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<strong>lire</strong><br />
CARNETS DE VOYAGE Le journal de route inédit du prince en 1909<br />
Albert I er au Congo: acerbe<br />
w Journal de route<br />
du prince Albert<br />
en 1909 au Congo<br />
Raymond Buren<br />
éd. E. Mols,<br />
256 pp, 27 €<br />
(à verser au compte<br />
000-0700092-43<br />
de Raymond Buren,<br />
68 avenue de la Gare,<br />
6840 Neufchâteau)<br />
Le prince Albert<br />
au Congo, il y<br />
aura demain 100<br />
ans.<br />
Le magistrat honoraire Raymond<br />
Buren a entrepris de<br />
publier le journal du voyage<br />
que le prince Albert, le futur<br />
Roi Chevalier, effectua au Congo<br />
en 1909, quelques mois à peine<br />
après que l’État belge eut pris la<br />
responsabilité de l’ancien État indépendant<br />
du Congo (EIC).<br />
Premier membre de la famille<br />
royale belge à se rendre au Congo,<br />
le prince Albert voyage avec un<br />
haut fonctionnaire de la colonie, un<br />
aide de camp, un valet de chambre<br />
et un médecin. Il circule en train, à<br />
vélo, à pied, en bateau, à cheval et à<br />
bord de pirogues – dont celle exposée<br />
au musée de Tervuren. Il quitte<br />
Le Cap (Afrique du Sud) le 20 avril<br />
et boucle son voyage trois mois plus<br />
tard, le 27 juillet.<br />
Il écrit son journal dès son retour,<br />
sur base de notes personnelles<br />
et de souvenirs. Ces carnets de<br />
route – publiés ici pour la première<br />
fois et dans leur intégralité –<br />
n’étaient pas destinés à la publication<br />
et l’on y trouve un franc-parler<br />
qui montre la clairvoyance de celui<br />
qui allait bientôt devenir le troisième<br />
souverain de la Belgique.<br />
Le prince critique en effet d’une<br />
plume acerbe son oncle Léopold II<br />
– sans le nommer – même s’il se félicite<br />
de la qualité des chemins,<br />
meilleurs au Katanga qu’en Rhodésie,<br />
grâce “à la corvée” imposée<br />
par l’EIC.<br />
L’OR À BRUXELLES<br />
Mais Albert déplore que peu<br />
d’argent ait été consacré à la santé<br />
des populations, en particulier contre<br />
le fléau qu’est la maladie du<br />
sommeil. “L’hygiène n’est pas matière<br />
à profit immédiat; il ne peut<br />
donc être question d’y consacrer de<br />
grandes sommes d’argent”, ironiset-il.<br />
“Depuis sept ou huit ans, on n’a<br />
plus consacré d’argent à aucun travail<br />
d’installation ou d’amélioration<br />
[…] Le travail en Afrique, l’or à<br />
Bruxelles, voilà la devise de l’État<br />
indépendant.” À cette époque,<br />
l’ABIR, société d’exploitation du<br />
caoutchouc, a distribué à ses actionnairesdesdividendesde…1600pc!<br />
Albert préconise une “coopération”<br />
avec les Congolais. “Que pouvons-nous<br />
sans eux ? Les considérer<br />
comme un troupeau taillable et corvéable<br />
à merci, c’est un crime au<br />
point de vue humanitaire mais, bien<br />
plus encore, une faute du point de<br />
vueéconomique.”<br />
LES ANGLAIS ACCAPAREURS<br />
Le prince critique aussi le “secret”<br />
dans lequel Léopold II a tenu<br />
ses activités au Congo et plus précisément<br />
au Katanga, province cependant<br />
“bien connue des Anglais”.<br />
Car la cible préférée du voyageur<br />
est le manque de vigilance<br />
belge devant la montée en puissance<br />
des Britanniques dans ce<br />
territoire. Ceux-ci construisent un<br />
chemin de fer Rhodésie-Katanga,<br />
“inappréciable moyen de pénétration<br />
économique dans la partie la<br />
plus riche de notre colonie”. Les<br />
Britanniques, écrit le prince, considèrent<br />
le Katanga comme “une<br />
vraie terre promise” et “parlent<br />
déjà avec des noms séparés du<br />
Congo et du Katanga”. Et comme<br />
on n’accède à cette province que<br />
par la Rhodésie, le transport et la<br />
commercialisation des minerais<br />
sont entre leurs mains. Il note en<br />
outre que les Britanniques sont<br />
“l’élément le plus actif” au sein de<br />
l’Union minière, dont ils possèdent<br />
la moitié des actions. Bref: leur<br />
“ambition accaparante ne peut<br />
échapper qu’aux aveugles”.<br />
Enfin, constatant que le travail<br />
forcé perdure au Congo, pour la<br />
construction du chemin de fer, Albert<br />
est aussi conscient de l’importance<br />
des voies de communication,<br />
sans lesquelles “la plupart des richesses<br />
resteront inexploitables”.<br />
Et d’insister: on “peut former” les<br />
Congolais à des travaux spécialisés<br />
“avec l’appât d’un bon salaire”.<br />
Marie-France Cros<br />
MUSÉE ROYAL DE L’AFRIQUE CENTRALE<br />
VOYAGE<br />
en bref<br />
Classes de terre<br />
Bernard et Mélanie<br />
Delloye<br />
En toutes lettres, 394 pp.,<br />
env. 25 € (disponible dans les<br />
grandes librairies bruxelloises<br />
ou par commande via<br />
www.classesdeterre.com)<br />
M “Une famille marche droit<br />
devant elle sans se retourner jusqu’à ce que<br />
l’océan l’arrête.” Ce fait, décrit par Bernard et<br />
Mélanie Delloye, est vrai. Avec leurs deux jeunes<br />
enfants de six et huit ans, Madeleine et<br />
Pierre, ces Belges ont décidé de réaliser leur<br />
rêve: partir. Pour eux, l’évidence consistait en<br />
un voyage lent, sans moteur ni mécanique, à<br />
pied avec deux ânes bâtés pour porter les bagages.<br />
“La vie à pied est poésie et voyage en soi”,<br />
un voyage qui les conduira jusqu’à la côte portugaise<br />
après avoir traversé la France et l’Espagne.<br />
De cette expérience de près de trois années,<br />
ils ont tiré un carnet de voyage émouvant<br />
et bien écrit dont ils publient le récit de la première<br />
année. Mêlant réflexions sur la vie, le<br />
voyage, le temps, et la narration des mutiples<br />
péripéties et problèmes rencontrés – école itinérante,<br />
rencontres hasardeuses, nourriture...<br />
–, “Classes de terre” nous transmet “un peu de<br />
cette poussière d’ailleurs qui s’accroche à nos<br />
carcasses d’insectes”. (C.P.)<br />
INSTANTANÉS<br />
Ma grand-mère<br />
avait les mêmes<br />
Philippe Delerm<br />
Points/Seuil,<br />
95 pp. 11 €<br />
M À la manière des “Gorgées<br />
de bière” qui l’ont fait<br />
connaître à tous vents, Philippe<br />
Delerm nous adresse,<br />
sous forme de variations, quelques considérations<br />
inédites sur les dessous des petites phrases.<br />
Dessous affriolants, précise-t-il. Sans<br />
doute. Mais aussi piquants, colorés, astucieux.<br />
Très certainement délicieux et concernant à<br />
peu près chacun qui se prend à interroger ces<br />
phrases apparemment anodines, voire coutumières<br />
et dites comme sans y attacher d’importance,<br />
sous lesquelles, se cachent des émotions<br />
ou des arrières-pensées beaucoup moins<br />
aimables et dénuées d’intention qu’on ne voudrait<br />
le laisser croire. Que recèlent ces “Je<br />
voulais voir ce que c’était”, “On ne vous fait<br />
pas fuir, au moins?”, “Y a pas d’souci”, “J’ai une<br />
contrainte” ou l’allusion à cette grand-mère<br />
qui avait “les mêmes” assiettes que celles que<br />
l’on reluque à la brocante? Avec un goût des<br />
mots revendiqué, une tendresse ironique et<br />
une lucidité acérée qu’il affiche de petits livres<br />
en petits livres, l’auteur de ce dernier venu<br />
nous oriente sur quelques pistes dont nous reconnaissons<br />
aussitôt les balises. Pour amateurs<br />
de plaisirs minuscules et de sous-entendus<br />
souriants. (M.V.)<br />
ROMAN<br />
Mort à Sarajevo<br />
Dan Fesperman<br />
Editions de Fallois,<br />
318 pp, env. 20 €<br />
M Ce premier livre a valu à<br />
l’auteur, le journaliste américain<br />
Dan Fesperman, le prix<br />
John Creasy qui récompense<br />
au Royaume-Uni un premier<br />
roman policier. Et ce n’est que justice. En racontant<br />
une enquête dans Sarajevo assiégée de l’inspecteur<br />
Vlado Petric, Fesperman nous livre un<br />
thriller de bonne facture qui excelle dans la description<br />
de la ville bombardée. Tout y est: les<br />
croque-morts de l’hôpital Kosevo, les blindés de<br />
l’Onu, l’Holiday Inn, la rivière Miljacka, mais<br />
aussi et surtout l’état d’esprit, les petits arangements<br />
et les blessures d’une ville soumise à tous<br />
les outrages. L’auteur a largement puisé dans<br />
son expérience car il couvrit la guerre en Bosnie<br />
pour son journal, le “Baltimore Sun”. Le rythme<br />
est soutenu. La faiblesse est l’intrigue, dont on<br />
devine rapidement la nature. La touche finale –<br />
le départ en catimini de l’inspecteur dans un C-<br />
130 rempli de casques bleus belges – est assez<br />
succulente. (Ch. Ly.)<br />
NOUVELLES<br />
Contes bizarres<br />
Bob Boutique<br />
Chloé des Lys, 280 pp., env. 20,90€<br />
M Ecrivain à ses heures, le libraire Bob Boutique<br />
publie un recueil de nouvelles amusantes.<br />
Dans un style léger, proche du langage parlé,<br />
l’auteur prend plaisir à mêler aux belgicismes<br />
du “brusseleer” et du flamand. Même si elles<br />
commencent par “Il était une fois”, les onze<br />
nouvelles, accompagnées d’illustrations de<br />
l’auteur, débutent par une situation banale jusqu’à<br />
ce que quelque chose de bizarre intervienne.<br />
À <strong>lire</strong> pour se distraire. D’un auteur qui<br />
pense que les humains ne sont lucides que pendant<br />
le Carnaval. (C.P.)<br />
HUMOUR<br />
San Sombrèro<br />
Santo Cilauro,<br />
Tom Gleisner, Rob Sitch<br />
Flammarion,<br />
200 pp., env. 15€<br />
M Après “La Molvanie”,<br />
“pays que s’il existait pas, faudrait<br />
l’inventer”, le groupe satirique<br />
australien “Working<br />
dog” remet le couvert. Cette fois, ils nous emmènent<br />
à San Sombrèro, un pays d’Amérique<br />
centrale où “il y a des carnavals, des cocktails et<br />
des puthschs”. Parodiant le “Lonely Planet” et<br />
les destinations “authentiques”, les auteurs<br />
prennent un malin plaisir à fournir leurs bons<br />
plans déjantés avec un humour décalé. Ce<br />
guide donne presque envie de faire le détour<br />
par Cucaracha City ou la province de Guacomola.<br />
(C.P.)<br />
IV VENDREDI 26 DÉCEMBRE 2008<br />
L A L I B R E B E L G I Q U E<br />
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