Zibeline n° 61 en PDF
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30<br />
M<br />
USIQUE<br />
Pépites<br />
marseillaises<br />
remises au goût<br />
du jazz<br />
Beaucoup de jeunes Marseillais ignor<strong>en</strong>t peutêtre<br />
qu’avant de retirer des CD à l’Alcazar, on<br />
v<strong>en</strong>ait y écouter des chansons. C’est à cette<br />
période et ses artistes de music-hall que la<br />
création Alcazar Memories r<strong>en</strong>d hommage. Et<br />
avant tout aux grands noms de la chanson<br />
marseillaise. Se réappropriant le répertoire,<br />
Paul Lay, Isabelle Sörling et Simon Tailleu<br />
réinv<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t des standards qu’ils altern<strong>en</strong>t avec<br />
des classiques du jazz et des compositions<br />
originales. Pianiste à la virtuosité déjà reconnue,<br />
Paul Lay a su préserver la jovialité des<br />
titres <strong>en</strong> leur insufflant une énergie jazz<br />
pourtant bi<strong>en</strong> loin du cabaret. Son collègue à<br />
la basse, ainsi qu’à la boîte à musique, ponctue,<br />
dans la complém<strong>en</strong>tarité, la voix <strong>en</strong>voûtante<br />
à la diction parfois fragile de la Suédoise<br />
Isabelle Sörling. Le pari était certes risqué de<br />
confier l’interprétation de classiques de Vinc<strong>en</strong>t<br />
Scotto à une chanteuse à l’acc<strong>en</strong>t à<br />
couper au couteau. Mais la tal<strong>en</strong>tueuse et<br />
Voyage extralucide<br />
Les trois théâtres GTP, Jeu de Paume et Gymnase<br />
offr<strong>en</strong>t cette année une programmation<br />
jazz exceptionnelle qui va toutefois perdurer<br />
dans le but de faire du Gymnase le lieu dédié<br />
Paul Lay © X-D.R<br />
© Dan Warzy<br />
parfois déjantée scandinave est parv<strong>en</strong>ue à<br />
donner un nouveau rythme, un souffle baroque<br />
aux pourtant intouchables Adieu V<strong>en</strong>ise<br />
prov<strong>en</strong>çale, La Canebière ou Le petit cabanon.<br />
Le trio a égalem<strong>en</strong>t salué la mémoire d’un<br />
grand Monsieur du jazz à Marseille, à l’origine<br />
du festival des Cinq contin<strong>en</strong>ts, Roger Luccioni,<br />
<strong>en</strong> proposant une version aéri<strong>en</strong>ne de<br />
Sheherajazz.<br />
THOMAS DALICANTE<br />
Alcazar Memories a été joué le 5 mars à La Criée,<br />
Marseille<br />
au jazz qu’il fût par le passé. Andy Emler,<br />
tal<strong>en</strong>tueux pianiste, grand pédagogue de<br />
l’improvisation et compositeur inspiré, colporte<br />
et fait vivre son projet du MégaOctet<br />
avec la Compagnie aime l’Air depuis plus de<br />
vingt ans. Dans sa forme actuelle, neuf musici<strong>en</strong>s<br />
sur scène délivr<strong>en</strong>t, avec force et énergie,<br />
une musique d’une très grande diversité d’influ<strong>en</strong>ces.<br />
Les compositions foisonnantes sont<br />
une invitation à un voyage extralucide. La partition<br />
est très écrite, rigoureuse, tout <strong>en</strong> laissant<br />
un champ d’expérim<strong>en</strong>tation inouï à chacun<br />
de ses musici<strong>en</strong>s. Vrai catalyseur de tal<strong>en</strong>ts et<br />
de bonne humeur, Andy Emler a une haute<br />
consci<strong>en</strong>ce du groupe et de la distribution instrum<strong>en</strong>tale<br />
de l’orchestre : le marimba apporte<br />
avec les bois (deux saxos alto, un sax ténor et<br />
clarinettes) et les cuivres (trompette-bugle et<br />
tuba) une texture unique à laquelle on s’attache<br />
peu à peu. Une coloration qu’on laisse<br />
pénétrer et qu’au final on apprivoise. «Chauve-<br />
Power !... les cheveux on les a dans le cœur !»,<br />
s’exclame Andy le chauve, acclamé par tous<br />
les chauves de la salle !<br />
DAN WARZY<br />
Ce concert a été joué le 6 mars<br />
au Théâtre du Gymnase, Marseille<br />
CD : Andy Emler MegaOctet - E total<br />
Label La Buissonne / Harmonia Mundi 2012<br />
Trois pincés !<br />
De la lyre d’Orphée aux compositeurs<br />
contemporains, les cordes pincées<br />
continu<strong>en</strong>t de charmer…<br />
Issus de l’Ensemble C Barré, Vinc<strong>en</strong>t Beer-<br />
Demander, mandoline, Thomas Keck, guitare,<br />
Célia Perrard, harpe, nous font voyager et<br />
croiser des répertories variés, du baroque au<br />
contemporain. Il est beau de voir trois jeunes<br />
musici<strong>en</strong>s et <strong>en</strong>seignants ne pas se figer dans<br />
un répertoire formaté (Vivaldi, Sor, Debussy…).<br />
La boucle ibérique contemporaine permet<br />
de découvrir deux très belles pièces : le Preludio<br />
a H<strong>en</strong>décaméron (création Gmem 2012)<br />
de Miguel Gálvez-Taroncher, aspérités atonales,<br />
accords rugueux alternant avec des<br />
plages tonales méditatives et Trois autres perspectives<br />
d’une abs<strong>en</strong>ce d’Iván Solano, prés<strong>en</strong>t<br />
dans la salle Musicatreize, palette magnifique<br />
de sonorités impressionnistes et concrètes,<br />
tableaux contemporains ciselés. On découvre<br />
la belle technique de Vinc<strong>en</strong>t Beer-Demander<br />
dans le Crépuscule du marseillais Laur<strong>en</strong>t<br />
Fantauzzi. La Sonate pour mandoline et harpe,<br />
la seule <strong>en</strong> 4 mouvem<strong>en</strong>ts de Dom<strong>en</strong>ico Scarlatti,<br />
nous rappelle que le compositeur était<br />
au service du Roi d’Espagne Ferdinand VI : bel<br />
équilibre <strong>en</strong>tre le dessus et le continuo, <strong>en</strong>tre<br />
exubérance et plainte. Célia Perrard donne<br />
toute son expression dans la danse de Granados,<br />
Ori<strong>en</strong>tale, main gauche arpégée sur un<br />
thème mélodique inspiré. Thomas Keck, élégant,<br />
capte le public par une technique impressionnante<br />
dans la transcription pour guitare<br />
de la redoutée Suite Espagnole d’Albéniz. Mais<br />
il s’exprime véritablem<strong>en</strong>t dans le superbe<br />
Ti<strong>en</strong>to de Maurice Ohanna, où il retrouve,<br />
rageur, le du<strong>en</strong>de populaire. Ce Ti<strong>en</strong>to faisant<br />
suite à la très belle Follia, anonyme, pour<br />
mandoline et guitare, les deux musici<strong>en</strong>s se<br />
jouant du thème et des 8 variations avec<br />
panache.<br />
YVES BERGÉ<br />
Ce concert s’est donné le 20 février<br />
dans la salle Musicatreize, Marseille, et le 21<br />
février dans le cadre du festival de Chaillol