Zibeline n° 61 en PDF
Zibeline n° 61 en PDF
Zibeline n° 61 en PDF
- No tags were found...
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
76<br />
R<br />
E<br />
N<br />
C<br />
O<br />
N<br />
TRES<br />
Écrire<br />
la voix<br />
qu’on<br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<br />
Une fois par mois, le dimanche matin, il est possible<br />
d’aller s’attabler aux Grandes Tables de La<br />
Friche pour pr<strong>en</strong>dre, non pas un air de messe<br />
mais un bain littéraire que l’atmosphère dominicale,<br />
vaguem<strong>en</strong>t somnol<strong>en</strong>te <strong>en</strong>core et très<br />
dét<strong>en</strong>due, r<strong>en</strong>d d’autant plus plaisant. À l’air livre<br />
est un cycle de r<strong>en</strong>contres publiques organisées<br />
par La Marelle <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec La Friche,<br />
diffusées sur Radio Gr<strong>en</strong>ouille (88.8). En 2013,<br />
ces r<strong>en</strong>contres se dérouleront généralem<strong>en</strong>t durant<br />
les week-<strong>en</strong>ds Made in Friche. C’était le cas le<br />
17 février. Pascal Jourdana recevait François<br />
Cervantes, un habitué des lieux puisqu’il y a<br />
ancré p<strong>en</strong>dant plusieurs années sa cie L’Entreprise<br />
et qu’il y donnait ses deux dernières créations Le<br />
prince séquestré et Carnages (voir Zib’60). Invité<br />
Sur les routes de la fiction<br />
Les r<strong>en</strong>contres à la BDP sont très féminines ces<br />
derniers temps. Après le duo Camille Laur<strong>en</strong>s/<br />
Laur<strong>en</strong>ce Tardieu <strong>en</strong> janvier (voir Zib’59) et<br />
avant Michèle Lesbre <strong>en</strong> avril, c’est Ingrid Thobois<br />
qui était l’invitée du cycle Écrivains <strong>en</strong><br />
dialogue. Elle a parlé un peu de ses voyages, beaucoup<br />
de sa façon d’appréh<strong>en</strong>der le monde et de<br />
sa manière d’écrire des fictions <strong>en</strong> prise avec la<br />
réalité la plus contemporaine. Elle a évoqué tout<br />
cela avec sa fraîcheur et son naturel coutumiers,<br />
principalem<strong>en</strong>t à partir de ses deux derniers<br />
ouvrages : Recto Verso (avec les photographies de<br />
Téobaldi, paru aux éditions Thierry Magnier<br />
dans l’intéressante collection Photo Roman) et<br />
Sollicciano (éd. Zulma), dont la comédi<strong>en</strong>ne<br />
Virginie Comte a lu de larges extraits. Évoquant<br />
tout d’abord son «obsession du visuel», elle a expliqué<br />
son système d’«écriture polaroïd», ces<br />
instantanés dont elle remplit les carnets qu’elle a<br />
toujours sur elle, et pas seulem<strong>en</strong>t lorsqu’elle<br />
voyage. Le point de départ de son écriture est<br />
toujours visuel : «Tout le reste du texte constitue le<br />
hors-champ de ce plan séqu<strong>en</strong>ce initial» nécessaire<br />
à la naissance de la fiction. Pour elle, la fiction<br />
reste la manière la plus concrète de faire éprouver<br />
Francois Cervantes © L'<strong>en</strong>treprise Ingrid Thobois © John Foley<br />
<strong>en</strong> tant qu’auteur, cet homme de théâtre passionné,<br />
qui a écrit des pièces mais égalem<strong>en</strong>t des<br />
nouvelles, des romans et des essais, est rev<strong>en</strong>u<br />
longuem<strong>en</strong>t sur son <strong>en</strong>trée <strong>en</strong> écriture qu’il fait<br />
remonter à l’âge de douze ans, lorsque sa famille<br />
est r<strong>en</strong>trée du Maroc. Pour le jeune garçon, ce<br />
retour s’est accompagné d’une impression de<br />
perte de chaleur, de distance. Se rappelant son<br />
père qui lui reprochait son mutisme d’alors,<br />
Cervantes affirme qu’il a «comm<strong>en</strong>cé à écrire pour<br />
appr<strong>en</strong>dre à parler». Convaincu que la parole est<br />
supérieure à l’écriture, il voit cep<strong>en</strong>dant celle-ci<br />
comme un «pont vers l’autre», une façon de<br />
sortir du sil<strong>en</strong>ce. Mais une fois le texte écrit, il<br />
s’agit qu’il devi<strong>en</strong>ne voix. C’est ce mystère qui<br />
continue d’inspirer Cervantes. Que ce soit par le<br />
biais du masque, dont il a redit l’importance, ou<br />
du clown, l’acteur, au-delà des traces que l’auteur<br />
a laissées sur le papier, doit remonter à la source<br />
de l’écriture, jusqu’au «sil<strong>en</strong>ce qui circule <strong>en</strong>tre<br />
nous avant la parole». C’est cela que lui dramaturge<br />
essaie à chaque fois de faire émerger, «le<br />
nous qu’on porte <strong>en</strong> soi» et «les morceaux de textes<br />
qui sont déjà à l’intérieur des acteurs». Cela pr<strong>en</strong>d<br />
diverses formes et des temps de création très variables<br />
(d’une semaine à quinze ans !). Mais dans<br />
tous les cas, il y a le désir de garder au travail son<br />
caractère artisanal, de faire de chaque soirée une<br />
œuvre et une r<strong>en</strong>contre uniques, de r<strong>en</strong>dre<br />
compte par l’écriture d’un monde contemporain<br />
«assez magique et bouleversant». Une conversation,<br />
intime et forte, à l’image des spectacles de<br />
cet insatiable curieux des formes.<br />
FRED ROBERT<br />
Prochaine r<strong>en</strong>contre À l’air livre, le 17 mars,<br />
avec Arno Bertina et Anissa Michalon<br />
le réel. Elle décrit jolim<strong>en</strong>t celui-ci comme «une<br />
aspérité où s’accroche la fiction», qui lui permet de<br />
se laisser traverser par l’expéri<strong>en</strong>ce d’un autre. Car<br />
l’écriture selon Thobois, ce n’est pas raconter une<br />
histoire, <strong>en</strong>core moins parler de soi ; c’est, comme<br />
dans le voyage, partir à la r<strong>en</strong>contre des autres.<br />
C’est égalem<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dre compte de la complexité<br />
des choses, d’où sa prédilection pour les récits<br />
polyphoniques, la fragm<strong>en</strong>tation des points de<br />
vue.<br />
Ingrid Thobois revi<strong>en</strong>dra <strong>en</strong> septembre à Marseille<br />
pour une résid<strong>en</strong>ce d’écriture à La Marelle.<br />
Au programme : recettes de famille et histoires<br />
de cuisine. On s’<strong>en</strong> régale d’avance !<br />
FRED ROBERT<br />
Ingrid Thobois était aux ABD Gaston Defferre<br />
le 4 mars dans le cadre d’Écrivains <strong>en</strong> dialogue<br />
À v<strong>en</strong>ir<br />
Michèle Lesbre<br />
le 9 avril à 18h30<br />
ABD Gaston Defferre, Marseille<br />
04 13 31 82 00<br />
www.biblio13.fr