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Quel management pour la societe de demain - Philosophie ...

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I.1.4.<br />

Limites <strong>de</strong> <strong>la</strong> rationalité instrumentale <strong>de</strong>s actionnaires et <strong>de</strong><br />

l’instrumentalisation du travail ?<br />

(variante <strong>de</strong> <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> l’efficience du I.1.1)<br />

Selon Isabelle Ferraras, l’entreprise est aujourd’hui essentiellement gouvernée par<br />

un type <strong>de</strong> rationalité : <strong>la</strong> rationalité instrumentale <strong>de</strong>s actionnaires qui investissent<br />

leur capital <strong>pour</strong> en tirer le bénéfice maximum. Or, selon elle, <strong>la</strong> rationalité<br />

instrumentale ne suffit pas. Gouvernée par elle seule, l’entreprise fonctionne mal. En<br />

effet, cette rationalité entraîne <strong>de</strong>s pathologies graves <strong>pour</strong> l’individu et <strong>pour</strong> le projet<br />

démocratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> société. En particulier dans les sociétés où <strong>la</strong> nature du travail<br />

s’est transformée à mesure que le <strong>pour</strong>centage <strong>de</strong>s emplois dans le secteur <strong>de</strong>s<br />

services a augmenté et en conséquence que les attentes typiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> sphère<br />

publique, c’est-à-dire un régime d’interaction démocratique (égale dignité) se sont<br />

développé au sein <strong>de</strong>s entreprises, dans lequel régnait et règne souvent encore un<br />

régime d’interaction dit « domestique ». Or, nous aimions à croire que l’entreprise<br />

était ce lieu où sa propre efficacité se dressait contre <strong>la</strong> soi-disant non efficacité <strong>de</strong>s<br />

pa<strong>la</strong>bres <strong>de</strong>s structures politiques démocratiques.<br />

I.1.5. Limites <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion par objectifs, <strong>de</strong>s KPI et <strong>de</strong>s gratifications monétaires ?<br />

(variante <strong>de</strong> <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> l’efficience du I.1.1)<br />

Comme l’explique Pierre-Michel Menger, <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> <strong>la</strong> motivation intrinsèque a mis<br />

en évi<strong>de</strong>nce que, dans les professions à forte intensité créatrice, il importe <strong>de</strong> ne pas<br />

être immédiatement contrôlé par les buts <strong>de</strong> <strong>la</strong> réussite ou <strong>de</strong> l’argent gagné. L’idée<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> motivation intrinsèque dit que <strong>pour</strong> réussir à être original et inventif, on ne doit<br />

pas se situer dans un cadre <strong>de</strong> travail où l’on est contrôlé par notre but. Si l’on est<br />

contrôlé par son but, on se fixe un cadre <strong>de</strong> travail où les idées que l’on associe entre<br />

elles <strong>pour</strong> travailler ou <strong>pour</strong> inventer sont contraintes. Quand on est dans un cadre <strong>de</strong><br />

travail plus ouvert et que l’on est tout simplement motivé par le p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong> faire et d’agir<br />

plutôt librement, vous avez une probabilité plus élevée <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s « associations<br />

horizontales divergentes ». Il y a donc là un paradoxe. Un acteur rationnel – comme<br />

dirait les économistes – est soit amateur du risque, il fonce et quoi qu’il arrive, il a le<br />

fol espoir <strong>de</strong> réussir soit il est pru<strong>de</strong>nt. Ici, on va un pas plus loin. La limite <strong>de</strong>s chiffres<br />

et <strong>de</strong>s KPI est elle aussi abordée par Luc <strong>de</strong> Braban<strong>de</strong>re. Quand on regar<strong>de</strong><br />

l’histoire du <strong>management</strong> sur 20-30 ans, les entreprises sont, en quelque sorte, sur un<br />

jeu <strong>de</strong> différences (on achète A plutôt que B parce que le client perçoit une<br />

différence). Mais, à y regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> plus près, il y a eu un temps où l’on pouvait faire <strong>la</strong><br />

différence dans le produit, le service, <strong>la</strong> réalité (une Renault n’était pas une Peugeot).<br />

Il y avait, <strong>de</strong> manière factuelle, <strong>de</strong>s différences. Mais, actuellement, il y a une <strong>la</strong>me <strong>de</strong><br />

fond qui tend à l’uniformisation <strong>de</strong> tous les biens et même <strong>de</strong>s services. Et ce, <strong>pour</strong><br />

plusieurs raisons. D’abord parce que les gens se tournent vers <strong>de</strong>s constructeurs<br />

premiers, ensuite parce que, par exemple, c’est <strong>la</strong> même usine au Vietnam qui<br />

fabrique Nike et Adidas ; enfin, ce sont les mêmes logiciels partout. La différence qui<br />

reste, si l’on peut dire, du « succès » est <strong>de</strong> moins en moins possible dans <strong>de</strong>s<br />

choses concrètes comme les produits, les services ou les logiciels. De plus en plus, <strong>la</strong><br />

différence se crée ailleurs, dans cette partie non chiffrable (le « soft »). « Ce que<br />

je retiens <strong>de</strong> <strong>la</strong> philosophie, c’est ce<strong>la</strong> : comment pouvoir avoir <strong>la</strong> rigueur<br />

professionnelle dans les entreprises dans <strong>la</strong> partie non chiffrable, elle-même <strong>de</strong> plus<br />

en plus ample. » conclut <strong>de</strong> Braban<strong>de</strong>re.<br />

Face à ces logiques instrumentales qui entraînent <strong>la</strong> démesure, Viveret note enfin que dans<br />

notre société cette démesure s’accompagne d’un mal-être profond. Nos sociétés sont selon<br />

lui - <strong>pour</strong> reprendre un <strong>la</strong>psus révé<strong>la</strong>teur - <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> conso<strong>la</strong>tion. En effet, le cœur <strong>de</strong>s<br />

messages publicitaires ne sont-ils pas souvent <strong>de</strong>s promesses dans l’ordre <strong>de</strong> l’être <strong>pour</strong><br />

mieux faire passer un message dans l’ordre <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> l’avoir : du bonheur, <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

beauté, <strong>de</strong> l’amour, <strong>de</strong> l’amitié, voire <strong>de</strong> <strong>la</strong> sérénité et <strong>de</strong> l’authenticité ? Or ces <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />

l’ordre <strong>de</strong> l’être ne sont-elles pas d’autant plus fondamentales que l’on vit dans <strong>de</strong>s sociétés<br />

où le rapport à autrui est beaucoup plus marqué par <strong>la</strong> compétition et <strong>la</strong> rivalité que par <strong>la</strong> paix<br />

et l’amitié, que le rapport à <strong>la</strong> nature est beaucoup marqué par <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong><br />

l’environnement, que le rapport à soi est très faible au vu <strong>de</strong> l’absence <strong>de</strong> vie intérieure et<br />

spirituelle. La publicité intervient dès lors en créant une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> correspondant à ce vi<strong>de</strong>.<br />

www.philosophie-<strong>management</strong>.com 20

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