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<strong>Le</strong>s<br />
bonnes feuilles<br />
LOUISE PORTAL<br />
L’Actrice<br />
Littérature québécoise<br />
Écrivaine, actrice, mais surtout femme : Louise Portal prête<br />
sa voix à Jeanne D’Arcy, artiste française du début du siècle<br />
dernier et héroïne de son dernier roman, L’Actrice<br />
(Hurtubise HMH). Comme l’auteure, D’Arcy s’invente<br />
plusieurs vies, mêlant les rôles qu’elle a incarnés à sa propre<br />
existence. À Marcel, elle raconte cette course folle vers<br />
l’amour en compagnie de Jeanne Moreau, sa muse, et de<br />
Jeanne Janvier, héroïne du premier roman de Louise Portal<br />
(Jeanne Janvier, 1981).D’ailleurs, les multiples parallèles possibles<br />
entre l’auteure et son personnage de papier laissent<br />
croire que L’Actrice doit beaucoup à la vie de Portal, qui<br />
avoue que ses 35 ans de vie d’actrice ont constitué sa<br />
source d’inspiration : « Jeanne D’Arcy est évidemment<br />
[mon] alter ego ».<br />
ROCH CARRIER<br />
<strong>Le</strong>s Moines dans la tour<br />
En août 2001, Roch Carrier commence un roman dont<br />
le personnage principal est un architecte atteint du<br />
cancer, à qui on demande de dessiner une tour à la<br />
mémoire des moines ayant vécu autrefois dans son village. Puis survient le fameux<br />
11 septembre : « Ce matin-là, quelqu’un avait ouvert la télévision dans mon bureau<br />
et j’ai aperçu une tour en train de brûler. J’ai fermé l’appareil en pensant que c’était<br />
un film.Tout de suite après, on m’a dit ce qui se passait véritablement. La connexion<br />
s’est faite à ce moment. » La tragédie heurte de plein fouet l’auteur de Jolis Deuils,<br />
et ce, jusque dans son processus de création. <strong>Le</strong>s Moines dans la tour (XYZ éditeur),<br />
alors encore à l’étape de l’ébauche, prend une autre tournure, plus intime et plus<br />
universelle à la fois : « Je crois que ce roman est comparable à ce que fut La Guerre,<br />
Yes Sir !.J’ai retrouvé une grande forme physique et intellectuelle », confie celui qui<br />
aura tout de même eu besoin de six mois d’arrêt pour faire le point sur les répercussions<br />
que les attentats ont eues sur sa propre personne.<br />
À cette réalité s’ajoute la dimension de l’imaginaire :<br />
« Dans cet ouvrage,mon intérêt était justement de me donner<br />
une entière liberté d’explorer la psyché de mon personnage<br />
» à travers ceux qui l’entourent. En fait, selon Portal, «<br />
Jeanne Janvier est la voix intérieure de l’héroïne, celle de son<br />
passé, en quelque sorte. Jeanne Moreau est celle qui lui aura<br />
appris à aimer et vivre sans peur de vieillir. » Par l’introspection<br />
et l’évocation de souvenirs, Jeanne retrace son<br />
itinéraire et relate cette quête qu’elle poursuit toujours : il<br />
s’agit de se réconcilier « avec les différentes femmes qui<br />
l’habitent », commente Louise Portal.Pour elle, « l’itinéraire<br />
de L’Actrice est le suivant : vivre, aimer, incarner. Dans sa<br />
peau vivent une femme et une amoureuse qui s’interrogent,<br />
qui plongent dans la fissure de l’image. » À l’instar de<br />
son héroïne, Louise Portal poursuit donc sa propre quête<br />
intérieure à travers la création. La comédienne québécoise,<br />
âgée de 54 ans, déclare avoir pris plaisir à se « projeter dans<br />
ces mémoires imaginaires, surtout dans la troisième partie<br />
du roman ». De plus, elle avoue volontiers porter en elle «<br />
une parcelle de chacune de ces femmes. Dans la réalité<br />
comme dans l’imaginaire »,<br />
Cet opus de Roch Carrier traite donc de ces tragiques évènements mille fois<br />
analysés, mais selon un angle bien particulier : « C’est une exploration des conséquences du 11 septembre qui, sur un<br />
plan personnel, ne représente que l’élément déclencheur. Ce que les médias ont relaté, ce n’est que la pelure du fruit. <strong>Le</strong>s<br />
Moines dans la tour est un livre qui se questionne beaucoup. Comme l’écrivain en son centre. » Au Québec, il est en outre<br />
vrai que nous sommes un peu éloignés de ce drame : « C’est André Breton qui a dit que nous vivions protégés par une<br />
brume. Moi, j’ai décidé de présenter l’histoire d’un écrivain dont l’itinéraire est complètement changé, et ce, selon un point<br />
de vue québécois », Pour écrire son roman, ce dernier a effectué des recherches intensives. Ainsi, on apprend notamment<br />
que le site sur lequel s’élevait le World Trade Center a été témoin d’une série de massacres il y a quelques siècles. Il faut<br />
croire que, quelquefois, certains lieux attirent le malheur...<br />
Chez L’instant même, la maison de Québec qui a fait de<br />
la nouvelle son fer de lance, on publie des nouvelles du<br />
jeune David Dorais, <strong>Le</strong>s Cinq Saisons du moine. <strong>Le</strong>s cinq<br />
textes de ce recueil, présenté comme une œuvre atypique,<br />
se déroulent au Moyen Âge, mais trouvent écho<br />
dans le Québec moderne. À découvrir.<br />
Ardent promoteur de romans<br />
érotiques (pensons à la série des<br />
« Contes à rougir »), Guy Saint-<br />
Jean Éditeur propose Libertine<br />
de Jean de Trezville, premier<br />
volet d’une trilogie familiale (!)<br />
fort coquine qui transporte son<br />
héroïne, Christine, à la<br />
recherche de plaisirs interdits<br />
dans plusieurs pays.<br />
© Marie-Reine Mattera<br />
21 le <strong>libraire</strong> • SEPTEMBRE 2004<br />
© Blais-Blinsky<br />
« Sur ma carte intérieure, printemps, été, automne,<br />
hiver, où que j’aille je ne me perds pas. […] Je suis toujours<br />
ici. Je suis toujours ailleurs. » C’est sur ces mots que<br />
se conclut Vraies histoires fausses (Vents d’Ouest), un<br />
recueil de vingt-trois nouvelles brèves signées Élisabeth<br />
Vonarburg, dont la plus grande majorité ne se rattache<br />
pas à la veine qui caractérise l’œuvre (science-fiction et<br />
fantastique) de cette grande dame des littératures de<br />
l’imaginaire. Dépaysant, dites-vous Et vous qui croyiez<br />
tout savoir d’Élisabeth Vonarburg… !<br />
Elle fut la star de la rentrée automnale<br />
2001 : après Putain, Nelly Arcan remet en selle son double littéraire<br />
dans Folle (Seuil), triste dérive d’une jeune femme<br />
amoureuse d’un pigiste français obsédé par les sites Internet<br />
pornos. <strong>Le</strong> style et les thèmes restent les mêmes : une autofiction<br />
pleine de rage traitant d’apparence physique, d’amour, du<br />
Plateau et des relations pères-filles/clients-putains. On aime ou<br />
on n’aime pas. Tout simplement. Mais il est indéniable que<br />
Nelly Arcan fera encore tourner les têtes cet automne.<br />
©Nancy Vickers