nouvelles de notre association - aafi-afics - UNOG
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Charles-Emmanuel I savait que s’il déclarait la<br />
guerre à Genève, la France interviendrait. Cela ne<br />
faisait pas ses affaires. La meilleure tactique était<br />
une attaque surprise, courte, incisive et brutale.<br />
S’il parvenait à s’emparer <strong>de</strong> Genève d’un seul<br />
coup, toute l’affaire serait bouclée avant que les<br />
Genevois aient eu le temps <strong>de</strong> se ressaisir ou<br />
qu’un outsi<strong>de</strong>r ait pu venir à la rescousse. Il n’était<br />
pas le premier, ni le <strong>de</strong>rnier à raisonner ainsi,<br />
sachant pertinemment qu’il est presque toujours<br />
impossible <strong>de</strong> revenir sur un fait accompli.<br />
Tout en croyant qu’elle était protégée par les<br />
traités passés entre la France et la Savoie,<br />
Genève ne pouvait s’empêcher <strong>de</strong> nourrir <strong>de</strong>s<br />
craintes quant aux intentions <strong>de</strong> la Savoie. Le roi<br />
<strong>de</strong> France avait envoyé <strong>de</strong>s avertissements. Il y<br />
avait d’autres signes avant-coureurs.<br />
Un marchand français, Pierre Pelé, arrivant <strong>de</strong><br />
Turin, avertit Genève qu’une attaque était en<br />
préparation, probablement contre la barrière <strong>de</strong><br />
Rie (Rive). En avril 1602, Marc-Antoine Pascal,<br />
qui vivait à Rome mais avait <strong>de</strong>s parents à<br />
Genève, fit savoir que le pape, le duc <strong>de</strong> Savoie<br />
et le roi d’Espagne complotaient contre la Ville et<br />
lui avaient offert <strong>de</strong>s sommes énormes pour prix<br />
<strong>de</strong> sa complicité.<br />
Comme il y avait d’autres indications que quelque<br />
chose se tramait, Genève renforça ses<br />
fortifications, installa davantage <strong>de</strong> chaînes en<br />
travers <strong>de</strong> ses rues, blinda ses grilles avec <strong>de</strong>s<br />
plaques <strong>de</strong> fer et fit dire <strong>de</strong>s prières spéciales.<br />
Mais les jours s’écoulaient sans que rien ne se<br />
passe et l’on relâcha les précautions. Par mesure<br />
d’économie, la gar<strong>de</strong> - d’importance capitale –<br />
postée au parapet entre la Porte <strong>de</strong> la Monnaie (là<br />
où la rue <strong>de</strong> la Cité rejoint aujourd’hui la place Bel<br />
Air) et la Porte Neuve fut abandonnée. Bien peu<br />
se doutaient que c’était précisément là où<br />
l’ennemi attaquerait.<br />
Les Genevois n’imaginaient pas à quel point<br />
Charles-Emmanuel I était obsédé par leur ville. A<br />
ses yeux la conquête <strong>de</strong> Genève n’était pas<br />
seulement une nécessité politique et militaire,<br />
mais aussi un <strong>de</strong>voir religieux. Dieu et Ses<br />
<strong>de</strong>sseins poussaient aussi à la roue pour lancer<br />
l’attaque. Il ne s’agissait pas seulement du<br />
combat d’un géant contre un nain mais aussi <strong>de</strong> la<br />
lutte du Bien contre le Mal.<br />
Afin d’endormir les naïfs Genevois avant l’attaque,<br />
le duc envoya à Genève Charles <strong>de</strong> Rochette,<br />
prési<strong>de</strong>nt du Sénat <strong>de</strong> Chambéry, pour y discuter<br />
<strong>de</strong> certains problèmes <strong>de</strong> commerce et<br />
d’agriculture. Rochette avait reçu l’ordre <strong>de</strong> se<br />
montrer aimable et accommodant, ce qu’il fut.<br />
Mais sous le prétexte <strong>de</strong> cette visite <strong>de</strong> bons<br />
offices, le gouverneur du fort <strong>de</strong> Bonne, François<br />
Brunaulieu et plusieurs autres notables<br />
savoyards, vinrent aussi à Genève : non pour s’y<br />
faire <strong>de</strong>s amis et user <strong>de</strong> leur influence, mais bien<br />
pour repérer les lieux. A la faveur <strong>de</strong> la nuit, ils<br />
mesurèrent la hauteur <strong>de</strong>s murailles et la largeur<br />
<strong>de</strong>s douves - précisément en ce lieu si important<br />
où la gar<strong>de</strong> avait été relâchée – et rassemblèrent<br />
toutes sortes d’informations sur la défense <strong>de</strong> la<br />
ville. Après tout, l’espionnage n’a-t-il pas souvent<br />
été décrit comme la <strong>de</strong>uxième plus vieille<br />
profession du mon<strong>de</strong> ?<br />
Le jour <strong>de</strong> l’attaque si longtemps préparée se leva<br />
enfin. Pierre Brasier, un paysan <strong>de</strong> Chêne,<br />
rentrant tard dans la soirée du 10 décembre, avait<br />
aperçu <strong>de</strong>s troupes, massées à Etrembières,<br />
empêcher les habitants <strong>de</strong> rentrer dans la ville.<br />
Préoccupé, Brasier signala cet inci<strong>de</strong>nt à Genève<br />
mais on se moqua <strong>de</strong> lui. La gar<strong>de</strong> n’était pas<br />
d’humeur à être dérangée dans sa routine et à<br />
écouter <strong>de</strong>s rumeurs.<br />
Quelques minutes plus tard, un officier <strong>de</strong><br />
cavalerie avait galopé jusqu’à la Porte Neuve et,<br />
<strong>de</strong>mandant à parler au capitaine, avait averti<br />
qu’un grave danger menaçait la ville. Puis il était<br />
reparti au galop. Qui était cet officier ? D’où<br />
venait-il ? Où était-il reparti ?<br />
Les préparatifs <strong>de</strong>s Savoyards<br />
Pour la Savoie, écraser la petite République <strong>de</strong><br />
Genève n’était pas plus difficile qu’à un éléphant<br />
d’écraser une souris. Mais la guerre <strong>de</strong>vait être<br />
préparée avec soin et c’est ce à quoi le duc<br />
s’employa. Il ne sous-estimait pas la tâche qu’il<br />
entreprenait.<br />
L’attaque fut une surprise totale.. Elle eut lieu au<br />
cours <strong>de</strong> la nuit la plus longue et la plus noire <strong>de</strong><br />
l’année, celle du solstice d’hiver, du 11 au 12<br />
décembre (Genève ne <strong>de</strong>vait adopter le calendrier<br />
grégorien que l’année suivante). Des échelles<br />
démontables, spécialement construites sur<br />
mesure puisque la hauteur <strong>de</strong>s murs d’enceinte<br />
était connue, <strong>de</strong>vait permettre à un groupe d’élite<br />
d’entrer dans la ville, <strong>de</strong> s’emparer <strong>de</strong>s grilles et<br />
permettre à la masse <strong>de</strong>s fantassins et <strong>de</strong>s<br />
cavaliers <strong>de</strong> foncer. Quelle défense la<br />
malheureuse garnison locale pourrait-elle<br />
opposer ? Si mes troupes attaquent au cœur <strong>de</strong> la<br />
nuit, pensa le duc, à l’aube la ville sera mienne.<br />
D’autres plans avaient été dressés pour réduire la<br />
résistance <strong>de</strong> la ville. Tous les membres du Petit<br />
Conseil ainsi que les corps <strong>de</strong>s conseillers morts<br />
au combat, <strong>de</strong>vaient être traînés dans les rues<br />
pavées et pendus. Les ministres du culte seraient<br />
brûlés à petit feu et leurs cadavres réduits en<br />
poussière. Les têtes <strong>de</strong>s plus importants d’entre<br />
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