une bande dessinee idéologique : rahan - Revue des sciences ...

à tout prix, même si le résultat est absurde
: le cheval est un «quatre jambes»
(102, 71), bien que la plupart des
animaux terrestres répondent à ce critère.
Qualifier la mouette d'«oiseau
de neige», — comparaison difficile en
milieu tropical —, révèle, de même,
une volonté de faire «primitif» coûte
que coûte. Quelques termes sont «surmotivés»
pour rendre le phénomène
encore plus sensible : de Parc-en-ciel,
on passe à P« arc du ciel » (114, titre) ;
quadrumane se transforme en « quatre
mains» (57, 27) ; le tricératops est un
«trois cornes» (40, 19) et, à partir
d'«octopus», la pieuvre est qualifiée
de «tête à huit bras» (38,9). Il suffit,
dans certains cas, de renverser l'ordre
ordinaire de la détermination pour atteindre
au même résultat : «hommes
petits» remplace avantageusement
«petits hommes» (12, 38).
Pourquoi ce passé révolu serait-il
exemplaire ? C'est que ce «temps
perdu» est déjà «retrouvé» ! Il n'est,
en fait, qu'un présent projeté derrière
nous, un présent «rétrograde». Nous
sommes en terrain de connaissance,
dans un monde contemporain déguisé,
mais dont subsistent les sensibilités,
les soucis et les grandes catégories, du
«politique» au «religieux», en passant
par l'«économique». R se situe
lui-même «Dans la nuit des temps»
(51, 7), c'est-à-dire, du point de vue
actuel. Dès lors, les oripeaux des musées
servent surtout de «couverture».
Après avoir joué de leur séduction auprès
des jeunes lecteurs, on en vient
enfin à l'essentiel, au présent qui,
seul, donne sens au passé et à l'avenir.
C'est à lui que s'arrête l'Histoire. Le
passé n'en est que l'inversion factice et
l'avenir n'en constitue que le développement
quantitatif.
Les questions de l'actualité sont, visiblement,
traitées à la demande. Le
problème de la monnaie, par exemple,
n'est pas au centre de la société préhistorique.
Or R administre à ses «élèves»
une leçon d'économie (...libérale)
où l'on apprend que les
«gonuks» (coquillages du genre cauris)
sont d'autant plus valorisés qu'ils
sont plus rares (13,69). Les problèmes
du désarmement (21, 21) et du pacifisme
sont, tour à tour, évoqués.
Leurs champions sont «injustement
accusés de lâcheté» (45 , 48). Le féminisme,
omniprésent, est traité dans un
n° spécifique (1, « Celles qui marchent
debout». Les chasseurs considèrent
les femmes « tout juste bonnes à faire
cuire la viande, à leur donner des enfants»
(95, 67), — spécialisation que
le monde ancien ne cherchait certes
pas à récuser —. La drogue fait l'objet
de commentaires appuyés (79, Le territoire
fantastique»). Les hommes qui
en font usage sont des «déchets humains»
(104, 28), mais la connaissance
scientifique justifie quelques expériences
où R précède H. Michaux. Il
tente de savoir « quel effet produisent
sur lui ces champignons maudits» (79,
21). Les «drogues douces», tabac et
vin, dont l'usage est trop répandu,
sont vilipendées avec moins d'énergie.
R «préfère aspirer l'air pur des collines»
et la «tige qui fume» est repoussée
avec quelques « Pouah ! » qui sont
à l'adresse de ceux qui ne fument pas
encore (80, 24). L'excès seul est réellement
nocif : « Celui qui y boit trop ne
sait plus ce qu'il fait» (107 , 37). Le
traitement de l'écologie reproduit les
palinodies actuelles. Il s'agit de promouvoir
une bonne exploitation de la
nature, sans menacer l'existence du gibier
dont on aura besoin un jour (71,
27), ne serait-ce qu'en épargnant les
femelles (88, 27). Il existe, comme
chacun sait, de mauvais (et jeunes)
écologistes, dont l'amour des animaux
se retourne en haine des hommes (57,
31). Ces mêmes jeunes gens s'en prennent
au parti de ceux qui défendent
vraiment la nature, plutôt qu'à leurs
pères, responsables du massacre (57,
40)...
Bien des «petites» questions sont
strictement contemporaines ou modernes.
Ainsi, le suicide, auquel il faut
savoir résister (74, 7), l'enrôlement
dans une secte de « fils de la lune», dirigée
par des sorciers bannis, d'autant
plus «religieux» qu'ils sont dépourvus
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