une bande dessinee idéologique : rahan - Revue des sciences ...

léonesque assume une seconde fonction.
Il masque la nature doctrinale du
propos. Les goûts (supposés) des jeunes
lecteurs sont activement flattés.
Ilfo m ês-
dynamique, a gestue
des personnages, emphatique ou péremptoire,
est prise sur le vif. Les angles
sont «cinématographiques»,
l'image est montrée en condensé dans
un œil (1, 18) ou du «point de vue»
d'un rhinocéros (42,15). Toute la présentation
relève d'une «kinopravda»,
toujours en prise directe sur
une réalité baroque. La violence est
omniprésente et complaisamment représentée
lorsqu'elle s'exerce à rencontre
des animaux (8, 7; 29, 64).
Bien qu'elle puisse empiéter sur le dialogue,
cette fonction de mise en scène
s'appuie donc surtout sur la forme
plastique. Naturellement plus polysémique,
celle-ci joue d'autant mieux
son rôle de «brouillage», épaulée en
cela par quelques gadgets fabriqués à
Hong Kong, comme la chauve-souris
en caoutchouc du n° 24. Le rôle d'accrochage
et de subversion apparaît
bien dans les cas où la mise en image
contredit ce qui est proclamé dans le
texte. Telle gazelle, que R sacrifie par
obligation et qui « n 'a pas le temps de
souffrir», conformément au message
écologique, est montrée poignardée
avec entrain (13, 71). Quoiqu'on ne
trouve guère d'allusions sexuelles, on
aperçoit tout de même quelques robes
échancrées, d'un style daté, qui démentent
la pruderie des comportements
(78, 65; 90, 49; 96, 70). Enfin,
le texte n'est pas totalement «fonctionnel»,
on s'en doute, et contient un
«reste» qui ne témoigne d'aucune intention
du moins didactique. Quelques
incorrections de langage (12, 35;
18, 37; 42, 6), le ton relâché de bien
des dialogues, certains tics comme la
répétition hoquetante de «que, que»
d'étonnements, empruntée à d'autres
magazines (86, 62), contrastent curieusement
avec des termes recherchés,
comme ces «buissons de saponaires»
(99, 60), visiblement issus du
dictionnaire ou des romans « préhistoriques»
du début du siècle.
La délimitation des épisodes est arbitraire.
Les mêmes aventures sont souvent
reprises à quelque distance ou
fondues les unes dans les autres (5 et
1 Le ) marais de ' la J
peur») beu
comptent 512 «Le vraiment marais de les « modules » qui
permettent la présentation des
situations-types. A tous égards, ceuxci
constituent des «énoncés» organisés
selon un schéma qui ne varie guère
et qu'on peut résumer comme suit :
intervention
problème _ _ résolution
rencontre séparation
avertissement commentaires
titre
image finale
La séquence «idéale» comporte deux
volets symétriques, de part et d'autre
d'un événement central, compte-tenu
de ce que la position des termes extrêmes
subit quelques variations. Le pivot
marque le changement qui, d'une
situation initiale négative, produit un
progrès quelconque. D'une «dysphorie»,
on accède à P«euphorie» finale
(2) : le modèle se conforme de luimême
aux analyses les plus formalistes
du conte populaire ! L'organisation
est reprise dans une foule de
«micro-modules», à l'intérieur de
chaque épisode et l'ensemble se présente
comme un assemblage de poupées
gigognes. On notera que les
«fonctions» qu'assument les situations
de départ et d'arrivée ne peuvent
s'opposer à leur absence, ce qui implique
que le « message » véhicule une information
assez limitée.
Autour du thème fondamental, —
problème posé et résolu —, la périphérie
est organisée en paires en miroir.
Titre et avertissement font pendant
aux commentaires et à l'image finale.
Les premiers annoncent la couleur :
«En ces temps obscurs, les sorciers entretenaient
parfois les vieilles superstitions
pour en tirer profit» (6, 4). La
sentence ultime vient en écho : «Il
n'est ni dieu de la chasse ni miracle»
(66, 28). La rencontre du héros avec
les protagonistes du drame fait pen-
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