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MICHELINE LACHANCE<br />
Lady Cartier<br />
La journaliste Micheline Lachance revient en force<br />
cet automne avec une deuxième fresque historique<br />
d’envergure, Lady Cartier (Québec<br />
Amérique). En quelque 500 pages, l’auteure du<br />
Roman de Julie Papineau, dont les deux tomes se<br />
sont vendus à plus de 150 000 exemplaires (quel<br />
succès !), narre l’existence de George-Étienne<br />
Cartier, l’un des pères de la Confédération, et de<br />
son épouse Hortense,fille du <strong>libraire</strong> Fabre,avec qui<br />
les lecteurs de son premier livre avaient déjà fait<br />
connaissance. L’histoire de Lady Cartier,c’est d’abord le hasard<br />
qui l’a insufflée à Micheline Lachance, qui, si vous ne le saviez<br />
pas encore, a décidément de l’imagination à revendre :<br />
« L’idée m’en est venue sur un banc de bois, devant le Manoir<br />
Montebello. Je répétais mon boniment avant le lancement du<br />
Roman de Julie Papineau.Je ressentais un pincement au cœur à<br />
l’idée de me séparer de mon héroïne. Tout à coup, j’ai vu,<br />
comme si la scène se déroulait sous mes yeux, un vapeur passer<br />
sur la rivière Outaouais. À son bord, j’ai reconnu Édouard, le<br />
fils de la reine Victoria, flanqué de George-Étienne Cartier et de<br />
sa femme Hortense. <strong>Le</strong> bateau s’arrêtait devant le manoir<br />
Papineau, pavoisé de drapeaux anglais, et Julie faisait porter un<br />
bouquet de roses au prince de Galles. Cet épisode, je l’avais<br />
relaté dans <strong>Le</strong> Roman de Julie Papineau.Or,curieusement,ce n’était<br />
déjà plus Julie qui occupait mes pensées,mais Hortense.J’ai<br />
imaginé dans son regard une ombre, comme un chagrin.Et j’ai<br />
pensé : qu’est-ce qui la rend triste Ma petite enquête m’a<br />
permis de découvrir que sa cousine, sa meilleure amie, Luce<br />
Cuvillier, était la maîtresse de Cartier. En réalité, ce “ secret de<br />
famille ”n’en était pas un. La belle société de l’époque était au<br />
courant de cette liaison. »<br />
Il ne fallait donc pas davantage qu’une scène entrevue dans<br />
l’onde pour que la journaliste chevronnée se lance dans un<br />
projet qui, de nouveau, se démarque par sa grande rigueur historique<br />
et sa richesse littéraire. Lady Cartier débute en 1853, au<br />
moment où Hortense accouche de Reine-Victoria, la troisième<br />
fille des Cartier. L’heureux événement est assombri par la<br />
découverte de la liaison extraconjugale de son mari avec Luce<br />
Cuvillier, sa confidente et meilleure amie : « C’est le triangle<br />
amoureux qui a d’abord piqué ma curiosité, explique<br />
l’écrivaine. Il y a deux femmes au cœur de ce drame : l’épouse<br />
et la maîtresse. Je voulais savoir quel sort subissait une femme<br />
trompée, blessée dans son amour-propre, dans la société puritaine<br />
du XIX e siècle. Mais aussi, la femme émancipée qu’était<br />
Luce Cuvillier me fascinait. Comment cette émule de George<br />
Littérature québécoise<br />
Sand qui défiait les conventions, a-telle<br />
réussi à vivre sa passion illicite<br />
pendant des années,au vu et au su de<br />
tous »<br />
Pour révéler certaines pages méconnues<br />
de l’histoire du Bas et du<br />
Haut–Canada (la période post-rébellion,<br />
le virage idéologique de<br />
quelques nationalistes et les dessous<br />
de la fondation du Parlement) et, bien<br />
entendu, parler de l’épidémie de<br />
choléra de 1847, de l’inauguration du<br />
pont Victoria ou du combat de Louis<br />
Riel, Micheline Lachance a articulé son propos autour des<br />
joutes amoureuses qui animaient les coulisses de la demeure<br />
Cartier : « Ce qui ajoutait du piquant à l’histoire, c’est que ces<br />
deux femmes étaient l’épouse et la maîtresse d’un homme<br />
politique en vue.La carrière de George-Étienne Cartier a levé au<br />
moment où l’étoile de Louis-Joseph Papineau pâlissait. Au<br />
milieu du XIX e siècle, le Bas-Canada se trouve une fois de plus à<br />
la croisée des chemins. La Rébellion l’a affaibli et le clergé a<br />
repris son ascendant sur la population. L’Union des deux<br />
Canadas, qui lui a été imposée, ne fonctionne pas. <strong>Le</strong> Haut-<br />
Canada réclame plus de pouvoir. C’est l’impasse. C’est dans ce<br />
contexte que George-Étienne Cartier cherche à bâtir un pays<br />
d’un océan à l’autre. Je raconte l’entrée du Bas-Canada dans la<br />
Confédération. Soit dit en passant, elle s’est faite sans que la<br />
population ait voix au chapitre. La naissance du Canada a<br />
donné lieu à de grands élans, mais aussi à des complots et des<br />
manigances dignes de grands films. »<br />
Malgré son côté historique très fouillé,Micheline Lachance précise<br />
que Lady Cartier doit être lu comme un roman, et ce,<br />
« même s’il est le fruit d’un long travail de recherche aux<br />
archives et dans les ouvrages d’histoire ». Et s’il ne fallait retenir<br />
qu’une chose de ce roman, aux dires de l’auteure, c’est<br />
« que les siècles passent et les passions demeurent.La plupart<br />
des femmes d’aujourd’hui<br />
se reconnaîtront en<br />
Hortense ou en Luce.<br />
Quelle femme n’a pas un<br />
jour été trompée par celui<br />
qu’elle aimait Quelle<br />
femme n’a pas été la<br />
maîtresse d'un homme<br />
marié Qui n’a pas une<br />
sœur, une amie, une collègue<br />
à qui cela est arrivé <br />
Il s’est écoulé 140 ans<br />
depuis le drame d’Hortense et de Luce, mais les états d’âme, les<br />
sentiments — amour, jalousie, instinct de vengeance — se<br />
manifestent de la même manière aujourd’hui.Ce qui a changé <br />
L’opprobre qui couvrait jadis les victimes et les coupables a<br />
cessé (mais pas toujours, hélas !). Aussi, au XIX e siècle, les<br />
pers|pectives d’une vie nouvelle pour une Hortense ou une<br />
Luce étaient bien ténues. L’épouse du mari adultère était<br />
réputée responsable de ne pas avoir su retenir son homme. Et<br />
sa maîtresse, on la considérait comme une courtisane. De<br />
même, les mœurs politiques n’ont guère évolué. Pendant que<br />
j'écrivais sur le scandale du Canadien Pacifique, un cas flagrant<br />
de corruption politique révélé en 1873, le gouvernement de<br />
Paul Martin se débattait avec l’affaire des commandites. En<br />
matière de patronage, nos contemporains n’ont rien inventé.<br />
Aussi, en reconstituant les discussions colorées, chez les Cartier<br />
ou les Fabre,j’avais l’impression d’assister aux chicanes de famille<br />
qui nous animent en temps d’élection ou de référendum »,<br />
conclut l’écrivaine et journaliste, toujours aussi perspicace.<br />
© Maryse Raymond<br />
Après avoir publié de nombreux recueils de poésie, dont<br />
Aknos (Prix du Gouverneur général, 1994) et un recueil de<br />
nouvelles, Golden Eighties, Fulvio Caccia aborde le roman<br />
avec La Ligne gothique, manière de polar existentiel où<br />
Jonathan Hunt, le héros, s’entête à vouloir retrouver un<br />
ami mystérieusement disparu<br />
durant le carnaval d’une ville au<br />
nom curieusement français…<br />
Anticipation, critique sociale, suspense et érotisme constituent un mélange<br />
explosif, certes, si l’on se fie au nouveau roman de Patrick Imbert, Réincarnations<br />
(Vents d’Ouest). De Toronto au Brésil, Max Simon poursuit sa quête, dont le but<br />
est de pénétrer les banques de données des scientifiques qui cherchent à maîtriser<br />
le processus de la réincarnation.<br />
19 le <strong>libraire</strong> • SEPTEMBRE 2004