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CARL DE SOUZA / AP
CULTURE
HaroldPinter
s’enva
Prix Nobel de littérature en
2005, le dramaturge
britannique Harold Pinter
est mort mercredi à l’âge de
78 ans. La littérature
mondiale perd l’une de ses
voix les plus engagées, un
monument du théâtre
contemporain très engagé
ces dernières années contre
la guerre en Irak. p.21
Libre
2n C U LT U R E pp. 19 à 21
n P R A T I Q U E p. 22
n T É L É V I S I O N pp. 24 à 26
n D É B A T S pp. 27 à 30
CAHIERDÉTACHABLE
Sciences - ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DE DARWIN (1/4)
Darwin,lerévolutionnaire
w Le 12 février, on fêtera le
deux centième anniversaire
de la naissance de Darwin.
w Equivalent d’un Newton, sa
théorie de l’évolution a
bouleversé la science.
w Des fondamentalistes
pourtant le contestent.
Premier volet d’une série.
DOSSIER
GUY DUPLAT
La date anniversaire de la
naissance de Charles
Darwin (12 février 1809-
1882) approche. Le museum
d’histoire naturelle de
Londres consacre une grande exposition
à son œuvre. Un nombre
croissant de livres et d’articles de
presse nous rappelle l’apport capital
du naturaliste anglais à nos
conceptions concernant le monde
vivant. Le scientifique anglais
est un géant de l’histoire des
sciences, comme Newton, Kepler
ou Einstein. Sa théorie de l’évolution
des espèces vivantes et la
loi de la sélection naturelle qui la
guide ont révolutionné notre vision
du vivant et de l’homme.
Fêter cet anniversaire est
d’autant plus nécessaire que des
“créationnistes” et tenants du
“dessein intelligent” contestent
le darwinisme de manière très
dangereuse et présentent leurs
propres théories comme une
“science”.
Dans une série d’articles, nous
rappellerons le rôle de Darwin,
nous présenterons la prochaine
aile du museum des sciences naturelles
à Bruxelles qui sera
inaugurée le jour anniversaire
de la naissance de Darwin et qui
sera entièrement consacrée à la
théorie de l’évolution. Nous interrogerons
aussi plusieurs spécialistes
sur Darwin et les dangers
du “dessein intelligent”.
Les pinsons des Galapagos
Charles Darwin est né à
Shrewsbury, dans le Shropshire
(Angleterre). Il est le cinquième
de six enfants d’un médecin et financier
prospère. L’intérêt de
Darwin pour l’histoire naturelle
lui vint alors qu’il avait commencé
d’étudier la médecine à
l’université d’Edimbourg, puis la
théologie à Cambridge à la demande
de son père. L’évolution
des espèces (le transformisme)
était déjà admise dans plusieurs
cercles scientifiques sensibles
aux thèses de Lamarck (1744-
M Charles Darwin et sa célèbre barbe, dans une photo prise peu avant sa mort, le 19 avril 1882 à Downe, dans le Kent.
1829). Le grand-père de Darwin
était lui-même un évolutionniste.
L’idée que les espèces (et
l’homme en fait partie) n’ont pas
été créées en l’état où nous les
trouvons, comme tels, ainsi que
la Genèse le raconte, mais qu’elles
ont évolué au cours de l’histoire
de la Terre était déjà présente,
étayée par exemple par
l’étude des fossiles. Mais l’origine
de ces changements restait
obscure. Lamarck y voyait l’influence
du milieu : si la girafe a
un long cou, c’est à force de chercher
leur nourriture en haut des
arbres de génération en génération.
William Paley, dans sa
“théologie naturelle” voyait la
marque de Dieu comme il l’explique
dans sa célèbre comparaison
: s’il y a une horloge sur terre,
il doit bien y avoir un horloger
qui l’a conçue. Darwin fut dans
un premier temps séduit par la
“théologie naturelle” de William
Paley qui restait proche de la Bible.
Le grand déclic pour lui fut son
célébrissime voyage autour du
monde, pendant 5 ans (1831-
1836), sur le bateau Beagle. Il y
démontra toutes ses immenses
qualités d’observateur, de naturaliste
et de scientifique. On sait
comment son étude des variations
dans les pinsons des îles
Galapagos (les moqueurs polyglottes)
joua un rôle clé dans sa
théorie.
Intrigué par la distribution
géographique de la faune sauvage
et des fossiles qu’il avait recueillis
au cours de son voyage, il
étudia la transformation des espèces
et en conçut sa théorie sur
la sélection naturelle en 1838.
Mais il avait constaté que
d’autres avaient été attaqués
comme hérétiques pour des idées
analogues et il ne se confia qu’à
ses amis les plus intimes tout en
continuant pendant 20 ans (!) à
développer ses recherches pour
imaginer et prévenir les objections.
En 1858, Alfred Russel
Wallace lui fit parvenir un essai
qui décrivait une théorie semblable,
ce qui les amena à faire connaître
leurs théories dans une
présentation commune pour ne
pas faire perdre à Darwin le bénéfice
de l’antériorité. Certains
estiment même qu’il faudrait
ASSOCIATED PRESS
mettre Wallace aux côtés de
Darwin comme co-découvreur de
la loi de la sélection naturelle.
Enterré avec Newton
Le livre de Darwin publié en
1859, “L’Origine des espèces”, fit
de l’évolution à partir d’une ascendance
commune l’explication
scientifique dominante de la diversification
dans la nature. Le
livre connut d’emblée un extraordinaire
succès auprès du public.
L’introduction définit bien
sa thèse : “Comme il naît beaucoup
plus d’individus de chaque
espèce qu’il n’en peut survivre, et
que, par conséquent, il se produit
souvent une lutte pour la vie, il
s’ensuit que tout être, s’il varie,
même légèrement, d’une manière
qui lui est profitable, dans les
conditions complexes et quelquefois
variables de la vie, aura une
meilleure chance pour survivre et
ainsi se retrouvera choisi d’une
façon naturelle. En raison du
principe dominant de l’hérédité,
toute variété ainsi choisie aura
tendance à se multiplier sous sa
forme nouvelle et modifiée.”
Il examina ensuite l’évolution
humaine et la sélection sexuelle
dans “La Filiation de l’homme”
et la sélection liée au sexe, suivi
par “L’Expression des émotions
chez l’homme et les animaux”.
Ses recherches sur les plantes furent
publiées dans une série de
livres et, dans son dernier
ouvrage, cet homme d’une curiosité
insatiable, étudia même les
lombrics et leur action sur le sol.
En reconnaissance de son génie,
il fut enterré dans l’abbaye
de Westminster, près d’Isaac
Newton.
Jacques Monod
Si Darwin, jeune, était resté
chrétien au point de faire des
études de théologie, il se détourna
ensuite de la religion,
écœuré par l’esclavage et la mort
– jeune – de sa fille Annie (il ne
pouvait plus croire en un Dieu
bienfaisant), et il devint agnostique,
mais sans jamais en faire
une militance et en séparant toujours
ses recherches de ses
croyances. De même, il respecta
toujours les convictions de sa
femme Emma qui elle, resta profondément
croyante
Les théories de Darwin furent
parfois dévoyées par des scientifiques
qui se basèrent sur elles
pour prôner l’eugénisme ou la loi
du plus fort, mais jamais Darwin
n’adhéra à ces thèses et fut opposé
à toute forme de racisme.
Voir d’autre part, dans la loi de
sélection du “plus apte” une justification
à l’ultralibéralisme est
une interprétation idiote du
darwinisme.
Aujourd’hui, le darwinisme
est admis par toute la communauté
scientifique, même si certains
détails de la sélection naturelle
font encore l’objet de débats.
Depuis Darwin, les découvertes
en biologie moléculaire ou en embryologie
ont totalement corroboré
les intuitions géniales de
Darwin. Il y a 30 ans, Jacques
Monod en écrivant “Le hasard et
la nécessité” expliquait par les
dernières découvertes de la biologie
moléculaire l’évolution des
espèces et le rôle du hasard dans
leurs transformations. Suivant
le mot de Laplace, la science
n’avait pas eu besoin de l’hypothèse
de Dieu pour expliquer la
variété du vivant, y compris
l’homme. Presque chaque jour,
on peut d’ailleurs voir une des
preuves du darwinisme dans la
manière avec laquelle les virus
et microbes mutant au hasard,
s’adaptent pour mieux résister
aux antibiotiques. n
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L A L I B R E 2 VENDREDI 26 DÉCEMBRE 2008 19
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