une bande dessinee idéologique : rahan - Revue des sciences ...

les asociaux. Ils interdisent mordicus
leur territoire (70, 5 ; 82, 52), refusent
tout partage (7, 35 ; 117, 372). Il n'y a
qu'un pas à franchir pour concevoir la
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chauvins... De semblables distinctions
s'appliquent, enfin, aux paysages ou
aux territoires, étriqués et fermés
lorsqu'y évoluent des «primitifs» patibulaires,
larges et ouverts pour les
plus évolués. Les climats «sousdéveloppés»
sont extrêmes, désertiques
et caniculaires (40, 30), — «tristement
tropicaux» —, brumeux et
groenlandais (112, 154), troublés par
l'éruption intempestive d'un volcan.
Tous engendrent misère et pénurie. R
ne les prise guère, en bon Européen à
l'aise dans les vallées fleuries ou, à
l'instar de nos migrants estivaux, sur
les plages à cocotiers où il s'attarde
volontiers.
De l'infrastructure sociale aux qualités
et défauts de l'intellect et, finalement,
aux états de la nature, le monde
est pétri d'une pâte unique. La même
formule binaire s'applique, comme
une relation préconstruite, à tous les
termes disponibles. La valeur de ces
derniers, leur place dans le
«système», ne sont pas définitives. Le
«chef», par exemple, incarne l'autorité
néfaste face au groupe qu'il dirige.
Il représente, au contraire, la
bonne humanité, politique et laïque,
lorsqu'il s'oppose au sorcier. Dans
d'autres cas, les fonctions stables s'actualisent
dans des référentiels différents,
qui en renforcent la valeur. La
«femme» s'oppose, non seulement au
«mari», mais au «chef», au «sorcier»,
au «fauve» : tous l'oppriment
et la persécutent. Selon les épisodes,
l'un ou l'autre cas de figure prédomine,
soit qu'un personnage mette en
relief l'instabilité de l'appartenance
sociale ou qu'il symbolise tous les
«damnés de la terre».
5. Du changement social
Les «manques» que décrivent les situations
initiales appellent d'inévitables
révolutions. Il arrive que ces dernières
soient engendrées par le
brusque réveil d'un volcan, mieux
prévu par les éléments avancés de la
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magma des contradictions sociales, le
péril et la nécessité, provoquent la formation
d'une «conscience de classe».
Alors, la chaîne se faisait «forte et
belle» (18, 43) et «Ceux du bas et
Ceux du haut» se sentaient «les alliés
du même fleuve» (52, 28), «soudés
par le combat mené en commun» (1,
21). Surtout, esclaves et prolétaires se
sentent frères (25, 46). On notera,
malgré tout, que l'action du héros
aboutit plus sûrement à la réconciliation
des clans (73 , 74). Moins spontanée,
sa praxis seule procède d'une
théorie fiable ! Lorsque les fantasmes
nés de la peur, fixés par la tradition
trompeuse, s'estompent, il se produit
une révolution mentale complémentaire.
Le terrain se libère pour la mise
en place d'un progrès contrôlé qui
s'adresse, non aux ennemis, mais à la
masse des prolétaires capables d'évoluer.
Remarquons, en outre, que la
description de ce pivot qu'est la révolution,
— bataille ou prise de conscience
—, prend moins de place que la
description des «stades». Il n'incarne
qu'une pure limite, vide de contenu,
qui sépare l'avant et l'après.
Changer, c'est s'adapter à des conditions
elles-mêmes changeantes, «marcher
avec son temps», «se développer
», langage que tout le monde peut
comprendre. Tout être est soumis à
cette obligation vitale : «les feuilles
changent, donc, elles vivent» (5, 48).
Ce qui est utile est déterminé par le
milieu. Trouvant un dynosaure aveugle
au fond d'une caverne obscure, R
commente : «à quoi serviraient des
yeux dans cette nuit éternelle ?» (65,
//). Le modèle (darwinien ?, Lamarckien
?) est étendu sans peine au
«corps social» qui, selon la métaphore
de H. Lefèvre, «naît, grandit,
décline, meurt», tandis que l'essence
de l'homme est «entièrement historique»
(22). On comprendra que le
« pays réel » commande le changement
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