une bande dessinee idéologique : rahan - Revue des sciences ...
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(30) G. Flaubert, p. 429.<br />
(31) V. Lénine, t. 3, p. 200.<br />
tradition n'est qu'<strong>une</strong> mécanique<br />
tournant à vide, où la réflexion n'intervient<br />
plus. Le mensonge s'y manifeste<br />
donc sans difficulté. Un sorcier,<br />
après un accident au cours duquel le<br />
chef eut la langue tranchée, impose le<br />
silence à la tribu. D'abord marque de<br />
respect, l'habitude fixée se transforme<br />
en sottise : les hommes finissent par<br />
perdre l'usage de la parole et de la raison<br />
qui en procède (86, 70). Une fois<br />
ancré dans les cervelles, l'ordre social<br />
est consolidé par ceux qui, pourtant,<br />
en souffrent objectivement. Le petit<br />
peuple <strong>des</strong> pauvres fait, contre l'élite<br />
éclairée, l'apologie de la religion (27,<br />
5). En «avance sur son temps», l'élite<br />
est fréquemment assimilée à l'ennemi.<br />
R est suspecté d'intentions malveillantes<br />
: «il reviendra avec son clan s'emparer<br />
de notre territoire» (3, 58). La<br />
non-appartenance ethnique est assimilée<br />
au «parti de l'étranger» (8, 12).<br />
Les hommes ont parfois «de mauvaises<br />
idées en tête» (102, 42), mais le<br />
temps ne compte pas : «stupi<strong>des</strong> chasseurs,<br />
R espère que vous comprendrez<br />
un jour!» (27, 13). Le «Progrès»,<br />
comme le dépeint le « Dictionnaire <strong>des</strong><br />
idées reçues», «Toujours mal entendu<br />
et trop hâtif» (30), doit attendre «que<br />
la nation intéressée ait évolué... ce qui<br />
est inéluctable» (31). Une fois seulement,<br />
R «fuit ce clan étrange où il<br />
était impossible de distinguer les bons<br />
<strong>des</strong> mauvais» (30, 17), où la dualité<br />
<strong>des</strong> deux «classes» était encore obscure...<br />
6. Humain,<br />
plus qu'humain<br />
Le personnage éponyme de la collection<br />
résume l'ensemble <strong>des</strong> principes<br />
positifs de l'Histoire. Il est la «théorie<br />
» a-temporelle et la «pratique»<br />
qui lui donne vie au jour le jour. Ses<br />
moyens sont curieusement ceux de ses<br />
antagonistes, du moins en partie :<br />
d'abord la force ou la force retournée<br />
de l'adversaire (1, 7), puis la souplesse,<br />
lorsque la force est inefficace<br />
contre un colosse (40, 11), et la fuite<br />
(5, 64 ; 24, 21). Finalement, «il lui<br />
reste la ruse» (84, 7). La souplesse intellectuelle<br />
n'est pas <strong>une</strong> lâcheté (21,<br />
6), mais <strong>une</strong> façon de se mettre au diapason<br />
de l'ennemi, <strong>une</strong> marque de sagacité<br />
qui contraste avec la crédulité<br />
<strong>des</strong> sots (4, 29), assimilés aux animaux<br />
du sorcier sont du même ordre, il<br />
s'agit de bien spécifier la différence.<br />
La ruse vise au bien général, tandis<br />
que le mensonge ne profite qu'au malfaisant<br />
(57, 41). Qu'importent les<br />
moyens si le gouvernement garde en ligne<br />
de mire le bien-être <strong>des</strong> générations<br />
futures ! Remarquons tout de<br />
même que la ruse est <strong>une</strong> praxis complaisamment<br />
illustrée, mais non « officielle»,<br />
comme les qualités que représentent<br />
les griffes du collier fétiche de<br />
R. Elle ne correspond à aucun alinéa<br />
de la «constitution» et ne fonctionne<br />
que voilée. Faute de quoi, où serait la<br />
ruse ? R, par conséquent, fait semblant<br />
d'être du côté <strong>des</strong> ennemis (7,<br />
64), ment (11, 22), gagne du temps (7,<br />
44), se camoufle (76, 50), fait le mort<br />
(93, 37), divise l'adversaire (6, 13),<br />
menace de la peine capitale (92, 16),<br />
pratique l'attaque préventive (117,<br />
371). L'intoxication est efficace et «le<br />
langage est <strong>une</strong> arme» (86, 73).<br />
La persuasion doit, en principe, suffire<br />
pour ramener les travailleurs opprimés<br />
dans le droit chemin du progrès.<br />
Lorsque, malgré tout, force et<br />
ruse interviennent, R multiplie les soliloques,<br />
avertit le lecteur de la pureté<br />
de ses intentions. Il « déteste abuser de<br />
la crédulité de ceux qui marchent debout,<br />
mais il reconnaît que la ruse est<br />
efficace» (81, 40). Jouant les sorciers<br />
(99, 68), les dieux (111, 120), usant de<br />
placebos, philtres de bravoure (14, 9),<br />
il «doit frapper l'imagination du<br />
clan » (66, 27). Mais, quand il aura gagné<br />
sa confiance, «il révélera cette<br />
ruse» (76, 53) : plus tard, les «dirigeants»<br />
expliqueront au peuple le<br />
pourquoi <strong>des</strong> choses qui lui échappent<br />
pour l'instant. Les moyens sont adaptés<br />
au niveau du public, qu'il s'agisse<br />
de concessions aux rituels (41, 71) ou<br />
du maintien provisoire de coutumes<br />
qu'il est «dangereux de troubler» (7,<br />
54). Cette attitude, tout de même, a<br />
<strong>des</strong> limites. Dès lors que les traditions<br />
perdent leur caractère «folklorique»<br />
et contrecarrent trop ouvertement sa<br />
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