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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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ASSEMBLEE NATIONALE — i SEANCE DU 26 AOUT 1954 4265Je veux à ce sujet citer ce passage d'un article <strong>de</strong> L'Informationdu 5 août 1954 :« Qui peut douter que, dans les conditions actuelles, unrecul sensible en Tunisie ou au Maroc <strong>de</strong> ce q,u'on est convenud'appeler Ja présence française n'entraîne uu affaiblissementou un effacement semb<strong>la</strong>ble <strong>de</strong> cette présence en Algérie,c'est-à-dire <strong>la</strong>' dislocation en chaîne <strong>de</strong> toute notre puissanced'outre-mer et notre abaissement définitif au rang <strong>de</strong>s nationsgui ne comptent plus guère sur <strong>la</strong> terre ?« Le communisme joue ici son rôle comme partout ailleursdans le mon<strong>de</strong>. Son action se conjugue à celle du pur nationalisme».Cet article est signé <strong>de</strong> notre collègue M. Marcel-EdmondNaegelen.Je peux dire qu'enlever à ce mon<strong>de</strong> arabe l'élément d'ordre,<strong>de</strong> liberté, d'humanité qu'apporte <strong>la</strong> présence européenne,c'est ramener les luttes, les rivalités internes, les guerresciviles et l'anarchie ; c'est créer ie climat idéal pour <strong>la</strong> naissanced'un communisme arabe.U serait intolérable que nos ressortissants en Tunisie ypassent pour <strong>de</strong>s protégés ou même qu'ils fassent l'objet d'unstatut privilégié. Ce qui doit être assuré, c'est leur vie encommun avec les autochtones par <strong>la</strong> part qu'ils prendront al'administration municipale et provinciale dont ils doivent rester<strong>de</strong>s animateurs.Dans le domaine <strong>de</strong> l'économie et <strong>de</strong>s finances, ils doiventparticiper à <strong>la</strong> direction sur un pied d'égalité et <strong>la</strong> Francedoit en gar<strong>de</strong>r le contrôle étroit.La garantie, <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> éventuelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, <strong>de</strong>s droits,<strong>de</strong>s intérêts, <strong>de</strong> <strong>la</strong> dignité <strong>de</strong> tous les non Tunisiens — c'està-direnon seulement les Français, mais les étrangers dontnous <strong>de</strong>vons gar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> charge — doivent faire l'objet <strong>de</strong>conventions parfaitement nettes qui doivent trouver leur sécuritédans le fonctionnement normal du tribunal administratifmixte et <strong>de</strong> ses voies <strong>de</strong> recours.Je ne voudrais pas revenir, <strong>de</strong> peur <strong>de</strong> <strong>la</strong>sser l'Assemblée,sur les précisions que j'ai déjà <strong>de</strong>mandées dans ma précé<strong>de</strong>nteintervention.J'espère que le Gouvernement voudra bien répondre aujourd'hui,notamment en ce qui concerne l'unité <strong>de</strong> <strong>la</strong> défense,<strong>la</strong> sécurité et les re<strong>la</strong>tions internationales dont nous <strong>de</strong>vonsgar<strong>de</strong>r <strong>la</strong> charge exclusive, conformément, ainsi que l'a déc<strong>la</strong>réM. le prési<strong>de</strong>nt du conseil, au traité du Bardo.M. Marcel-Edmond Naegelen. Me permettez-vous <strong>de</strong> vous interrompre,mon cher collègue ?M. Joseph <strong>de</strong> Monsabert. Bien volontiers.M. Marcel-Edmond Naegelen. Je vous remercie d'avoir bienvoulu citer, â cette tribune, un passage d'un <strong>de</strong> mes articles.Je me dois cependant <strong>de</strong> faire remarquer que les phrasesque vous avez citées ont été isolées d'un long article, si longqu'il a dû paraître en <strong>de</strong>ux livraisons du journal ét que j'aiessayé <strong>de</strong> démontrer tout au cours <strong>de</strong> cet article que <strong>la</strong> présencefrançaise, que ce soit en Tunisie, au Maroc ou en Algérie,rie pouvait être maintenue que par une <strong>la</strong>rge et généreusepolitique <strong>de</strong> réformes. (App<strong>la</strong>udissements à gauche.)M. Joseph <strong>de</strong> Monsabert. Je vous remercie, mon cher collègue,et je dois vous dire qu'en ce<strong>la</strong> je partage entièrement, jecrois l'avoir déjà dit, votre manière <strong>de</strong> voir.L'armée d'Afrique, comme <strong>la</strong> mobilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Régence,doivent rester intangibles et nous attendons que le Gouvernementcoupe court, dès maintenant, aux limitation escomptéessur le dispositif <strong>de</strong> nos forces, sur l'emploi <strong>de</strong>s contingentstunisiens ou sur l'effectif du service d'ordre.Dans l'ordre diplomatique, il doit être bien entendu: que <strong>la</strong>France conservera seule le « droit <strong>de</strong> représentation » <strong>de</strong> <strong>la</strong>Tunisie à l'égard <strong>de</strong> l'étranger et qu'elle seule, par conséquent,pourra recevoir ou promouvoir une intervention diplomatiquequelconque à son sujet; que l'O. N. U. <strong>de</strong>vra, par conséquent,rester radicalement incompétente pour traiter éventuellement<strong>de</strong>s problèmes tunisiens, si ce n'est pas <strong>la</strong> France qui les luisoumet ou si elle n'accepte pas <strong>de</strong> les voir discuter; enfin,que les consuls <strong>de</strong>s Etats étrangers ne pourront intervenir, lecas échéant, qu'auprès du rési<strong>de</strong>nt général <strong>de</strong> France sanspossibilité <strong>de</strong> recours direct auprès <strong>de</strong>s autorités tunisiennes.A propos du maintien <strong>de</strong> l'ordre, privilège qui doit être <strong>la</strong>véritable garantie <strong>de</strong> notre présence, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> commentseront organisés le recrutement, l'encadrement, le comman<strong>de</strong>ment<strong>de</strong> <strong>la</strong> police et plus généralement <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> sécurité.Supposons que nous ne disposions pas librement <strong>de</strong> cesforces aujourd'hui et imaginons ce que donnerait <strong>de</strong>main unevague <strong>de</strong> terrorisme dont le feu se répandrait d'autant plusvite que l'autorité interne serait plus accentuée. La conclusiondécoule d'elle-même.On a très justement dit à cette tribune que <strong>la</strong> sécurité d«<strong>la</strong> Tunisie exigeait notre intervention pressante auprès <strong>de</strong>sinfluences extérieures qui s'y font sentir pour le plus granddanger <strong>de</strong> notre présence. Je sais qu'une démarche vientd'être faite auprès du gouvernement égyptien. J'espère que <strong>la</strong>même mesure a été prise vis-à-vis <strong>de</strong> <strong>la</strong> Libye et, au <strong>de</strong>là d'elle,auprès <strong>de</strong> l'Angleterre.Mais rien ne serait fait si nous ne mettions hors d'état <strong>de</strong>nuire nos propres ressortissants européens qui, au nom d'unemystique étrangère, mènent à l'intérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Régence uneaction qui constitue vis-à-vis <strong>de</strong> l'intérêt supérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Franceun; véritable trahison.On comprendra qu'il ne soit pas possible <strong>de</strong> limiter cetteintervention à <strong>la</strong> question tunisienne. Celle du Maroc, pourdifférente qu'elle soit, y est trop liée.repuis dix jours les événements ont pris au Maroc unetournure qui nécessite <strong>de</strong> <strong>la</strong> part du Gouvernement, avant lesvacances <strong>parlementaires</strong>, une déc<strong>la</strong>ration c<strong>la</strong>ire et précise surses intentions.Il semble que, là-bas aussi, on ait tout subordonné à <strong>la</strong>recherche d'interlocuteurs prétendus « va<strong>la</strong>bles », dans l'espoir,contraire à <strong>la</strong> sagesse <strong>de</strong> La Fontaine, <strong>de</strong> satisfaire « toutle mon<strong>de</strong> et son père ».C'est ainsi qu'en pleine crise <strong>de</strong> terrorisme on a cru <strong>de</strong>voirrecourir à <strong>de</strong>s mesures dites d'apaisement. Le résultat nes'est pas fait attendre.Les troubles sang<strong>la</strong>nts <strong>de</strong> Port-Lyautey ont été fomentéspar <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> l'istiq<strong>la</strong>l remis en liberté.Dans <strong>la</strong> médina <strong>de</strong> Fez, un comité révolutionnaire a pris lepouvoir pendant plusieurs jours, frappant monnaie et réquisitionnant; il s'est imposé à une popu<strong>la</strong>tion terrorisée, grâce à<strong>de</strong>s formations paramilitaires agissant sous le signe du croissantrouge, avec l'appui d'équipes féminines et <strong>de</strong> services <strong>de</strong> ravitaillement.Il a fallu l'opération « képi b<strong>la</strong>nc » avec <strong>de</strong>s légionnairespour que tout rentre dans l'ordre, que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Fez,respirant enfin, puisse rouvrir ses boutiques et que les oulémasprisonniers puissent aller à Rabat libérer leur conscience.Est-ce donc parmi l'istiq<strong>la</strong>l et ceux <strong>de</strong>s nationalistes quiont partie liée avec lui que nous chercherons <strong>de</strong>s interlocuteurssous prétexte qu'ils sont les tenants <strong>de</strong> l'ancien sultan ?Qui n.î voit que l'éternel drame <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux Marocs, celui dubled et celui <strong>de</strong>s villes, s'est réveillé dès que sont apparus lessignes <strong>de</strong> notre faiblesse ? Notre force et <strong>la</strong> continuité <strong>de</strong> notrepolitique sont pourtant les seuls gages <strong>de</strong> l'unité <strong>de</strong> l'empire.Le bled Es Siba, le pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> dissi<strong>de</strong>nce que nous voulonsramener sous l'autorité du Maghzen, ne compte en réalité quesur nous pour Je maintien d'une justice dont il a le sentimentet le besoin.Mohammed ben Youssef a été chassé par l'élément le plusnombreux. Je plus dynamique <strong>de</strong> son peuple, celui où se recrutenteu majorité nos régiments <strong>de</strong> tirailleurs et nos goums,celui à qui nous sommes re<strong>de</strong>vables <strong>de</strong> tant <strong>de</strong> gloire cueilliesous nos drapeaux. (App<strong>la</strong>udissements à l'extrême droite.)Si Mohammed Mou <strong>la</strong> y ben Arafa n'a pas été élu d'une façondifférente <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> son prédécesseur ni <strong>de</strong>s trois sultansqui l'ont précédé, si on a pu penser un moment qu'entre <strong>la</strong>valeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> constante berbère et l'exaltation <strong>de</strong> l'intellectuel<strong>de</strong>s villes, entre nos fidèles amis et lovaux serviteurs, d'unepart, et les séi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l'étranger à <strong>la</strong> sol<strong>de</strong> du Caire, <strong>de</strong> Tangerou <strong>de</strong> Moscou, <strong>de</strong> l'autre, nous pourrions jeter un pont en obtenant.<strong>la</strong> démission <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux sultans et en <strong>la</strong>issant le choix plusou moins libre d'un autre souverain aux seuls Oulémas — cequi, entre parenthèses, est contraire à toutes les coutumes —force nous est aujourd'hui <strong>de</strong> reconnaître que notre prestigeet notre autorité autant que l'intérêt du Maroc exigent quenous ne connaissions d'autre empereur que Sa Majesté SidiMohammed ben Arafa.Le retour <strong>de</strong> l'ancien sultan ou d'un <strong>de</strong> ses fils mettrait lefeu aux poudres et déclencherait <strong>la</strong> guerre civile au Maroc.(ï'rès bien! très bien! sur certains bancs à gauche.)Le premier interlocuteur va<strong>la</strong>ble, c'est le sultan actuel. Ilfaut le proc<strong>la</strong>mer bien haut. C'est avec lui que nous <strong>de</strong>vonspoursuivre l'établissement <strong>de</strong>s réformes qui doivent lui assurer<strong>la</strong> souveraineté interne dans son empire. L'opération Bourguibaserait, au Maroc, une erreur irréparable.Va-t-on dire, là encore, qu'il n'existe que <strong>de</strong>ux partis organisés,l'istiq<strong>la</strong>l et les nationalistes qui s'en servent ? S'il n'y "ena pas d'autres à nos yeux, c'est que nous voulons ignorer* nosamis. Que faisons-nous, d'ailleurs, pour soutenir l'autorité <strong>de</strong>ceux présents et à venir qui sont les meilleurs garants <strong>de</strong> notremaintien ?Autour <strong>de</strong> Ja table <strong>de</strong>s pourparlers, il y a <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce pourtous les Marocains <strong>de</strong> bonne foi, nationalistes compris, maispas pour ceux qui obéissent aux consignes <strong>de</strong> l'étranger etn'ont d'autre but que <strong>de</strong> nous chasser du Maroc.

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