Zibeline n° 61 en PDF
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26<br />
T<br />
H<br />
É<br />
Â<br />
TRE<br />
Vider son sac<br />
Dans la petite chapelle att<strong>en</strong>ante au théâtre<br />
des Halles, Alain Timar invite Blanche<br />
Aurore Céleste à se confier. Sans autre<br />
scénographie que le lieu sol<strong>en</strong>nel rempli<br />
d’<strong>en</strong>c<strong>en</strong>s, quelques cierges, un autel auprès<br />
duquel une jeune femme d’aujourd’hui <strong>en</strong>tre<br />
-par hasard - <strong>en</strong> confession, croisant quelques<br />
fantômes et délires sanguinaires au<br />
détour de son inv<strong>en</strong>taire amoureux. Blanche<br />
déboule avec ses valises, son portable<br />
rose, ses cheveux hirsutes, ses tics d’ado,<br />
ni sainte ni catholique, punkette au cœur<br />
de midinette qui raconte les pièges du<br />
destin. Camille Carraz, toute <strong>en</strong> nuances,<br />
nous pr<strong>en</strong>d dans ses bagages, conte les<br />
déceptions, s’<strong>en</strong> amuse, s’affole, fait vibrer<br />
la chapelle d’une danse folle, épingle ses<br />
doutes exist<strong>en</strong>tiels, devi<strong>en</strong>t auguste cruel<br />
pour avouer sa peur de vieillir sans amour<br />
ou vierge prête à tout pour ne pas finir seule.<br />
Un personnage imaginé par Noëlle<br />
R<strong>en</strong>aude, lucide et naïve à la fois, instable<br />
et volontiers fantasque, qui se débarrasse<br />
de ses désillusions pour continuer à vivre.<br />
Elle s’amourache aussi vite que les hommes<br />
la laiss<strong>en</strong>t tomber, alors elle fait des<br />
rêves et <strong>en</strong> rajoute. Après Jules, Selim,<br />
Albert et Planton, Paulo, Ernest et Mario,<br />
Victor, Marcel… arrive Amédée, et c’est elle<br />
qui nous plante pour goûter des myrtilles.<br />
Les valises sont posées, Blanche n’a ri<strong>en</strong><br />
profané. Mais elle est libre et vivante.<br />
DELPHINE MICHELANGELI<br />
Blanche Aurore Céleste s’est joué<br />
du 7 au 9 mars puis du 14 au 16 mars<br />
au théâtre des Halles, Avignon<br />
Un désespoir si grand<br />
Une âme immortelle<br />
La petite sirène, c’est la quête d’une âme immortelle.<br />
Les sirènes viv<strong>en</strong>t certes 300 ans,<br />
mais ne possèd<strong>en</strong>t pas ce privilège des humains.<br />
La petite sirène la désire plus que tout :<br />
comme toujours chez Anders<strong>en</strong> il est question<br />
des transformations du corps et des injustices<br />
de la fortune. Objet d’une quête spirituelle, l’âme<br />
immortelle se gagne par les sacrifices et les<br />
bonnes actions : comme toujours chez Anders<strong>en</strong><br />
l’émancipation échouera tragiquem<strong>en</strong>t. Nous<br />
sommes bi<strong>en</strong> loin de l’appauvrissem<strong>en</strong>t symbolique<br />
de Walt Disney, et il faut r<strong>en</strong>dre grâce à<br />
Alexis Moati d’avoir su restituer ses perspectives<br />
métaphoriques au conte.<br />
Il fait porter la parole par trois jeunes filles, fines,<br />
aéri<strong>en</strong>nes comme la petite sirène, qui <strong>en</strong>doss<strong>en</strong>t<br />
tous les rôles. Une évolution des points de vue<br />
L’amplitude littéraire de H<strong>en</strong>ning Mankell est<br />
souv<strong>en</strong>t occultée par sa série Wallander, le célèbre<br />
commissaire dépressif ! Mais l’écrivain est<br />
égalem<strong>en</strong>t dramaturge. Dans Des jours et des<br />
nuits à Chartres, il délaisse les grisailles de sa<br />
Suède natale et la chaleur tropicale du Mozambique<br />
où il séjourne régulièrem<strong>en</strong>t (L’œil du<br />
léopard vi<strong>en</strong>t d’être traduit au Seuil) pour s’attacher<br />
à un épisode particulièrem<strong>en</strong>t sombre de<br />
l’histoire française : l’Occupation allemande et<br />
l’épuration. À partir d’une photographie de Robert<br />
Capa prise le 16 août 1944, il tire les fils de<br />
la vie de Simone, mère d’un jeune bébé né de sa<br />
liaison avec un officier allemand, décédée à 44<br />
ans d’alcoolisme… De la même manière que<br />
l’auteur navigue <strong>en</strong>tre fiction et réalité, admettant<br />
avoir pris «beaucoup de libertés avec les<br />
faits», le metteur <strong>en</strong><br />
scène Daniel B<strong>en</strong>oin<br />
chamboule la chronologie<br />
des événem<strong>en</strong>ts<br />
et procède par saynètes<br />
successives. De la<br />
chambre noire à la<br />
prison, de l’atelier de<br />
couture à la salle de<br />
bal, avec le photographe<br />
comme fil rouge<br />
au récit, pas très<br />
convaincant dans le<br />
rôle d’un Capa soliloquant<br />
à voix haute… Quant au rideau noir qui<br />
s’ouvre et se ferme à chaque changem<strong>en</strong>t de<br />
scène, cela <strong>en</strong> devi<strong>en</strong>drait presque cocasse si<br />
l’on ne mourrait pas d’<strong>en</strong>nui ! Les thèmes<br />
fondateurs sont là pourtant, interprétés avec la<br />
gravité nécessaire par des acteurs qui donn<strong>en</strong>t<br />
du relief à une mise <strong>en</strong> scène linéaire et monotone<br />
: la délation, la peur, la v<strong>en</strong>geance, le mal<br />
et le bi<strong>en</strong>, la trahison, l’inconsci<strong>en</strong>ce ou la méconnaissance,<br />
l’amour filial qui efface tout,<br />
même l’inconcevable.<br />
M.G.-G.<br />
Des jours et des nuits à Chartes a été joué<br />
les 8 et 9 mars au Théâtre Liberté, Toulon<br />
orchestre la progression, du simple lecteur de<br />
l’histoire, à celui qui se souvi<strong>en</strong>t et rapporte les<br />
faits, <strong>en</strong>fin à la prise de possession du personnage<br />
par l’emploi de la première personne. Le<br />
décor est original et symbolique : le sol est<br />
jonché de vêtem<strong>en</strong>ts et çà et là, d’énormes<br />
aquariums reçoiv<strong>en</strong>t des gouttes d’eau qui<br />
tomb<strong>en</strong>t des cintres… nous sommes au fond de<br />
l’océan où «l’eau est bleue comme les feuilles<br />
des bleuets», <strong>en</strong>tre le livre et le jeu, le désir de<br />
grandir, les <strong>en</strong>thousiasmes adolesc<strong>en</strong>ts, la vivacité<br />
douloureuse d’une danse où les pieds<br />
souffr<strong>en</strong>t. Douleur cons<strong>en</strong>tie pour une asc<strong>en</strong>sion<br />
qui traverse les trois élém<strong>en</strong>ts, l’eau, la<br />
terre, l’air. Par son sacrifice, la petite sirène devi<strong>en</strong>t<br />
une fille de l’air et pourra par un long<br />
cheminem<strong>en</strong>t obt<strong>en</strong>ir <strong>en</strong>fin une âme. Car Moati<br />
ne peut se résoudre à<br />
punir les désirs de sa<br />
sirène, et nous fait<br />
croire, finalem<strong>en</strong>t, que<br />
«les êtres humains sont<br />
nés de ses rêves»…<br />
MARYVONNE COLOMBANI<br />
Les petites sirènes, nouvelle<br />
création de la cie Vol Plané<br />
a été joué les 7 et 8 mars<br />
Théâtre Durance,<br />
Château-Arnoux