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Zibeline n° 61 en PDF

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La Justice et la Force<br />

74<br />

R<br />

E<br />

N<br />

C<br />

O<br />

N<br />

TRES<br />

Ce qui est profondém<strong>en</strong>t rassérénant quand on<br />

écoute Tzvetan Todorov, c’est que sa p<strong>en</strong>sée se<br />

construit sur des concepts affirmés et qu’on y<br />

retrouve, alors qu’il parle du problème concret<br />

de l’exercice d’une justice universelle, un univers<br />

intellectuel articulé finem<strong>en</strong>t autour de la p<strong>en</strong>sée<br />

humaniste. Il comm<strong>en</strong>ce ainsi son exposé par un<br />

postulat qui comm<strong>en</strong>te Pascal et Montesquieu,<br />

affirmant qu’il existe un «s<strong>en</strong>s universel» de la<br />

Justice, et que «on ne peut admettre une justice<br />

relative qui serait valable au-delà des Pyrénées et<br />

non <strong>en</strong>-deçà». Il conclura <strong>en</strong> citant Montaigne :<br />

«l’exist<strong>en</strong>ce humaine est un jardin imparfait» et<br />

nous n’avons pas à rougir de choisir une voie<br />

moy<strong>en</strong>ne.<br />

Pourquoi La Justice universelle que les nations<br />

essai<strong>en</strong>t de mettre <strong>en</strong> place depuis Nuremberg<br />

ne fonctionne pas. Et, ne peut fonctionner, soumise<br />

qu’elle est aux nations les plus fortes.<br />

Son exposé le démontre par l’exemple : le Tribunal<br />

Pénal International, contemporain des<br />

événem<strong>en</strong>ts qu’il juge, a employé les termes de<br />

«génocide» et «crime contre l’humanité» contre<br />

Milosevic, à partir des chiffres avancés de 100 000<br />

à 500 000 morts au Kosovo, crimes réels mais<br />

dont on sait aujourd’hui qu’ils fir<strong>en</strong>t 4 000 morts,<br />

et 2 000 disparus. La raison de cette qualification<br />

des faits erronée est avouée par l’OTAN : «nous<br />

sommes les bailleurs de fonds du TPI», il fallait<br />

donc que l’OTAN justfie l’emploi de la force.<br />

La Cour Pénale Internationale souffre d’autres<br />

maux, dus au manque de moy<strong>en</strong>s : économiques,<br />

qui l’empêche d’<strong>en</strong>quêter et donc l’amène à juger<br />

d’après des preuves recueillies par les plaignants ;<br />

statutaires, puisqu’elle ne peut accuser que ceux<br />

qui ont ratifié sa conv<strong>en</strong>tion, et que ni les USA,<br />

ni la Russie, ni la Chine ne l’ont fait ; les membres<br />

perman<strong>en</strong>ts du Conseil de sécurité de l’ONU<br />

sont au-dessus de la loi, ainsi que leurs protégés<br />

grâce à leur droit de véto. Ainsi la CPI, c<strong>en</strong>sée<br />

d’après Kofi Annan «protéger les faibles et punir<br />

les crimes des puissants», a laissé <strong>en</strong>vahir l’Irak et<br />

bombarder les populations civiles sous un<br />

prétexte fallacieux ; n’agit <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> contre les<br />

crimes d’Israël <strong>en</strong> Palestine ; de la Russie <strong>en</strong><br />

Tchétchénie ; de la Chine au Tibet : elle n’<strong>en</strong> a<br />

pas les moy<strong>en</strong>s. Les inculpations de la CPI, 28 à<br />

ce jour, concern<strong>en</strong>t toutes des chefs d’État Africains<br />

! Et la Cour est toujours saisie par les vainqueurs,<br />

qui transform<strong>en</strong>t leurs <strong>en</strong>nemis <strong>en</strong><br />

criminels et camoufl<strong>en</strong>t leurs propres exactions.<br />

Une justice sélective, qui ne frappe que les vaincus,<br />

est-elle <strong>en</strong>core une justice «On poursuit les<br />

m<strong>en</strong>us rats alors que les gros rats s’échapp<strong>en</strong>t», disait<br />

Orwell à propos de Nuremberg. Le TPI et la CPI<br />

ne font pas mieux.<br />

D’où le choix de la voie moy<strong>en</strong>ne : si la justice<br />

universelle, soumise à la force, ne fonctionne pas,<br />

la justice internationale progresse. Car «on a plus<br />

de chance d’être juste lorsqu’on reste modeste et<br />

empirique qu’avec un grand dessein» : Tzvetan<br />

Todorov prône la collaboration <strong>en</strong>tre nations,<br />

«l’agglutination et le bricolage». Qui peut comm<strong>en</strong>cer<br />

par des problèmes résolubles : les crimes<br />

économiques (paradis fiscaux) ou écologiques<br />

sont à portée d’action !<br />

AGNÈS FRESCHEL<br />

Tzvetan Todorov interv<strong>en</strong>ait dans le cadre<br />

d’Échange et diffusion des savoirs<br />

à l’Hôtel du départem<strong>en</strong>t, Marseille, le 7 mars<br />

Un soir<br />

WAAW !<br />

Vingt heures. L’apéro bat son plein au WAAW<br />

(What An Amazing World, bistrot culturel <strong>en</strong>tre<br />

le Cours Juli<strong>en</strong> et La Plaine). Mousse de la musique,<br />

des voix, des bières. Pourtant, ce n’est pas un<br />

soir comme les autres. Attablés dans un coin de<br />

la salle, les quatre chroniqueurs du jour sont fin<br />

prêts. Avec ou sans notes, ils vont déf<strong>en</strong>dre ou<br />

desc<strong>en</strong>dre les six BD sélectionnées. Depuis 2009,<br />

Marseille s’est <strong>en</strong>gagée dans le concept Raging<br />

Bulles, imaginé par un Bordelais et largem<strong>en</strong>t<br />

sout<strong>en</strong>u par l’association Massilia BD et la<br />

librairie La réserve à bulles. Aujourd’hui, ces<br />

chroniques BD m<strong>en</strong>suelles et <strong>en</strong> public se déroul<strong>en</strong>t<br />

simultaném<strong>en</strong>t à Bordeaux, à Marseille<br />

et à Toulon. Chaque mois, six ouvrages sont<br />

proposés à la critique d’une dizaine de chroniqueurs<br />

tournants, pas forcém<strong>en</strong>t des spécialistes<br />

mais assurém<strong>en</strong>t des amateurs éclairés. La sélection,<br />

large, comporte toujours au moins un<br />

manga et un comic. Les BD choisies sont mises<br />

à la disposition du public durant tout le mois<br />

précédant la r<strong>en</strong>contre. Ainsi, chacun peut v<strong>en</strong>ir<br />

les lire au WAAW et interv<strong>en</strong>ir librem<strong>en</strong>t lors de<br />

la session. Raging Bulles, le nom sonne comme<br />

un uppercut, mais la joute verbale, pour passionnée<br />

qu’elle soit, n’a ri<strong>en</strong> d’agressif. Ce qui frappe<br />

surtout, c’est l’érudition de ces <strong>en</strong>ragés de bulles<br />

et l’acuité de leurs analyses. L’animateur distribue<br />

équitablem<strong>en</strong>t la parole. Le public intervi<strong>en</strong>t<br />

souv<strong>en</strong>t. Le ton est libre et dét<strong>en</strong>du, le dialogue<br />

vif, les formules percutantes. Bref, un débat à la<br />

loyale qui <strong>en</strong>voie au tapis pas mal d’idées reçues<br />

sur le monde de la BD.<br />

FRED ROBERT<br />

Soiree Raging Bulles au WAAW © Theo Gremillet<br />

Raging Bulles se déroule au WAAW, Marseille,<br />

chaque dernier jeudi du mois à 20h<br />

www.waaw.fr<br />

www.ragingbulles.fr/marseille

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