Zibeline n° 61 en PDF
Zibeline n° 61 en PDF
Zibeline n° 61 en PDF
- No tags were found...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
70<br />
L<br />
I<br />
V<br />
R<br />
ES<br />
Malheureux ceux qui rest<strong>en</strong>t<br />
Et si le souhait secret de Jérôme Garcin était de<br />
faire revivre les disparus Les proches : <strong>en</strong> 1998,<br />
il consacrait La chute de cheval à son père décédé<br />
à quarante-cinq ans ; plus récemm<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> 2011,<br />
Olivier retraçait la mort accid<strong>en</strong>telle de son frère<br />
jumeau âgé de six ans. D’autres aussi, qui ont<br />
existé mais que la postérité a oubliés. Bleus horizons<br />
ressuscite ainsi la figure de Jean de La Ville<br />
de Mirmont. Qui se souvi<strong>en</strong>t de cet écrivain<br />
fauché au Chemin des Dames à l’âge de vingthuit<br />
ans Il avait pourtant déjà écrit quelques<br />
contes, un recueil aux acc<strong>en</strong>ts baudelairi<strong>en</strong>s L’horizon<br />
chimérique (dont le roman égrène quelques<br />
strophes) et un bref récit d’une stupéfiante<br />
modernité Les dimanches de Jean Dézert (que La<br />
Table Ronde a eu la bonne idée de rééditer dans<br />
sa collection La Petite Vermillon). À ce jeune<br />
homme qui rêvait d’<strong>en</strong> découdre, et peut-être<br />
aussi de trouver dans la guerre l’occasion d’un<br />
grand sujet, Garcin redonne vie. Non par le biais<br />
Odyssée givrée<br />
Dans son troisième ouvrage, le germano-marseillais<br />
Mika Biermann r<strong>en</strong>oue avec le grand<br />
roman d’av<strong>en</strong>tures des siècles passés. Comme<br />
certains de ses prédécesseurs illustres, il précise<br />
dans la préface que «ri<strong>en</strong> dans ce livre n’est inv<strong>en</strong>té»<br />
(la première de couverture annonce pourtant un<br />
«roman» !). Il ne serait donc que l’humble collecteur<br />
des récits de différ<strong>en</strong>ts protagonistes, récits<br />
retrouvés par hasard, voire réceptionnés d’outretombe<br />
par un médium certifié, du moins pour<br />
l’un d’<strong>en</strong>tre eux. Alors l’expédition de l’Astrofant,<br />
une «av<strong>en</strong>ture auth<strong>en</strong>tique» On demande à<br />
voir. Mais au fond qu’importe «L’idée de fêter<br />
l’avènem<strong>en</strong>t du nouveau millénaire, lors du réveillon<br />
du 31 décembre 2000, avec un feu d’artifice au<br />
plus profond de l’Antarctique…» a de quoi séduire<br />
d’une biographie chronologique, mais grâce au<br />
récit émouvant qu’<strong>en</strong> fait Louis Gémon, son<br />
frère d’armes, un personnage fictif qui donne<br />
toute son épaisseur romanesque à l’ouvrage. Car<br />
dans l’ombre du héros mort trop tôt, c’est<br />
l’exist<strong>en</strong>ce du survivant qui se dessine. Une exist<strong>en</strong>ce<br />
totalem<strong>en</strong>t absorbée dans la mémoire de<br />
l’autre, qui vire (presque) à l’échec total. «J’ai cru<br />
que je survivais à Jean, mais la vérité, c’est que je me<br />
suis tué pour lui. […] J’ai préféré son passé à mon<br />
av<strong>en</strong>ir. Il a été mon jumeau de guerre, mon double<br />
idéal, et je ne suis jamais parv<strong>en</strong>u à <strong>en</strong> faire le<br />
deuil.» Et si écrire, pour Garcin, c’était t<strong>en</strong>ter,<br />
inlassablem<strong>en</strong>t, de faire ce deuil <br />
FRED ROBERT<br />
Jérôme Garcin prés<strong>en</strong>tera son livre à la librairie<br />
Maupetit le 20 avril à partir de 16h (r<strong>en</strong>contre<br />
animée par Jean Contrucci)<br />
les lecteurs amateurs de défis à la Jules Verne.<br />
Altern<strong>en</strong>t au fil des chapitres la verve ampoulée<br />
et quelque peu désuète du chef de l’expédition,<br />
l’argot et les obscénités des carnets du cuisinier<br />
du bord (un personnage haut <strong>en</strong> couleur, mais<br />
pas <strong>en</strong> taille puisqu’il est nain), le journal du<br />
premier officier du navire (que le médium a<br />
récupéré d’<strong>en</strong>tre les morts). On peut aussi y lire<br />
les notes d’une ichtyologue aux allures de baleine<br />
et même quelques extraits d’un livre gelé trouvé<br />
dans une station sci<strong>en</strong>tifique abandonnée. Biermann<br />
a visiblem<strong>en</strong>t pris plaisir à créer cette<br />
polyphonie délirante, reflet de la nef des fous<br />
que devi<strong>en</strong>t très vite l’Astrofant. Et on le suit volontiers<br />
dans cette parodie d’expédition polaire !<br />
F.R<br />
Bleus horizons<br />
Jérôme Garcin<br />
Gallimard, 16,90 €<br />
Un Blanc<br />
Mika Biermann<br />
Anacharsis, 15 €<br />
Le quatuor de Trivandrum<br />
Ils sont quatre. Une réalisatrice et deux écrivains<br />
français invités pour une semaine <strong>en</strong> Inde dans le<br />
cadre d’un festival culturel. Plus Géraldine,<br />
directrice de l’Alliance Française à Trivandrum,<br />
chargée de les accueillir dans le Sud du pays. Le<br />
dixième roman de Catherine Cusset est choral.<br />
Treize chapitres <strong>en</strong> scand<strong>en</strong>t les étapes, de Roissy<br />
à Kovalam, et la durée, selon une chronologie au<br />
jour le jour et des points de vue variés. Le lecteur<br />
passe ainsi de l’anxieuse et émotive Charlotte à<br />
Roland le séducteur sur le retour ou à Géraldine<br />
la perfectionniste fleur bleue. Aucun chapitre<br />
selon Raphaël, le jeune auteur ombrageux dont<br />
on s’arrache le dernier ouvrage au parfum de<br />
scandale, comme si lui seul échappait à la sonde<br />
de l’auteur ; son pseudonyme Eleuthère ne veutil<br />
d’ailleurs pas dire «libre» <strong>en</strong> grec Il est sans<br />
doute le personnage le plus intéressant, le plus<br />
mystérieux aussi de ce récit fluide mais qui reste<br />
comme à la surface artificielle du réel. Dans<br />
l’univers luxueux des grands hôtels, des voitures<br />
avec chauffeur et des soirées de gala, il reste assez<br />
peu de place pour le pays, dont on perçoit seulem<strong>en</strong>t<br />
par intermitt<strong>en</strong>ces la misère et la viol<strong>en</strong>ce<br />
lat<strong>en</strong>te. Là n’est d’ailleurs pas le propos. De fait,<br />
la romancière s’attache surtout à ses protagonistes,<br />
que la par<strong>en</strong>thèse indi<strong>en</strong>ne va changer. À<br />
chacun sa faille, ses souv<strong>en</strong>irs <strong>en</strong>fouis, ses deuils<br />
à faire. Un roman psychologique bi<strong>en</strong> ficelé, qui<br />
brode avec aisance sur les motifs de l’amour, du<br />
couple, de la famille, de l’amitié… mais<br />
n’échappe pas toujours, justem<strong>en</strong>t, à ses propres<br />
ficelles.<br />
F.R<br />
Indigo<br />
Catherine Cusset<br />
Gallimard, 19,90 €<br />
La romancière sera l’invitée des Escales <strong>en</strong> Librairies le<br />
14 mars à Saint-Rémy-de- Prov<strong>en</strong>ce (librairie Voyage<br />
au bout de la nuit, 04 90 94 68 35) et le 15 mars à<br />
Marseille (librairie Prado-Paradis, 04 91 76 55 96)<br />
www.librairie-paca.com