Zibeline n° 61 en PDF
Zibeline n° 61 en PDF
Zibeline n° 61 en PDF
- No tags were found...
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
14<br />
M<br />
P2013<br />
Pour une poétique révolutionnaire<br />
Dans les espaces rénovés du musée<br />
Cantini, les toiles gigantesques de Matta<br />
(1911-2002) trouv<strong>en</strong>t un écrin à leur<br />
démesure. Elles illumin<strong>en</strong>t les cimaises de<br />
leur «imagination courageuse». Nul besoin<br />
d’une muséographie délirante pour <strong>en</strong>rober<br />
l’exposition ! Mieux vaut l’exploration chronologique<br />
de ce qui a conduit Matta «des<br />
voies de l’automatisme surréaliste à une<br />
interprétation métaphorique de l’histoire»<br />
pour faire sauter les verrous d’une œuvre<br />
parfois complexe, au-delà du jeu chromatique<br />
séduisant. Cette volonté de clarté<br />
met <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce les répercussions des<br />
événem<strong>en</strong>ts surv<strong>en</strong>us au Chili, à Cuba, et<br />
dans le monde, sur une création prolifique.<br />
D’ailleurs trois étages ont été réquisitionnés,<br />
faisant la part belle aux huiles sur toile et, <strong>en</strong><br />
fin de parcours, à l’œuvre graphique qui sous-t<strong>en</strong>d<br />
ses recherches, pour saisir sa personnalité<br />
fougueuse, ses <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts (Les Roses sont<br />
belles <strong>en</strong> hommage aux époux Ros<strong>en</strong>berg ou<br />
Les juges de Nuremberg sont autant de manifestes),<br />
ses amitiés avec les artistes et les poètes<br />
(de Garcia Lorca à Magritte, de Dali à Breton).<br />
Les tableaux, dès 1942, sont traversés de lignes<br />
météoriques, d’éclats de couleurs, de formes<br />
ou figures disloquées ; traces et éclaboussures<br />
révèl<strong>en</strong>t leur monde intérieur tumultueux. À<br />
partir de 1947 la profusion chaotique laisse place<br />
à un ordonnancem<strong>en</strong>t géométrique des aplats.<br />
Tout est là, déjà, qui annonce la toile peinte <strong>en</strong><br />
1950, à Rome, à la mémoire de son ami Lorca,<br />
fusillé : Contra vosotros asesinos de palomas.<br />
Une œuvre fondam<strong>en</strong>tale à la mécanique interne<br />
Contra vosotros asesinos de palomas, 1950. Huile sur toile, 200 x 271 cm. C<strong>en</strong>tre national des arts plastiques, Paris.<br />
En depot au musee Cantini Marseille © Adagp, Paris. Credit photographique Jean Bernard<br />
complexe, aux récits juxtaposés, à la palette<br />
tourm<strong>en</strong>tée. À partir de là les châssis ne vont<br />
jamais cesser de grandir jusqu’aux polyptiques…<br />
Comme cet Etre Hommonde de 1960,<br />
véritable chant héroïque, où les ondulations,<br />
symboles, figures mythologiques et autres<br />
machines improbables figur<strong>en</strong>t une partition<br />
unique. Pour cet arp<strong>en</strong>teur infatigable, quelle<br />
plus belle façon d’exister que par la peinture<br />
«s<strong>en</strong>sée nous donner le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’être uni,<br />
d’être hommonde» <br />
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI<br />
Matta du surréalisme à l’histoire<br />
Jusqu’au 20 mai<br />
Musée Cantini, Marseille<br />
04 91 54 77 75<br />
www.culture.marseille.fr<br />
Portrait d'Andre Cadere Museum van Hed<strong>en</strong>daagse Kunst, Gand, Juin<br />
1977 Courtesy Succession Cadere et Galerie Herve Bize, Nancy<br />
Cadere à la dérive<br />
En 1978 André Cadere disparaît des écrans<br />
avant-gardistes qu’il a marqués de sa singularité.<br />
Il avait 44 ans. Et avait dérivé sans faillir à ses<br />
<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts, affirmant sa posture radicale,<br />
passant comme une météorite.<br />
Inclassable, il promène sa silhouette longiligne<br />
avec une Barre de Bois Rond à la main, et, sans<br />
jamais s’<strong>en</strong> départir, arp<strong>en</strong>te le bitume d’Europe<br />
et des États-Unis, fait irruption dans les vernissages<br />
et les happ<strong>en</strong>ings, écrit inlassablem<strong>en</strong>t.<br />
Photographies des rues de Londres et de New-<br />
York à l’appui, Barre de bois rond posée contre<br />
une poubelle év<strong>en</strong>trée ou exposée <strong>en</strong> galerie.<br />
Et textes à l’appui : «La Barre de bois blond est<br />
un assemblage de segm<strong>en</strong>ts peints dont la<br />
longueur égale le diamètre du matériau utilisé.<br />
Les permutations des différ<strong>en</strong>tes couleurs se<br />
succèd<strong>en</strong>t d’après une méthode comportant des<br />
erreurs.»<br />
Le Moulin se fait le passeur <strong>en</strong> réinv<strong>en</strong>tant un<br />
parcours semé de Barre de Bois Rond, toujours<br />
la même et jamais pareille, <strong>en</strong> réunissant une<br />
abondante correspondance, manuscrits, articles<br />
de presse qui témoign<strong>en</strong>t de ses expositions,<br />
de ses amitiés, de ses recherches. Et de ses<br />
pérégrinations : officielles comme lors de son<br />
exposition à la galerie Maeght à Paris <strong>en</strong> 1973 ;<br />
ou inacceptables aux yeux d’un conservateur de<br />
musée parisi<strong>en</strong> qui le chassa du Festival d’automne<br />
<strong>en</strong> 1972 sous prétexte que l’introduction<br />
des parapluies était interdite !<br />
Pour André Cadere l’art est omniprés<strong>en</strong>t, dans<br />
les rues, les galeries, l’atelier, de jour comme de<br />
nuit. Jusque dans une vitrine réfrigérée de la pâtisserie<br />
L. Darcy, rue de Seine, qui «v<strong>en</strong>d» la<br />
Barre de Bois Rond et les petits gâteaux ! Ce qui<br />
pourrait paraître anecdotique est l’acte d’un<br />
artiste v<strong>en</strong>t debout, qui refuse l’avis de «farfelus<br />
milliardaires, de richissimes galeristes, d’organisateurs,<br />
critiques et artistes de service persuadés<br />
que l’art ne peut être exposé partout».<br />
M.G.-G.<br />
Cadere / la Barre de Bois Rond et ses avatars<br />
Dans le cadre d’Ulysses, itinéraire d’art contemporain<br />
jusqu’au 27 avril<br />
Espace d’art Le Moulin, La Valette-du-Var<br />
04 94 23 36 49<br />
www.lavalette83.fr