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PETITS RIENS ET GRANDS MOMENTS
Tous ces petits problèmes …
Quelle avalanche de lecture sur le vieillissement ! journaux et magazines rivalisent d’imagination pour nous
faire savoir comment rester en bonne santé physique et mentale. Notre propre séminaire sur le
vieillissement, très réussi, organisé l’été dernier et suivi par la table ronde de GINA sur les personnes âgées
et la santé, a martelé ce message. Hé oui, au cas où vous ne le sauriez pas : nous vieillissons tous.
Je suis parvenu récemment aux quatre fois vingt ans et j’ai dûment reçu les félicitations du conseil
administratif de la ville de Genève. ragaillardi par tous ces bons conseils et ces bons vœux, je me suis
parfaitement adapte aux problèmes de l’âge.
C’est ainsi que j’admets que je ne ferai pas l’ascension de l’Everest. Je ne ferai pas le tour du monde à la
voile en solitaire ; je ne me rendrai pas seul au pôle Sud ; je ne gagnerai pas le Marathon de New York ; je
n’explorerai pas l’Amazone et n’arrêterai pas à moi seul le massacre des forêts tropicales.
Je n’aspire pas à devenir Premier ministre ou Secrétaire général ; ou à mener le combat pour sauver tigres
et baleines de l’extermination ; ou à protéger les montagnes et les océans de la pollution ; ou à écrire des
pièces de théâtre comme Shakespeare ou des livres comme J.K. Rowling.
Si j’ai partagé un jour la vie secrète de Walter Mitty, je reconnais aujourd’hui la futilité de ses rêves ‘‘ Te
casse pas la tête, mec !’’, disent les jeunes.
Mais tous les petits problèmes frustrants, agaçants, exaspérants, irritants, qui me dira comment les
résoudre ?
En voici une première liste.
Je n’arrive pas à lire les petits caractères de la documentation qui accompagne les médicaments ou les
surgelés, les gadgets et autres petits appareils ménagers, les cartes, les formulaire des loueurs de voitures
et les formulaires de toutes sortes. Même avec mes lunettes sur le nez, je n’arrive pas à les lire.
Si je fais tomber quelque chose par terre, je ne le retrouve pas. Quand ma femme laisse tomber la petite vis
de ses boucles d’oreilles, ce qu’elle fait avec une régularité touchante, nous devons nous accroupir
ensemble sur nos articulations grinçantes pour ne rien trouver d’autre que les moutons de poussière sous le
lit. Si vous laisser tomber un cachet, il sera immanquablement de la couleur du plancher ; il tombera sur la
tranche et roulera joyeusement jusqu’à ce que vous le retrouviez enfin, écrasé sous votre talon.
Je ne peux lire les chiffres des téléphones portables et des télécommandes et quand j’y parviens, mes
doigts pressent le mauvais bouton ou bien deux à la fois.
Je me retiens d’acheter des livres que j’ai envie de lire si leurs caractères sont trop petits. J’en choisis un,
moins convoité mais qui en propose de plus grands. Ou encore j’achète allègrement un bouquin dont je
découvre que je l’ai déjà.
Quand je verse du vin, j’en mets régulièrement un peu sur la nappe fraîchement repassée.
Je n’arrive pas à me souvenir des jours de la semaine et souhaite aisément bon week-end un lundi.
Incapable d’atteindre les rayonnages les plus élevés de ma bibliothèque, je grimpe sur une chaise et
assimile cet exploit à l’escalade d’un sérac fragile de la Mer de Glace sans être encordé.
Incapable de me pencher jusqu’au rayonnage le plus bas, je suis obligé de m’agenouiller et mes genoux
protestent pendant des heures contre ce traitement indigne. Et de toute façon, ce que je cherchais ne se
trouvait pas sur ce rayon mais devant mon nez au milieu.
Lorsque ma femme ne peut ouvrir son vernis à ongle, je lui offre galamment de le faire et n’y arrive pas.
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