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Numéro 24 - Le libraire

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Littérature française <strong>Le</strong>s<br />

bonnes feuilles<br />

JÉRÔME GARCIN<br />

Bartabas, roman<br />

Il y a de ces légendes qui rendent l’homme plus grand que<br />

nature.Mais il y a de ces hommes dont le nom est porté par<br />

la rumeur du vent. Bartabas, dans les faits Clément Marty,<br />

appartient à cette race. Fondateur du théâtre équestre<br />

Zingaro puis directeur des écuries de Versailles, il reste un<br />

être insaisissable, refusant de révéler son parcours. Jérôme<br />

Garcin, écrivain et directeur adjoint du Nouvel Observateur,<br />

est parvenu à percer l’homme derrière le mythe. En effet,<br />

son dernier livre ne se veut ni une biographie ni un roman,<br />

mais plutôt un récit écrit à la première personne du singulier<br />

: « <strong>Le</strong> titre, Bartabas, roman peut être comparé au<br />

Matisse, roman, d’Aragon, avec ce pari : portraiturer un<br />

vivant encore jeune dont l’existence n’a été consacrée qu’à<br />

ses créations », se plaît à expliquer Garcin. Bartabas est<br />

« un artiste qui réinvente le monde et un écuyer qui n’en<br />

finit pas de célébrer la relation magnifique de l’homme et<br />

du cheval. Mais aussi un chef de troupe. Et encore un mystère<br />

que je ne suis même pas sûr d’avoir élucidé... », constate<br />

l’auteur, qui ne compte plus les heures passées en<br />

compagnie de l’artiste, qu’il côtoie depuis une dizaine d’années<br />

et avec lequel il a développé une relation complice et<br />

même fraternelle. L’intention de Garcin n’a jamais été<br />

d’écrire la vie de Marty, mais la vie d’une œuvre : « J’ai<br />

voulu raconter l’impossibilité d’écrire la biographie de<br />

Bartabas. » Ce livre contient donc plus que des révélations<br />

sur l’itinéraire d’un autodidacte de l’art équestre : c’est une<br />

véritable réflexion autour du combat mené par un homme<br />

qui, grâce à son génie, parvient à fusionner les arts pour<br />

créer un spectacle chaque fois différent, unique et fugitif.<br />

Avec Bartabas, roman, Jérôme Garcin livre la suite logique<br />

de La Chute de cheval (prix Roger Nimier, 1998) et de<br />

Perspectives cavalières, deux livres qu’il avait aussi consacrés<br />

au monde du cheval.<br />

©J. Sassier<br />

JEAN-PIERRE OHL<br />

Monsieur Dick ou <strong>Le</strong> Dixième Livre<br />

Oliver Twist et David Copperfield n’ont plus aucun secret pour<br />

vous Votre conte de Noël favori met en scène le glacial<br />

Monsieur Scrooge Alors vous adorerez Monsieur Dick ou<br />

<strong>Le</strong> Dixième Livre (Gallimard). Selon son auteur, Jean-Pierre<br />

Ohl, si vous ne connaissez rien à Charles Dickens, eh bien<br />

vous y trouverez quand même votre compte : « Il suffit<br />

d’aimer la littérature, mais le plus beau compliment que l’on<br />

puisse me faire, c’est de me dire que Monsieur Dick donne<br />

envie de lire Dickens ! Il s’agit aussi d’y trouver un plaisir de<br />

lecture égal à celui que j’ai éprouvé en l’écrivant. » On<br />

comprend Jean-Pierre Ohl d’être heureux de ces éloges ;<br />

<strong>libraire</strong> à Talence, une banlieue située au sud-ouest de<br />

Bordeaux, il en connaît un rayon sur le sort réservé aux premiers<br />

romans parus dans la frénésie de la rentrée d’automne. Nouvelle variation<br />

sur l’un des mystères littéraires les plus fascinants, à savoir le récit<br />

atypique que l’écrivain britannique laissa, à sa mort en 1870, inachevé, le<br />

premier opus de Ohl gardera-t-il la tête hors de l’eau Trop heureux de<br />

constater, « avec une certaine satisfaction, que l’ère de “ l’autofiction ” et<br />

du nombrilisme semble passée en France », l’auteur livre une fiction<br />

réjouissante dont on dit déjà le plus grand bien et qui tranche agréablement<br />

avec les productions des années passées : « Monsieur Dick est une<br />

“ drooderie ”, une fantaisie inspirée par l’inachèvement du Mystère d’Edwin<br />

Drood,mais c’est surtout un hommage à Dickens et, à travers lui, au pouvoir<br />

du romancier. <strong>Le</strong> génie de Dickens, sa capacité miraculeuse et inépuisable à<br />

créer des personnages, à les rendre réels, entre quasiment en concurrence<br />

avec la “ vraie vie ” ; cette fascination pour la littérature entraîne l’un de<br />

mes personnages au bord de la folie. » Ne reste plus qu’à dévoiler le<br />

fameux mystère !<br />

On devrait sérieusement songer à prescrire L’Idole (Flammarion) à ces pauvres vedettes<br />

instantanées créées par les médias qui, après avoir connu une heure de gloire peu<br />

légitime, sombrent dans l’oubli — et peut-être bien aussi dans une dépression. Dans son<br />

sixième roman, Serge Joncour raconte comment Georges Frangin, en sortant de chez lui<br />

un matin, se rend compte que tout le monde le reconnaît dans la rue, que la télé l’annonce<br />

dans un show, que son livre sera bientôt publié. Ahuri, le chômeur élevé au rang de star<br />

en une seule nuit vivra moult déboires. Joncour signe ici une comédie incisive et inventive<br />

qui radioscopie une société obsédée par la célébrité. L’un des romans les plus corrosifs<br />

de la rentrée !<br />

Mettant en scène un paumé de 40 ans qui se souvient de son adolescence flamboyante à<br />

Saint-Tropez et, surtout, de sa sœur avec qui tout s’est mal terminé, Anthologie des<br />

apparitions (Flammarion), premier roman du parisien Simon Liberati, arrive chez nous<br />

précédé des meilleurs auspices. En effet, les critiques de l’Hexagone ont salué cette<br />

œuvre au charme ambigu, au demeurant fort réussie et dont on dit qu’elle possède<br />

« toutes les vertus d’un cabinet de curiosité » (Libération).<br />

23 le <strong>libraire</strong> • SEPTEMBRE 2004<br />

© Catherine Cabrol<br />

Cet automne, Amélie Nothomb nous fait don de<br />

Biographie de la faim (Albin Michel), un roman plus<br />

autobiographique que jamais qui nous tient vraiment<br />

jusqu’à la… fin de la faim. Car dans cette ode<br />

à la gourmandise et à l’appétit sous toutes ses<br />

formes, l’auteure belge clôt un épisode évoqué avec<br />

plus ou moins de bonheur dans ses précédentes plaquettes<br />

(Robert des noms propres et Antéchrista) :<br />

l’anorexie. Et ce, sans oublier le Japon de son<br />

enfance, sa nounou chérie, son premier amour et ses<br />

débuts comme interprète au pays du Soleil <strong>Le</strong>vant.<br />

Bref, nous avons là une œuvre charnière.<br />

À cause de son amour de<br />

l’argent, Éliane est séduite<br />

par un manipulateur, qui<br />

l’embarque dans une opération<br />

douteuse qui finira en<br />

queue de poisson. Auteur du<br />

Voyage en France (Médicis<br />

étranger 2001), le journaliste et producteur de radio<br />

Benoît Duteurtre nous revient avec La Rebelle<br />

(Gallimard), qui, d’une certaine façon, fait suite à<br />

Service clientèle, sa précédente plaquette. De nouveau,<br />

Duteurtre se fait exubérant, drôle et sarcastique<br />

dans ce roman qui, se déroulant dans le milieu des<br />

médias, en dénonce les travers : capitalisme et corruption<br />

à outrance, valeurs culturelles déviantes. Un<br />

livre qui s’inscrit dans l’air du temps.

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