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Zibeline n° 61 en PDF

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54<br />

C<br />

I<br />

N<br />

É<br />

M<br />

A<br />

Enfermés<br />

Évoquer Camille Claudel <strong>en</strong> cinéma, c’est<br />

p<strong>en</strong>ser à Isabelle Adjani dans le film de<br />

Bruno Nuytt<strong>en</strong>. Mais la Camille du nouveau<br />

film de Bruno Dumont, c’est Juliette Binoche.<br />

La comédi<strong>en</strong>ne, et peintre, souhaitait<br />

tourner avec le cinéaste, qui lui a proposé ce<br />

rôle de la sculptrice, internée p<strong>en</strong>dant tr<strong>en</strong>te<br />

ans à Montfavet, dans la «maison des<br />

ins<strong>en</strong>sés» de Montdevergues (voir p. 62).<br />

Premier plan : une femme de dos est conduite<br />

au bain malgré sa rétic<strong>en</strong>ce par deux<br />

religieuses. On découvre dans le plan suivant,<br />

«Melle Claudel», le visage ravagé. Plus<br />

tard, seule dans une cuisine, elle prépare sa<br />

nourriture, craignant qu’on ne l’empoisonne<br />

puis agresse un interne qui veut lui faire<br />

rejoindre le groupe des jeunes femmes<br />

aliénées.<br />

Ces scènes comme les autres, sont inspirées<br />

de faits réels, du quotidi<strong>en</strong> de l’artiste<br />

qui a sombré dans la folie lorsque Rodin l’a<br />

quittée. Bruno Dumont, s’appuyant sur la<br />

correspondance, les photos et le journal<br />

médical, tournant avec des personnes<br />

<strong>en</strong>fermées et leurs soignants, restitue avec<br />

force ce qu’a été la vie de la sculptrice,<br />

choisissant de nous faire partager trois jours<br />

de sa vie, <strong>en</strong> 1915, au mom<strong>en</strong>t où elle att<strong>en</strong>d<br />

une des rares visites de son frère Paul.<br />

Et, à l’exception de vingt minutes où l’on suit<br />

Paul Claudel <strong>en</strong> route pour lui r<strong>en</strong>dre visite,<br />

on ne quitte pas Camille qui souffre, pleure,<br />

écrit, sourit mais ne sculpte pas, craignant<br />

qu’on lui vole idées et œuvres. Juliette<br />

Binoche EST Camille Claudel, lui insufflant<br />

sa force, son int<strong>en</strong>sité de jeu et sa ferveur :<br />

sublime ! Paul Claudel (Jean-Luc Vinc<strong>en</strong>t)<br />

<strong>en</strong> illuminé chréti<strong>en</strong> est terrifiant<br />

d’inhumanité, aussi <strong>en</strong>fermé dans sa foi<br />

que sa sœur dans son p<strong>en</strong>sionnat-asile.<br />

Ce film, âpre, sobre, aux dialogues rares,<br />

tout <strong>en</strong> t<strong>en</strong>sions intérieures, nous fait<br />

approcher, avec beaucoup d’humanité, la<br />

folie, réfléchir sur le statut de l’artiste, sur<br />

la solitude et la liberté. Des problématiques<br />

au cœur de la manifestation organisée par<br />

l’hôpital de Montfavet (voir p. 66).<br />

ANNIE GAVA<br />

Camille Claudel 1915 de Brunot Dumont<br />

Voir <strong>en</strong>treti<strong>en</strong> avec le réalisateur sur<br />

www.journalzibeline.fr<br />

Le film, sout<strong>en</strong>u par la Région, a été prés<strong>en</strong>té<br />

<strong>en</strong> avant-première au cinéma R<strong>en</strong>oir à Aix, le<br />

1 er mars, <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce du réalisateur Bruno<br />

Dumont. Il sort <strong>en</strong> salles le 13 mars<br />

Désaliénés<br />

Entre le fameux «c’est possible» de la SNCF et le «Yes we can»<br />

obamesque, le titre du film de Giulio Manfredonia Si può fare (2008)<br />

projeté ce 26 février à l’Institut Culturel Itali<strong>en</strong>, ressemble à un<br />

slogan politico-publicitaire. Dans cette comédie «humaniste», la<br />

formule traduit le pari fou de Nello, syndicaliste écarté par sa<br />

fédération, sur la capacité des fous à s’insérer dans une société pas<br />

très raisonnable. Toute ressemblance avec la réalité n’est <strong>en</strong> aucun<br />

cas fortuite.<br />

Milan, 1983. À la suite de la loi Basaglia de 78, les manicomi (asiles<br />

d’aliénés) ont été fermés, libérant les malades m<strong>en</strong>taux. Se cré<strong>en</strong>t<br />

alors des coopératives sociales pour leur assurer un semblant<br />

d’activités. Nello, parachuté directeur d’une de ces structures va<br />

redonner à ces éclopés de la vie, une dignité qui passe par un<br />

Signore/Signora pour s’adresser à eux, la reconnaissance de leur<br />

statut d’associés, un salaire, le droit de vote <strong>en</strong> assemblée générale<br />

et celui d’une sexualité retrouvée par la diminution des doses de<br />

sédatifs. Mieux, le génie propre de leurs pathologies respectives va<br />

créer une plus-value ! Ainsi l’esprit géométrique des schizos de la<br />

petite <strong>en</strong>treprise spécialisée <strong>en</strong> pose de parquets, transforme une<br />

catastrophe <strong>en</strong> réussite commerciale, un simple parquetage <strong>en</strong><br />

mosaïque d’art, donnant métaphoriquem<strong>en</strong>t valeur doublée à des<br />

«déchets» achetés deux fois moins cher. Drôle et tragique (un des<br />

malades se suicide par amour parce que, parfois, non vraim<strong>en</strong>t, ce<br />

n’est plus possible !) le film de Manfredonia, s’il n’évite pas le mélo<br />

et l’appel aux bons s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>ts, offre un retour sur ces années<br />

Si puo fare de Giulio Manfredonia © Claudio Lannone<br />

d’ébullition idéologique que l’Institut Itali<strong>en</strong> revisitera les 16, 23 et 30<br />

avril à 18h, avec le film-somme de Marco Tullio Giordana, La Meglio<br />

giov<strong>en</strong>tù. Là aussi, il sera question d’une folie à lier et... délier.<br />

ÉLISE PADOVANI<br />

Istituto Italiano di Cultura, Marseille<br />

04 91 48 51 94<br />

www.iicmarsiglia.esteri.it

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