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JOURNAL OFFICIEL - Débats parlementaires de la 4e République

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compréhension humaine et, surtout et toujours, <strong>de</strong> bonne foi,c'est-à-dire une attitu<strong>de</strong> d'esprit qui fait que, n'acceptant pasque l'on vous suppose à vous-même <strong>de</strong>s intentions déloyaleset obliques, il vous est interdit <strong>de</strong> les prêter, <strong>de</strong> votre côté,à votre interlocuteur.Pas <strong>de</strong> racisme, d'abord. Oh! je sais, on nous dira que leFrançais n'est pas raciste. Je veux bien le croire, mais jedisais un jour a un <strong>de</strong> mes amis les plus éminents, que, <strong>de</strong>même que certains <strong>de</strong> mes compatriotes qui considéreraientcomme une grave et profon<strong>de</strong> injure d'être traités d'antisémitesont l'épi<strong>de</strong>rme quelque peu antisémite, <strong>de</strong> même ilpeut arriver que certains Français, le plus souvent certainsnaturalisés, et plus souvent encore ceux qui ne sont pas auxéchelons les plus évolués ie l'échelle sociale, aient l'épi<strong>de</strong>rmeantimusulman. (Très bien! très bien! à gauche et à droite.}M. ASlred Coste-Floret et M. Mostefa Benbhareicd. Très bien !M. Jacques Fonlupt-Esperaber. Il faut que nous soyons surce point très nets. Je ne parle pas <strong>de</strong>s musulmans d'Algériequi sont nos compatriotes, nos concitoyens et qui, avec nous,déterminent le <strong>de</strong>stin <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation, mais <strong>de</strong> nos amis tunisienset marocains. Je ne trouve ni dans mon passé, ni dans maformation, ni dans ma culture aucun motif <strong>de</strong> prétendre àje ne sais quelle supériorité générale sur tous ceux dont l'originen'est pas <strong>la</strong> même que <strong>la</strong> mienne. (App<strong>la</strong>udissements aucentre et à gauche.)Pas <strong>de</strong> confusion non plus entre tel individu français et <strong>la</strong>France. l T n magistrat tunisien — it y en a beaucoup d'excellents,celui-ci est parmi les meilleurs — me disait qu'il luifut reproché un jour <strong>de</strong> condamner un Français car, luidisait-on, eri condamnant un Français, vous manquez à <strong>la</strong>France !Lorsque <strong>la</strong> justice frappe, elle ne le fait pas en jugeant"d'après <strong>la</strong> couleur <strong>de</strong> <strong>la</strong> peau, ou d'après <strong>la</strong> race, ou d'aprèsl'origine: elle frappe d'après <strong>de</strong>s principes abstraits qui sontles mêmes pour tous et qjui doivent s'appliquer au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>smer aux Français comme aux autres. (App<strong>la</strong>udissements surles mêmes bancs.)La même justice pour tous, ce<strong>la</strong> implique, et je voudrais*iue tout le inon<strong>de</strong> me comprit, que les poursuites ne soientpas à sens unique.Je ne dirai pas dans cette enceinte tout ce que je sais, maisj'entends au moins avoir dit que les auteurs <strong>de</strong> crimes doiventêtre recherchés, poursuivis et condamnés, que leurs victimessoient <strong>de</strong> nos amis ou qu'elles soient <strong>de</strong> ceux dont nous prétendonsqu'ils sont nos adversaires.Je voudrais aussi que ce que <strong>la</strong> justice fait assez naturellement,nous finissions par obtenir <strong>de</strong>s organes <strong>de</strong> police qu'ilsle comprennent, c'est-à-dire qu'on n'ait pas moins <strong>de</strong> zèlepour découvrir celui qui a tué... — j'al<strong>la</strong>is citer un nom —un musulman qui est considéré comme nous ayant été hostile,ou celui qui a tué un musulman qui est considéré commeayant été docile et serviable.J'ai un profond respect pour <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> partie, pour<strong>la</strong> quasi-totalité <strong>de</strong>s magistrats français <strong>de</strong> Tunisie dont unavocat musulman qui est très au <strong>de</strong>là du Destour me disaitun jour; « Lorsque je sors <strong>de</strong> l'audience et que j'ai perdu m uniprocès, je suis sûr que j'avais tort ». J'ai été avocat, d'autresl'ont été, je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> s'il nous est arrivé souvent en sortant<strong>de</strong> l'audience ayant perdu un procès <strong>de</strong> penser que c'étaitle juge qui avait raison et non pas nous. On comprendrapeut-être, et un membre au moins <strong>de</strong> cette Assemblée mecomprendra certainement, que lorsque ces magistrats respectables,estimables et droits, quelle que soit leur appartenancepolitique — et d'ailleurs, dans leurs fonctions, les magistratsne sauraient être d'aucun parti — alertent Paris, lorsqu'ils indiquentcertaines défail<strong>la</strong>nces <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> police, je voudraisque ces communications, que ces avertissements graves nesoient pas jetés aux oubliettes et que <strong>de</strong>s enquêtes soientfaites pour voir c<strong>la</strong>ir.Dans tous ces problèmes, le <strong>de</strong>voir fondamental pour chacun'<strong>de</strong> nous est <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> voir c<strong>la</strong>ir. Les ehoses ne sont pasvraies ou fausses selon qu'elles sont dites par un ami ou parun adversaire. Elles sont vraies ou fausses en elles-mêmes.Par conséquent, il faut essayer <strong>de</strong> les voir telles qu'elles sontet essayer, dans <strong>la</strong> mesure <strong>de</strong> nos moyens humains, <strong>de</strong> les.voir sans passion.On vous a dit, monsieur le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaineset tunisiennes — et on faisait, évi<strong>de</strong>mment, le même reprocheà M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil — : vous traitez avec <strong>de</strong>s assassinset vous compromettez les intérêts français.Traiter avec <strong>de</strong>s assassins, c'est une façon <strong>de</strong> parler. Ce<strong>la</strong>vent dire, je pense, traiter alors qu'en Tunisie notammentnous sommes en présence <strong>de</strong> difficultés graves et que <strong>de</strong>sassassinats sont commis.C'est une allusion aux fel<strong>la</strong>ghas. Sur ce point, posons tout<strong>de</strong> suite le problème. Les crimes ne sont jamais excusables.La répression est nécessaire ; elle doit être égale et ferme,elle peut être dure. Et l'emploi <strong>de</strong> <strong>la</strong> force, lorsque <strong>la</strong> répressionne suffit pas — je ne parle pas <strong>de</strong>s représailles —l'emploi <strong>de</strong> <strong>la</strong> force militaire, dans certains cas qui touchent'à <strong>la</strong> <strong>de</strong>mi-émeute ou à l'émeute, me paraît indiscutablementlégitime.Encore faut-il savoir ce qu'est <strong>la</strong> vérité sur l'affaire <strong>de</strong>sfel<strong>la</strong>ghas. J'ai <strong>de</strong> nombreux amis musulmans tunisiens, commej'ai <strong>de</strong> nombreux amis français tunisiens. J'ai aussi — je m'enexcuse s'il convient — dans les milieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> haute administration,soit civile, soit militaire, quelques re<strong>la</strong>tions précieuses,avec <strong>de</strong>s hommes pour lesquels, d'ailleurs, j'ai du respect etmême parfois — sentiment plus rare — <strong>de</strong> l'admiration.Je n'ai pas voulu interroger les musulmans, je n'ai mêmepas voulu interroger mes amis français. J'ai interrogé les fonctionnaires,un très haut fonctionnaire civil et — il n'est pasgénéral — un haut fonctionnaire militaire.La réponse a été <strong>la</strong> même dans les <strong>de</strong>ux cas. Les fel<strong>la</strong>ghas,c'est — tout le mon<strong>de</strong> le sait, même sans avoir à chercher unrenseignement à l'extérieur — un mal endémique en Tunisie.Seulement ce mat s'est incontestablement développé et progressivementà l'attentat individuel s'est substitué l'attentatpar <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s.Les fel<strong>la</strong>ghas restent <strong>de</strong>s bandits. Il est probable qu'à eux semêlent certains éléments qui ne ie sont pas, et qui viennentparfois <strong>de</strong> l'étranger, mais les hommes que j'ai interrogés, lehaut fonctionnaire civil comme l'officier, m'ont fait 1 un etl'autre <strong>la</strong> même réponse : « Les fel<strong>la</strong>ghas ne sont pas commandéspar le Néo-Destour. »Si leur action s'est développée — mesdames, messieurs, souvenons-nous,ce<strong>la</strong> n'est pas tellement lointain — c'est pareequ'ils ont trouvé <strong>la</strong> sympathie <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, non pas poureux-mêmes, mais par hostilité pour certain régime dont je doisdire ici qu'il fut souvent dur et injuste.Souvenez-vous <strong>de</strong>" l'époque où, <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière <strong>la</strong> plus honorabledu mon<strong>de</strong>, et pour les motifs les plus respectables et tesplus sacrés, nous étions au <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> légalité. Qu'a lirionsnousété si nous n'avions pas trouvé <strong>la</strong> sympathie <strong>de</strong>s autresqui étaient plus réservés? C'est celte sympathie que les fel<strong>la</strong>ghasont trouvée, et si aujourd'hui il y u déjà un certain recul <strong>de</strong>leur action, c'est précisément parce que <strong>la</strong> politique qui a étéfaite récemment a désolidarisé <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> ces gens-là eta fait renaîtie son ancien mépris et sa méfiance pour eux. Dansees conditions, cette politique n'est pas une négociation avecl'assassinat, mais peut être, à ect égard, <strong>la</strong> meilleure pourempêcher que l'assassinat ne se développe.La vérité, c'est que là comme partout, et spécialement dansl'outre-mer, il faut avoir <strong>de</strong>ux jeux en mains: le jeu <strong>de</strong> <strong>la</strong>répression et <strong>de</strong> <strong>la</strong> force pour ceux qui méritent qu'on leurapplique <strong>la</strong> répression et le jeu <strong>de</strong> <strong>la</strong> compréhension, <strong>de</strong> l'intelligence,du sentiment humain vis-à-vis <strong>de</strong> ceux qui peuvents'être égarés, qui ont pu être égarés, mais qui ne méritent pasune sévérité sans rémission. Nous avons été, dans cette maison,trop souvent indulgents vis-à-vis <strong>de</strong> certains pour que ee<strong>la</strong>ngage ne soit pas compris.Je n'abor<strong>de</strong>rai pas ici quant au fond <strong>la</strong> politique marocaine— j'estime vous avoir retenu assez longtemps, et je m'enexcuse — mais ce qui est vrai en Tunisie est à mon avis vraipour toute l'Afrique du Nord.Les mêmes difficultés se présentent, les mêmes questions seposent sous <strong>de</strong>s formes différentes, au Maroc comme en Tunisieet, permettez-moi <strong>de</strong> le dire, en Algérie comme en Tunisie.Les pays sont différents. Nous <strong>de</strong>vons nous refuser à touteassimi<strong>la</strong>tion entre les trois pays, mais finalement nous <strong>de</strong>vonsbien reconnaître que dans aucun <strong>de</strong> ces territoires nos métho<strong>de</strong>sont toujours été parfaitement heureuses.Pensant tout particulièrement au Maroc, je me contenterai <strong>de</strong>dire que bâtir notre politique en subissant <strong>la</strong> pression, souventindiscrète et parfois intéressée, <strong>de</strong> certains personnages surune prétendue rivalité arabo-berbère dans un pays où <strong>la</strong> quasitotalité<strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, même arabophobe, est d'origine berbère;accepter à tout ie moins — peut-être faudrait-il, danscertains cas, parler <strong>de</strong> provocation — que les cavaliers <strong>de</strong>srégions <strong>de</strong> Meknès ou <strong>de</strong> Marrakech soient amenés par leurscaïds aux portes <strong>de</strong> Rabat ou <strong>de</strong> Fès dans un geste <strong>de</strong> menace;peser sur certains caïds récalcitrants pour les contraindre àsigner <strong>de</strong>s pétitions qu'ils réprouvent; <strong>la</strong>isser à <strong>la</strong> rébellion lechoix du souverain; frapper ou menacer dans leur liberté oudans leurs ressources, comme un l'a fait souvent ces <strong>de</strong>rnierstemps, <strong>de</strong>s Français qui, parce qu'ils sont Français, parce qu'ilssont fidèles à <strong>la</strong> formation qui fait notre orgueil, enten<strong>de</strong>ntconserver <strong>la</strong> liberté <strong>de</strong> leur jugement; ne pas faire ce qu'il est

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