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Numéro 24 - Le libraire

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<strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> d’un jour<br />

Michel Désautels<br />

Libre lecteur<br />

Admiré par le grand public comme par ses pairs pour ses talents de communicateur<br />

et son assurance souriante, Michel Désautels est un grand passionné<br />

d’équitation, de musique… mais aussi de lecture. Cela n’étonnera certes pas<br />

ceux qui savent que le journaliste et animateur vedette de Radio-Canada a<br />

passé quelques années à rédiger, presque par jeu, ce Smiley qui lui a valu le Prix<br />

Robert-Cliche du premier roman en 1998, bientôt suivi par une deuxième œuvre<br />

romanesque, La Semaine prochaine, je veux mourir. Après quelques rendezvous<br />

téléphoniques ratés, Michel Désautels et moi avons pu échanger à la bonne<br />

franquette sur son plaisir de lire.<br />

Quel type de lecteur êtes-vous <br />

Je me définirais comme un électron libre, en ce sens où je n’ai<br />

pas forcément de genres favoris ni d’autel élevé à quelque<br />

écrivain que ce soit dans ma chambre. Je vous avouerai par contre<br />

que je lis de moins en moins d’œuvres romanesques. C’est à<br />

la fois à cause du travail, qui me pousse davantage du côté de<br />

l’essai, et aussi à cause d’une baisse d’intérêt pour le roman. Je<br />

lis de tout ou presque. Il y a bien sûr des genres qui me<br />

séduisent moins, le polar américain, par exemple. J’ai lu<br />

quelques titres à la mode il y a quelques années, sans que rien<br />

ne m’impressionne vraiment.<br />

Comment choisissez-vous vos livres de chevet Vous qui<br />

travaillez dans les médias, êtes-vous sensible aux engouements<br />

de la faune médiatique <br />

Comme tout le monde, je suppose. Dès que j’entends<br />

quelqu’un parler avec enthousiasme d’un auteur que je n’ai<br />

jamais lu, je suis curieux. L’ennui, c’est que j’ai une mémoire<br />

très sélective, capable de retenir une quantité phénoménale<br />

d’informations tout à fait inutiles, mais aussi de laisser tomber<br />

des trucs plus capitaux. Heureusement, comme je fréquente les<br />

librairies, je finis toujours par me souvenir des titres qui<br />

m’avaient intrigués quand je les aperçois sur les présentoirs…<br />

Vous souvenez-vous de vos premiers émois de lecteur Que<br />

lisait par exemple le jeune Désautels qui jouait dans la télésérie<br />

Rue de l’Anse <br />

J’avais sept ou huit ans quand ma mère m’avait offert une édition<br />

abondamment illustrée de L’Illiade et de L’Odyssée. Ça<br />

m’avait évidemment complètement jeté par terre, d’abord<br />

parce qu’il y avait là-dedans un tas de choses que je ne compre-<br />

Propos recueillis par Stanley Péan<br />

nais pas. En termes de culture, c’était tellement loin de mon<br />

quotidien que je me sentais sur la planète Mars. Ensuite, vers<br />

dix ou douze ans, ç’a été Autant en emporte le vent, autre cadeau<br />

de ma mère, en édition de poche en anglais. Je ne maîtrisais pas<br />

encore la langue anglaise à l’époque, j’ai dû mettre un an à le<br />

lire, ça devait faire dans les 900 pages, mais ça m’a appris qu’on<br />

pouvait tripper aussi dans une autre langue que la sienne. Après,<br />

j’ai dévoré frénétiquement un tas de classiques de la littérature<br />

française, dont tout Balzac, et aussi Gabrielle Roy (Bonheur<br />

d’occasion), Gérard Bessette (<strong>Le</strong> Libraire) ou Réjean Ducharme<br />

(L’Avalée des avalés).<br />

On imagine que votre passion nouvelle pour les chevaux a eu<br />

une influence sur vos choix de lecture récents !<br />

C’est vrai, mais c’est presque l’effet du hasard. J’ai adoré entre<br />

autres ce roman de Jane Smiley, <strong>Le</strong> Paradis des chevaux, un pavé<br />

dont l’action se passe dans le milieu des courses hippiques et qui<br />

raconte en parallèle la vie de deux chevaux. J’ai lu aussi avec<br />

plaisir un essai de Linda Kohanov, <strong>Le</strong> Tao du cheval, qui traite<br />

du rapport entre les hommes et les chevaux. Il semble qu’on ait<br />

beaucoup plus de points en commun avec eux qu’on le croit,<br />

même si notre appartenance au modèle prédateur ne nous<br />

prédestine pas à nous lier avec ces bêtes. Et puis aussi ce très<br />

beau recueil de nouvelles, Quand les chevaux murmurent à<br />

l’oreille des hommes. <strong>Le</strong>s trois textes signés Léon Tolstoï,<br />

Alexandre Kouprine et Carl Sternheim ont pour point commun<br />

d’être narrés par des chevaux et farcis de références concrètes à<br />

des chevaux mythiques qui ont réellement existé, à leurs<br />

maîtres, à des époques et des lieux loin de nous. Je savais avant<br />

de le lire que Tolstoï adorait les chevaux, mais j’ignorais qu’il<br />

avait prêté sa plume à l’un deux.<br />

J’avais sept ou<br />

huit ans quand<br />

ma mère<br />

m’avait offert<br />

une édition<br />

abondamment<br />

illustrée de<br />

L’Illiade et de<br />

L’Odyssée.<br />

Ça m’avait<br />

évidemment<br />

complètement<br />

jeté par terre,<br />

d’abord parce<br />

qu’il y avait<br />

là-dedans un<br />

tas de choses<br />

que je ne<br />

comprenais pas.<br />

© Bertrand Carrière<br />

Plus récemment, quels romans ont<br />

trôné sur votre table de chevet durant les<br />

vacances <br />

Cet été, j’ai emporté avec moi en<br />

vacances <strong>Le</strong>s Âmes grises de Philippe<br />

Claudel et Elizabeth Costello de J. M.<br />

Coetzee, qui met en scène cette intellectuelle<br />

sud-africaine d’un certain âge<br />

qui voyage à travers le monde en compagnie<br />

de son fils, de conférence en cérémonie<br />

de réception d’un doctorat honorifique.<br />

À chaque escale, elle prononce des<br />

communications, participe à des débats et<br />

nous balade entre références mythiques,<br />

surtout gréco-latines, et considérations<br />

philosophiques ou écologiques, notamment<br />

pour la survie des espèces en voie<br />

d’extinction. Elle est dotée d’une culture<br />

encyclopédique et s’exprime de la<br />

manière la plus chiante qui soit, mais elle<br />

est très malade, et tout ça m’a donné l’impression<br />

que Coetzee en profitait pour<br />

nous faire pénétrer dans un esprit très<br />

brillant sur son déclin. C’est fascinant,<br />

même si je n’ai pas encore décidé si l’auteur<br />

se foutait de notre gueule ou s’il<br />

m’avait carrément hypnotisé avec ces discours<br />

à la fois rébarbatifs et hallucinants<br />

d’érudition.<br />

<strong>Le</strong>s suggestions de Michel Désautels :<br />

L’Illiade et L’Odyssée, Homère, Flammarion, 5,95 $ ch.<br />

La Comédie humaine (4 tomes), Honoré de Balzac, Presses de la Cité, 39,95 $ ch.<br />

Autant en emporte le vent, Margaret Mitchell, Gallimard, coll. Quarto, 45,95 $<br />

Bonheur d’occasion, Gabrielle Roy, Boréal Compact, 12,95 $<br />

<strong>Le</strong> Libraire, Gérard Bessette, Pierre Tisseyre, 8,95 $<br />

L’Avalée des avalés, Réjean Ducharme, Folio, 16,95 $<br />

<strong>Le</strong> Paradis des chevaux, Jane Smiley, Rivages Poche, coll. Bibliothèque étrangère, 19,95 $<br />

<strong>Le</strong> Tao du cheval, Linda Kohanov, Ronan Denniel, 46,95 $<br />

Quand les chevaux murmurent à l’oreille des hommes, L. Tolstoï, A. Kouprine & C. Sternheim,<br />

Éditions Du Rocher, 30,50 $<br />

<strong>Le</strong>s Âmes grises, Philippe Claudel, Stock, 34,95 $<br />

Elizabeth Costello, J. M. Coetzee, Seuil, 34,95 $<br />

<strong>Le</strong>s romans de Michel Désautels :<br />

Smiley, Michel Désautels, Typo, 11,95 $<br />

La Semaine prochaine, je veux mourir, Michel Désautels, VLB éditeur, 21,95 $<br />

le <strong>libraire</strong> • SEPTEMBRE 2004 15

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