travail, on projette une photo représentant une fête.<br />
On pose <strong>la</strong> question : « Que croyez-vous que l’on fête ? ». Les réponses sont du genre :<br />
accès à telle somme <strong>de</strong> chiffre d’affaire. Réponse : on fête l’arrêt d’un projet. L’animateur a<br />
commenté l’évènement : si vous voulez <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s idées, il faut prendre <strong>de</strong>s risques. Un<br />
risque, par définition, c’est risqué. Ce<strong>la</strong> peut mener à l’échec. Donc <strong>la</strong> meilleure manière <strong>de</strong><br />
montrer que l’on prend <strong>de</strong>s risques est <strong>de</strong> célébrer l’évènement. Kant a une métaphore à ce<br />
sujet : l’homme est comme un oiseau qui en a marre <strong>de</strong> <strong>la</strong> résistance <strong>de</strong> l’air.<br />
Il aimerait un mon<strong>de</strong> où il n’y a pas d’air. Mais alors, il tomberait… L’air est à <strong>la</strong> fois le<br />
problème et <strong>la</strong> condition <strong>de</strong> l’oiseau. De même, <strong>la</strong> pollution d’une voiture est à <strong>la</strong> fois <strong>la</strong><br />
condition et le problème. Ainsi, je crois que les idées « mauvaises » sont <strong>la</strong> condition <strong>de</strong>s<br />
bonnes idées.<br />
Intervention 5 : Peut-on dire que <strong>la</strong> créativité est incompatible avec le confort ?<br />
Luc <strong>de</strong> Braban<strong>de</strong>re : Toute règle du type que j’ai énoncée est condamnée à l’échec car il y a<br />
aura toujours <strong>de</strong>s exemples <strong>pour</strong> dire « oui » et <strong>de</strong>s exemples <strong>pour</strong> dire « non ». Je peux<br />
vous donner <strong>de</strong>s exemples d’idées géniales nées parce qu’il y avait un confort illimité et <strong>de</strong>s<br />
exemples d’idées nées parce qu’il n’y avait rien (en tant <strong>de</strong> guerre, notamment). Quand on<br />
cherche les règles, on est toujours face à une indétermination. Est-on plus créatif seul ou<br />
avec d’autres ? On ne sait. Est-on plus créatif quand on sait beaucoup <strong>de</strong> choses ? Par<br />
exemple, Pasteur n’était pas mé<strong>de</strong>cin. S’il avait été mé<strong>de</strong>cin, aurait-il imaginé le vaccin ?<br />
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