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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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appartenez, tantôt comme le liquidateur d'un passif qui n'estpas le sien, tantôt comme le continuateur surpris que lespères ne veuillent pas reconnaître leurs lils entre ses bras.A dire vrai, vous êtes un peu les <strong>de</strong>ux. Je ne cherche pasft provoquer vos confi<strong>de</strong>nces, monsieur le ministre, mais j'ail'impression, après Genève, après lunis, après Bruxelles etLondres, que M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil, quand il est arrivé auGouvernement, était muni <strong>de</strong> <strong>la</strong> panoplie complète' <strong>de</strong>s solutionsbrevetées pour tous nos problèmes nationaux.' La Tunisie n'a pas eu <strong>de</strong> chance. Elle était c<strong>la</strong>ssée dans lepassif à liqui<strong>de</strong>r d'urgence sans considération <strong>de</strong> prix.Vous, monsieur le ministre, qui avez été un si luci<strong>de</strong> critique<strong>de</strong> <strong>la</strong> politique nord-africaine <strong>de</strong>s anciens gouvernements,pouvez-vous avoir <strong>la</strong> moindre illusion sur le fait quel'inspiration <strong>de</strong> votre solution est i<strong>de</strong>ntique et que <strong>la</strong> seuledifférence, c'est <strong>la</strong> ca<strong>de</strong>nce que vous avez mise à <strong>la</strong> liquidation<strong>de</strong> notre protectorat ?Vos prédécesseurs, eux, ne lâchaient que pas à pas, s'efforçaient<strong>de</strong> sauver l'essentiel <strong>de</strong> notre position dans <strong>la</strong> liégence,sans grands résultats pour <strong>la</strong> paix publique, je vous l'accor<strong>de</strong>.Mais vous, les jeunes, avec votre énergie, peut-être auriezvousmieux réussi. Il aurait pu êlre tentant pour vous — carvous n'êtes pas par <strong>de</strong>stination <strong>de</strong>s hommes capables <strong>de</strong> capituler<strong>de</strong>vant quelques dizaines <strong>de</strong> tueurs à gages et un millier<strong>de</strong> coupeurs <strong>de</strong> routes — <strong>de</strong> tenter l'expérience.Or, avec énergie et non sans l'apparat <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s journées,M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil a tout lâché à sa première date disponible.Voici donc notre protectorat jeté bas et. à Tunis, le pouvoirc'est-à-dire le pavs, remis aux plus constants ennemis <strong>de</strong> <strong>la</strong>France.Le plus étonnant dans cette affaire, c'est que vous ne paraissezpas avoir négocié ce double abandon.Nous avons eu vent <strong>de</strong> quelques contacts par personne interposée.discrets, avec un nouveau châte<strong>la</strong>in.Pourtant, nous cherchons <strong>la</strong> contrepartie, car si nous voyonsce que Bourguiba reçoit, nous n'apercevons à notre bénéficeque son- consentement à négocier les conventions précaires etrévocables que vous allez substituer au protectorat.Mais vous recherchiez un choc psychologique et vous necélez par votre admiration pour <strong>la</strong> politique britannique.Or, nos intérêts stratégiques en Afrique du Nord n: sont pasmoindres que ceux cle l'Angleterre dans le Proche-Orient. Lesnôtres sont mêmes supérieurs car il s'y attache d'autres intérêtsvitaux. L'Angleterre, pourtant, s'accroche à Chypre désespérément,malgré <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion grecque <strong>de</strong> celle,île cle rentrer dans <strong>la</strong> communauté hellène. Ce<strong>la</strong> ne vous a pointservi d'exemple.Au même moment, l'Angleterre s'apprête à quitter Suezparce que, en 1936 elle avait signé un traité déjà uni<strong>la</strong>téralement,dénoncé par l'Egypte, traité qui expire en 1956, c'est-à-direune convention "comme celle que vous envisagez avec<strong>la</strong> régence. Ce<strong>la</strong> ne vous a donc pas servi <strong>de</strong> leçon ?Si vous doutiez par hasard, monsieur le ministre, <strong>de</strong> <strong>la</strong>portée du don consenti par vous le 31 juillet, je vous citeraisl'avis d'un témoin que vous ne sauriez récuser puisque cletoutes ses forces il a poussé à votre roue. M. <strong>de</strong> Montéty écrivait<strong>de</strong>rnièrement dans Le Mon<strong>de</strong>: « Nous ne <strong>de</strong>vons pas nousdissimuler que les Tunisiens ten<strong>de</strong>nt à une <strong>la</strong>rge indépendanceet que l'autonomie interne dont ils jouiront <strong>de</strong>main leurïera accomplir un immense bond vers cette fin, qu'ils pourront,atteindre à petit pas et à loisir. »Nous pouvons compter sur le Néo-Destour, n'est-il pas vrai,pour qu'ils aillent à pas <strong>de</strong> géant!Depuis Cambon, le protectorat- était fondé sur l'idée d'association.Vous n'avez rien inventé. Cette idée s'était concrétiséed'abord par une simple administration mixte, puis par l'association<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux souverainetés et elle tendait enfin à l'association<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux peuples, non sans vicissitu<strong>de</strong>s, je le reconnais.Mais, ou cette association finissait par s'établir, ou c'étaitl'éviction progressive cle <strong>la</strong>. France.Ce combat méritait tout <strong>de</strong> même d'être mené. Vous avezpréféré l'abandon, en faisant <strong>de</strong>s Français qui y vivent <strong>de</strong>sétrangers, La proc<strong>la</strong>mation solennelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> souveraineté <strong>de</strong><strong>la</strong> Tunisie les écarte <strong>de</strong>s affaires et cle <strong>la</strong> fonction publiques et'<strong>la</strong> garantie <strong>de</strong> leur activité et <strong>de</strong> leurs biens ne leur <strong>la</strong>isseque <strong>de</strong>s préoccupations lucratives.Vous les réformateurs, vous les hommes <strong>de</strong> progrès, vousrestaurez <strong>la</strong> pire <strong>de</strong>s psvchologies coloniales qui était justementen voie <strong>de</strong> s'éteindre.La Tunisie a ses élites, bril<strong>la</strong>ntes, certes, mais elle est faitesurtout <strong>de</strong> ses masses misérables. De vos propres mains, vousy opérez une révolution politique qui pousse à notre expulsion.C'était une révolution économique et sociale, je le dirai sanscesse, qu'il fal<strong>la</strong>it faire, et j'avais souhaité que <strong>la</strong> France en eûtle bénéfice!Le régime foncier cle <strong>la</strong> régence est archaïque. Comme lepaysan <strong>de</strong> Chine et d'Indochine, le fel<strong>la</strong>h tunisien travaillepour l'usurier. Notre contrôle le garantissait au moins contre lemandarin. 11 retombe entre ses mains. Mais, au XX e siècle,l'Is<strong>la</strong>m est moins résigné qu'autrefois.Craignons un jour, en Afrique, le même dénouement qu'enAsie !Vous n'avez môme pas tenté <strong>de</strong> vous attaquer à ce grandproblème humain. C'était pourtant échapper au cercle infernal<strong>de</strong>s discussions sur le concept <strong>de</strong> <strong>la</strong> souveraineté, à ces querelles<strong>de</strong> théologiens où vous vous êtes <strong>la</strong>issés enfermer par lesbourgeois nantis du Néo-Destour. C'est à eux, monsieur leministre, que vous avez remis le gouvernement, que vous avezconfié les masses.Je ne voudrais pas vous gêner, mais enfin, il y a <strong>de</strong>ux ans,vous en étiez préoccupé comme moi <strong>de</strong> ces masses.Alors qu'à l'époque les compagnons cle Bourguiba n'osaientpas encore invoquer les crimes du terrorisme comme un titreau pouvoir, vous disiez:« Je suis convaincu, quant à moi, que le Néo-Destour est unmouvement calqué sur les mouvements fasciste et hitlérien.Son arrivée au pouvoir voudrait peut-être dire l'indépendance<strong>de</strong> <strong>la</strong> Tunisie » — vous l'aviez donc prévu — « mais uneindépendance semb<strong>la</strong>ble à celle <strong>de</strong> ces petites féodalités d'unMoyen-Age barbare. »« Je crois, poursuiviez-vous, que l'arrivée du Néo-Destour aupouvoir en Tunisie voudrait dire ce<strong>la</strong>. »Et vous concluiez: « Mais je crois également que ce<strong>la</strong> signifieraitseulement <strong>la</strong> mort cle <strong>la</strong> démocratie. »Monsieur le ministre, c'est entendu, <strong>la</strong> Constitution nous faitobligation <strong>de</strong> conduire les peuples dont nous avons <strong>la</strong> charge,que nous ne pouvons donc pas abandonner, à gérer démocratiquementleurs propres affaires. « Démocratiquement », c'estlà ia condition. Qu'en avez-vous fait ?. Déjà, le peuple tunisien, menacé jusqu'à présent par <strong>la</strong> terreur,est pris en main. Le général <strong>de</strong> La Tour a été follementacc<strong>la</strong>mé dans les villes et les vil<strong>la</strong>ges du Sahel, et le Gouvernementen était assez fier.C'était le sou<strong>la</strong>gement qui s'exprimait et peut-être plus <strong>de</strong>fidélité qu'on ne pense. Mais, pour accueillir et haranguer lerési<strong>de</strong>nt général, c'était le chef <strong>de</strong> <strong>la</strong> cellule néo-<strong>de</strong>stouriennequi s'imposait.Dans <strong>la</strong> meilleure hypothèse, ie Néo-Destour <strong>de</strong>viendra, avecl'usage du pouvoir, semb<strong>la</strong>ble au parti wafd. Or, c'est le wafdqui a chassé d'Egypte l'Angleterre, vous le savez.Vous avez souvent reproché, monsieur le prési<strong>de</strong>nt du conseil,tout le premier, à vos prédécesseurs, comme <strong>de</strong>s mensonges,"ce qui, parfois, n'était que <strong>de</strong>s erreurs d'appréciation etd information.Eh bien ! vous avez commis cet après-midi, monsieur leministre, M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil avait commis <strong>de</strong>rnièrement,disons une erreur. 11 nous a affirmé et vous nous avezdit cet après-midi que le ministère <strong>de</strong> M. Taliar ben Amar —vous nous avez même donné les étiquettes <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>sministres — était représentatif <strong>de</strong> plusieurs tendances.Eh bien! c'est faux, monsieur le ministre. Sur les neufnouveaux ministres tunisiens, un seul peut être considérécomme un indépendant, encore qu'il ait sollicité l'assentiment<strong>de</strong> Bourguiba avant d'accepter un portefeuille, et ce n'estqu un ancien fonctionnaire. Lorsque je dis que c'est un ancienfonctionnaire, ce<strong>la</strong> n'est pas péjoratif, je veux montrer par làle personnage, sa docilité.Il est donc allé chercher son investiture chez Bourguiba.Il s'agit <strong>de</strong> M. Naceur ben Saïd.Tous les autres, quoi qu'on en dise, et M. Tahar ben Amar<strong>de</strong> surcroît, qui, en 1921, au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> création du Destour— il n'y avait pas encore <strong>de</strong> Néo-Destour — était l'un <strong>de</strong>scompagnons les plus assidus, les plus fidèles du chîilc Talbi,sont cle longue date affiliés soit directement au Néo-Destour,soit au front national tunisien, animé par ce parti.Monsieur le ministre, si vous en doutez, je tiens mes renseignementsà votre disposition.Je ne veux pas importuner l'Assemblée par <strong>de</strong> longuesindications sur <strong>de</strong>s personnages qui, somme toute, sont peutêtreutiles à Bourguiba...M. Saïd Mohamed Cheikh. Ou amis <strong>de</strong> <strong>la</strong> France!M. François Quilici. ... mais je vous garantis le sérieux <strong>de</strong>mes renseignements.En vérité, il faudrait savoir qui détermine et concoit <strong>la</strong> politique<strong>de</strong> <strong>la</strong> France en Tunisie. *Et j'en viens enfin à <strong>de</strong>s ingérences étrangères d'un ordreparticulier, à <strong>de</strong>s immixtions sous pavillon idéologique.Le comité international du congrès <strong>de</strong>s peuples dépendantsest présidé par un membre <strong>de</strong> <strong>la</strong>" Chambre <strong>de</strong>s Communes etcomprend notamment 63 députés britanniques.

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