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Numéro 24 - Le libraire

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MICHELINE LACHANCE<br />

Lady Cartier<br />

La journaliste Micheline Lachance revient en force<br />

cet automne avec une deuxième fresque historique<br />

d’envergure, Lady Cartier (Québec<br />

Amérique). En quelque 500 pages, l’auteure du<br />

Roman de Julie Papineau, dont les deux tomes se<br />

sont vendus à plus de 150 000 exemplaires (quel<br />

succès !), narre l’existence de George-Étienne<br />

Cartier, l’un des pères de la Confédération, et de<br />

son épouse Hortense,fille du <strong>libraire</strong> Fabre,avec qui<br />

les lecteurs de son premier livre avaient déjà fait<br />

connaissance. L’histoire de Lady Cartier,c’est d’abord le hasard<br />

qui l’a insufflée à Micheline Lachance, qui, si vous ne le saviez<br />

pas encore, a décidément de l’imagination à revendre :<br />

« L’idée m’en est venue sur un banc de bois, devant le Manoir<br />

Montebello. Je répétais mon boniment avant le lancement du<br />

Roman de Julie Papineau.Je ressentais un pincement au cœur à<br />

l’idée de me séparer de mon héroïne. Tout à coup, j’ai vu,<br />

comme si la scène se déroulait sous mes yeux, un vapeur passer<br />

sur la rivière Outaouais. À son bord, j’ai reconnu Édouard, le<br />

fils de la reine Victoria, flanqué de George-Étienne Cartier et de<br />

sa femme Hortense. <strong>Le</strong> bateau s’arrêtait devant le manoir<br />

Papineau, pavoisé de drapeaux anglais, et Julie faisait porter un<br />

bouquet de roses au prince de Galles. Cet épisode, je l’avais<br />

relaté dans <strong>Le</strong> Roman de Julie Papineau.Or,curieusement,ce n’était<br />

déjà plus Julie qui occupait mes pensées,mais Hortense.J’ai<br />

imaginé dans son regard une ombre, comme un chagrin.Et j’ai<br />

pensé : qu’est-ce qui la rend triste Ma petite enquête m’a<br />

permis de découvrir que sa cousine, sa meilleure amie, Luce<br />

Cuvillier, était la maîtresse de Cartier. En réalité, ce “ secret de<br />

famille ”n’en était pas un. La belle société de l’époque était au<br />

courant de cette liaison. »<br />

Il ne fallait donc pas davantage qu’une scène entrevue dans<br />

l’onde pour que la journaliste chevronnée se lance dans un<br />

projet qui, de nouveau, se démarque par sa grande rigueur historique<br />

et sa richesse littéraire. Lady Cartier débute en 1853, au<br />

moment où Hortense accouche de Reine-Victoria, la troisième<br />

fille des Cartier. L’heureux événement est assombri par la<br />

découverte de la liaison extraconjugale de son mari avec Luce<br />

Cuvillier, sa confidente et meilleure amie : « C’est le triangle<br />

amoureux qui a d’abord piqué ma curiosité, explique<br />

l’écrivaine. Il y a deux femmes au cœur de ce drame : l’épouse<br />

et la maîtresse. Je voulais savoir quel sort subissait une femme<br />

trompée, blessée dans son amour-propre, dans la société puritaine<br />

du XIX e siècle. Mais aussi, la femme émancipée qu’était<br />

Luce Cuvillier me fascinait. Comment cette émule de George<br />

Littérature québécoise<br />

Sand qui défiait les conventions, a-telle<br />

réussi à vivre sa passion illicite<br />

pendant des années,au vu et au su de<br />

tous »<br />

Pour révéler certaines pages méconnues<br />

de l’histoire du Bas et du<br />

Haut–Canada (la période post-rébellion,<br />

le virage idéologique de<br />

quelques nationalistes et les dessous<br />

de la fondation du Parlement) et, bien<br />

entendu, parler de l’épidémie de<br />

choléra de 1847, de l’inauguration du<br />

pont Victoria ou du combat de Louis<br />

Riel, Micheline Lachance a articulé son propos autour des<br />

joutes amoureuses qui animaient les coulisses de la demeure<br />

Cartier : « Ce qui ajoutait du piquant à l’histoire, c’est que ces<br />

deux femmes étaient l’épouse et la maîtresse d’un homme<br />

politique en vue.La carrière de George-Étienne Cartier a levé au<br />

moment où l’étoile de Louis-Joseph Papineau pâlissait. Au<br />

milieu du XIX e siècle, le Bas-Canada se trouve une fois de plus à<br />

la croisée des chemins. La Rébellion l’a affaibli et le clergé a<br />

repris son ascendant sur la population. L’Union des deux<br />

Canadas, qui lui a été imposée, ne fonctionne pas. <strong>Le</strong> Haut-<br />

Canada réclame plus de pouvoir. C’est l’impasse. C’est dans ce<br />

contexte que George-Étienne Cartier cherche à bâtir un pays<br />

d’un océan à l’autre. Je raconte l’entrée du Bas-Canada dans la<br />

Confédération. Soit dit en passant, elle s’est faite sans que la<br />

population ait voix au chapitre. La naissance du Canada a<br />

donné lieu à de grands élans, mais aussi à des complots et des<br />

manigances dignes de grands films. »<br />

Malgré son côté historique très fouillé,Micheline Lachance précise<br />

que Lady Cartier doit être lu comme un roman, et ce,<br />

« même s’il est le fruit d’un long travail de recherche aux<br />

archives et dans les ouvrages d’histoire ». Et s’il ne fallait retenir<br />

qu’une chose de ce roman, aux dires de l’auteure, c’est<br />

« que les siècles passent et les passions demeurent.La plupart<br />

des femmes d’aujourd’hui<br />

se reconnaîtront en<br />

Hortense ou en Luce.<br />

Quelle femme n’a pas un<br />

jour été trompée par celui<br />

qu’elle aimait Quelle<br />

femme n’a pas été la<br />

maîtresse d'un homme<br />

marié Qui n’a pas une<br />

sœur, une amie, une collègue<br />

à qui cela est arrivé <br />

Il s’est écoulé 140 ans<br />

depuis le drame d’Hortense et de Luce, mais les états d’âme, les<br />

sentiments — amour, jalousie, instinct de vengeance — se<br />

manifestent de la même manière aujourd’hui.Ce qui a changé <br />

L’opprobre qui couvrait jadis les victimes et les coupables a<br />

cessé (mais pas toujours, hélas !). Aussi, au XIX e siècle, les<br />

pers|pectives d’une vie nouvelle pour une Hortense ou une<br />

Luce étaient bien ténues. L’épouse du mari adultère était<br />

réputée responsable de ne pas avoir su retenir son homme. Et<br />

sa maîtresse, on la considérait comme une courtisane. De<br />

même, les mœurs politiques n’ont guère évolué. Pendant que<br />

j'écrivais sur le scandale du Canadien Pacifique, un cas flagrant<br />

de corruption politique révélé en 1873, le gouvernement de<br />

Paul Martin se débattait avec l’affaire des commandites. En<br />

matière de patronage, nos contemporains n’ont rien inventé.<br />

Aussi, en reconstituant les discussions colorées, chez les Cartier<br />

ou les Fabre,j’avais l’impression d’assister aux chicanes de famille<br />

qui nous animent en temps d’élection ou de référendum »,<br />

conclut l’écrivaine et journaliste, toujours aussi perspicace.<br />

© Maryse Raymond<br />

Après avoir publié de nombreux recueils de poésie, dont<br />

Aknos (Prix du Gouverneur général, 1994) et un recueil de<br />

nouvelles, Golden Eighties, Fulvio Caccia aborde le roman<br />

avec La Ligne gothique, manière de polar existentiel où<br />

Jonathan Hunt, le héros, s’entête à vouloir retrouver un<br />

ami mystérieusement disparu<br />

durant le carnaval d’une ville au<br />

nom curieusement français…<br />

Anticipation, critique sociale, suspense et érotisme constituent un mélange<br />

explosif, certes, si l’on se fie au nouveau roman de Patrick Imbert, Réincarnations<br />

(Vents d’Ouest). De Toronto au Brésil, Max Simon poursuit sa quête, dont le but<br />

est de pénétrer les banques de données des scientifiques qui cherchent à maîtriser<br />

le processus de la réincarnation.<br />

19 le <strong>libraire</strong> • SEPTEMBRE 2004

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