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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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Le seul qui ait employé cette expression — ou une expression' équivalente — est" S'tdi-Lainine Bey lui-même, lorsque,installé à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> Moncef Bey, en mai 1913, il a évoqué« <strong>la</strong> souveraineté indivisible » <strong>de</strong> <strong>la</strong> France et <strong>de</strong> <strong>la</strong> dynastiehusseiriite.Je ne me charge pas — ne fût-ce que par discrétion — <strong>de</strong>résoudre <strong>la</strong> question <strong>de</strong> savoir si son discours était <strong>de</strong> soncru ou s'il était l'œuvre <strong>de</strong> celui qui l'instal<strong>la</strong>it. En tout cas,jamais <strong>la</strong>. France n'a tenu ce <strong>la</strong>ngage. Seul, le Bey lui-mêmel'a tenu.Mesdames, messieurs, ce n'est pas là une simple querellejuridique dont je m'excuserais. Je considère que les constructionsjuridiques doivent être utiles. Vous savez bien que lejuriste, lorsqu'il se trouve <strong>de</strong>vant un certain nombre <strong>de</strong> faitsque ne relie aucune apparence <strong>de</strong> doctrine ou <strong>de</strong> théorie, n'hésitepas à créer <strong>la</strong> théorie nécessaire pour expliquer les faits.C'est d'ailleurs parfaitement normal. Encore faut-il que ce<strong>la</strong>soit nécessaire.Cette idée est venue à certains juristes, en ce qui concerne <strong>la</strong>cosouveraineté, pour <strong>de</strong>ux raisons.Il a fallu expliquer <strong>la</strong> présence en Afrique du Nord <strong>de</strong>s tribunauxfrançais qui ren<strong>de</strong>nt <strong>la</strong> justice, dans certaines conditionset pour certains ressortissants.Il a fallu expliquer aussi <strong>la</strong> possibilité pour le rési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>prendre certains arrêtés qui ont force <strong>de</strong> loi.Il suffit d'ouvrir le traité c<strong>la</strong>ssique <strong>de</strong> légis<strong>la</strong>tion coloniale dudoyen Giraud, qui fait autorité — ce traité a d'ailleurs étéremis à jour par un autre doyen, M. Milliot, qui a été directeur<strong>de</strong>s affaires indigènes au gouvernement général <strong>de</strong> l'Algérie;c'est dire qu'il est <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus stricte orthodoxie — pour constaterque nos tribunaux sont tout simplement <strong>la</strong> continuation<strong>de</strong>s juridictions consu<strong>la</strong>ires qui existaient en pays <strong>de</strong> capitu<strong>la</strong>tion'.etque si leur compétence s'est étendue à d'autres ressortissantsque les Français ou les protégés français, c'est en vertu<strong>de</strong> traités explicites avec certaines puissances étrangères.Quant à l'autorité du rési<strong>de</strong>nt, rappelons simplement que sesarrêtés ne sont applicables qu'aux seules matières qui concernentles Français et que, là aussi, il exerce, toujours d'après <strong>la</strong>même doctrine, un droit <strong>de</strong> réglementation qu'il ne tient pas<strong>de</strong> s'a qualité <strong>de</strong> dépositaire <strong>de</strong>s pouvoirs <strong>de</strong> <strong>la</strong> Républiquefrançaise, mais <strong>de</strong> l'héritage <strong>de</strong>s consuls, chefs <strong>de</strong> <strong>la</strong> nationfrançaise en pays <strong>de</strong> capitu<strong>la</strong>tion.Cette doctrine pouvait être simplement inutile. Je rappelled'ailleurs, en passant, car le fait n'est pas sans intérêt, ques'il est vrai que les tribunaux français ont été institués par uneloi française <strong>de</strong> 1883, votée par les assemblées françaises, cetteloi — ce qui est une soli<strong>de</strong> confirmation <strong>de</strong> <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> <strong>la</strong>seule souveraineté du bey — a été promulguée en Tunisie pardécret bevlical.Si cette îhéorie était seulement inutile, je ne me serais paspermis <strong>de</strong> revenir sur une question où l'on m'a reproché d'apporterun scrupule juridique excessif. Mais cette théorie n'estpas seulement inutile; elle est, à mon avis, gravement dangereuse.Pourquoi ? Parce qu'elle est à <strong>la</strong> base <strong>de</strong> cette prétention que.nous avons eue d'exercei en Tunisie une administration directepar <strong>la</strong>quelle nous avons étouffé ie développement progressif<strong>de</strong>s institutions locales et aussi parce qu'elle est à <strong>la</strong> base <strong>de</strong><strong>la</strong> prétention à <strong>de</strong>s droits politiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française,prétention qui n'aurait jamais pu êlre formulée si l'on n'avaitpas é<strong>la</strong>boré cette théorie singulière d'une souveraineté divisée.Enfin — et c'est peut-être l'aspect sous lequel ce<strong>la</strong> est <strong>de</strong>venuplus dangereux — cette cosouveraineté prétendue — oh! prétendued'une façon très vague; vous vous souvenez <strong>de</strong> <strong>la</strong> lettredu 15 décembre à <strong>la</strong>quelle on donna cette interprétation — estprécisément ce qui nous a créé vis-à-vis <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions autoch-.tones les pires difficultés et qui a creusé le fossé entre elleset nous.Voilà donc nos droits.En tendant vers quelles réalisations <strong>de</strong>vons-nous agir ? End'autres termes, quel doit être le but <strong>de</strong> notre politique ?Par définition, le protectorat est une sorte <strong>de</strong> tutelle — d'autresdiront que c'est une. curatelle — qui pouvait préparer sansdoute une annexion. Je pense que certains <strong>de</strong> ceux qui ontratifié le traité du Bardo — non pas tous — en avaient quelquepeu l'espoir.En fait, ce protectorat <strong>de</strong>vait et doit actuellement conduired'une façon indiscutable à <strong>la</strong> reconnaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> majorité dupupille qui nous a été un moment confié.A <strong>la</strong> vérité, il suffit d'interroger notre passé, ou plus mo<strong>de</strong>stement<strong>la</strong> Constitution que nous avons votée: aux territoiresd'outre-mer qui n'ont pas <strong>la</strong> souveraineté, nous avons promis<strong>de</strong> les conduire à <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> s'administrer eux-mêmes et <strong>de</strong>gérer démocratiquement leurs intérêts.Comment pourrions-nous refuser le même droit à <strong>de</strong>s Etatssouverains, qui sont simplement dans <strong>la</strong> mouvance françaisepar le jeu <strong>de</strong> traités <strong>de</strong> protectorat ?Les heures difficiles <strong>de</strong>vaient venir inévitablement. Elles viennenttoujours, et ce serait illusion <strong>de</strong> croire qu'elles peuventne pas venir. J'en appelle aux éducateurs, ou plus simplementaux pères <strong>de</strong> famille: il est toujours une heure où l'on s'aperçoitque ses fils ont grandi.C'est ce qui nous est arrivé en Tunisie et qui nous arriveen ce moment au Maroc. 1920 a vu l'apparition du Destour,1934 celle du Néo-Destour, les <strong>de</strong>ux réc<strong>la</strong>mant un régime constitutionnel,une assemblée élue à pouvoirs budgétaires. Enréalité, <strong>la</strong> différence entre les <strong>de</strong>ux mouvements est celle quiexiste entre les jeunes et les vieux, enlre <strong>de</strong>s gens dont <strong>la</strong>conception du pouvoir est plus théocratique —"c'est le casdu vieux Destour, dont le recrutement était d'ailleurs plusbourgeois — et <strong>la</strong> jeune génération qui n'a pas tout à fait lesmêmes idées ou, si vous préférez, les mêmes préjugés, qui estdavantage orientée vers une certaine <strong>la</strong>ïcité <strong>de</strong> l'Etat et qui,surtout, est plus instruite que <strong>la</strong> génération précé<strong>de</strong>nte, quireprésente l'intelligentsia au lieu <strong>de</strong> représenter simplement <strong>la</strong>fortune.Mais <strong>de</strong> quoi nous p<strong>la</strong>ignons-nous ? Cette évolution est notreœuvre.L'instruction que nous, avons apportée à ces peuples, le développementéconomique qui a créé un prolétariat ayant volonté<strong>de</strong> s'organiser et s'est, en partie, organisé sur le "terrain syndical,cet éveil <strong>de</strong> <strong>la</strong> conscience nationale, c'est tout ce<strong>la</strong> qui està l'origine <strong>de</strong> difficultés qui sont <strong>la</strong> conséquence même <strong>de</strong>noire action et dont il est difficile <strong>de</strong> comprendre qu'on ne s'y.soit pas attendu.A vrai dire, il est arrivé que certains aient compris. Ainsi, le2 février 1922, dans cotte enceinte, était déposé une proposition,<strong>de</strong> résolution dont je crois <strong>de</strong>voir rappeler les termes, car ilsmontrent combien sont liés les problèmes que nous tentonsaujourd'hui <strong>de</strong> résoudre.« Le Gouvernement est invité à prendre les mesures nécessairespour qu'il soit sursis à l'émission <strong>de</strong> l'emprunt tunisienjusqu'au jour où le Gouvernement français, d'accordavec le bey <strong>de</strong> Tunis, souverain régnant, accor<strong>de</strong>ra au peupletunisien une charte institutionnelle basée sur le principe <strong>de</strong><strong>la</strong> séparation <strong>de</strong>s pouvoirs, avec une assemblée délibéranteélue au suffrage universel, à compétence budgétaire étendue,et <strong>de</strong>vant <strong>la</strong>quelle le gouvernement local sera responsable <strong>de</strong>sa gestion sans que cette responsabilité puisse excé<strong>de</strong>r leslimites <strong>de</strong>s questions d'intérêt purement local. »Quels étaient donc ces révolutionnaires d'extrême gauche quiapportaient ainsi cette motion singulière ? Je ne citerai quequelques noms. Dans cette liste figurent mon ami le pasteurSoulié, le colonel Girod, M. Painlevé, le colonel Picot, M. Maurice<strong>de</strong> Rotschild, M. Joseph Barthélémy, M. Bénazet, M. PaulEscudier, M. Gounouilhou et M. Maurice barrés. Singuliers révolutionnairessans doute, mais hommes qui, ayant ie sens national,avaient <strong>la</strong> vision <strong>de</strong> l'avenir et dont les yeux n'étaient,ipas uniquement fixés sur le présent !Nous sommes en train <strong>de</strong> courir pour rattrapper ces révolutionnairesqui n'ont point réussi.Le risque qui se présente à nous est le suivant : il est <strong>de</strong>sréformes qui auraient gagné à êke faites progressivement,étape par étape; pour avoir trop longtemps hésité, nous voilàobligés — et il ne peut pas en être autrement — <strong>de</strong> 'brûlerles étapes et <strong>de</strong> réaliser dans un dé<strong>la</strong>i plus rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s réformesqui eussent pu être progressives.Encore faut-il définir les buts à atteindre. Ce<strong>la</strong> exige d'abordune affirmation. Je l'ai déjà entendu faire à cette tribune etje suis heureux que, sur ce point, nous soyons d'accord dansune certaine mesure: il n'y a que <strong>de</strong>ux interlocuteurs dans ledialogue, <strong>la</strong> France et <strong>la</strong> Tunisie. Il n'y en a pas d'autre.Ce<strong>la</strong> signifie tout d'abord que nous ne saurions reconnaîtreen aucune mesure, sous aucun prétexte, par aucune habileté,l'interférence <strong>de</strong>s prétentions <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ligue arabe et pas davantageles prétentions <strong>de</strong> nos amis et alliés, qui sont nos amis etalliés mais qui, en aucune manière, ne peuvent déterminernotre politique. (App<strong>la</strong>udissements au centre el sur diversbancs.)J'ajoute — et là-<strong>de</strong>ssus l'accord sera moins entier, alorsqu'il <strong>de</strong>vrait, à mon avis, exister également, car c'est le bonsens même : il n'y a d'interlocuteurs que <strong>la</strong> Tunisie et <strong>la</strong>France, <strong>la</strong> France, et non pas les Français habitant <strong>la</strong> Tunisiequi ont droit à notre protection, à notre garantie, à notre appui,mais qui ne sont pas les interlocuteurs d'un Gouvernementétranger et qui ne sauraient l'être.Le but à rechercher entre nous et <strong>la</strong> Tunisie est d'abord —je pense que les Tunisiens eux-mêmes ne s'en indignerontpas tant ce<strong>la</strong> me paraît évi<strong>de</strong>nt — <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> absolue <strong>de</strong>s

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