Aucun chrétien, aucun israélite n'a toléré jusqu'à ce jour,même sous l'oppression alleman<strong>de</strong>, que fussent piétinés lessanctuaires, religieux. Et pourtant le fait s'est produit il y aquelques jours à peine à Fez.Un peuple comme le peuple français, qui a défendu son patrimoinereligieux les armes à <strong>la</strong> main contre n'importe quelprofanateur, se doit <strong>de</strong> ne pas tolérer les sacrilèges commisau Maroc. Un Etat, fût-il <strong>la</strong>ïque, qui a signé dès traités garantissant<strong>la</strong> religion <strong>de</strong>s autochtones, se doit <strong>de</strong> respecter sasignature.Sacrifié à <strong>de</strong>s intérêts privés fonciers et bancaires, soumis àune politique d'autorité, à un régime policier qui s'appuie surles caïds et quelques chefs <strong>de</strong>s Zaouias, le peuple marocaingar<strong>de</strong> toujours <strong>la</strong> foi invincible <strong>de</strong> ceux qui espèient, <strong>de</strong> ceuxqui savent que les causes justes finissent toujours par triompher<strong>de</strong> l'oppression ia plus dure.Je ne m'étendrai pas sur cette « comédie aux cent actesdivers » que l'on appelle le berbérisme ou <strong>la</strong> politique berbère.Je suis moi-même berbère et mieux p<strong>la</strong>cé que quiconqueici pour dire que <strong>la</strong> politique puérile qui consiste à distinguer,en Afrique du Nord, Berbères et Arabes, est une vue simplisie<strong>de</strong> l'esprit...M. René Mayer. Très bien !M. Cadi Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r. ...qui ne trouve aucune réalisation dans<strong>la</strong> pratique.Ce seiait faire fi du ciment soli<strong>de</strong> qu'est l'Is<strong>la</strong>m, <strong>de</strong> ce puissantfacteur d'unité el <strong>de</strong> solidarité, <strong>de</strong> ce farouche malékismedont sont imprégnés les Berbères, les fameux Berbères Almoravi<strong>de</strong>set Almoha<strong>de</strong>s qui firent ia gran<strong>de</strong>ur du Maroc et qui sontles meilleurs propagateurs <strong>de</strong> l'Is<strong>la</strong>m et <strong>de</strong> sa <strong>la</strong>ngue sacrée, <strong>la</strong><strong>la</strong>ngue arabe.Oublier ces données principales, c'est aller au <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>spires déboires.Ce sont les Berbères qui se soulèvent contre le daïr <strong>de</strong>1930. Ce sont eux qui, <strong>de</strong>s bidonvilles, <strong>de</strong>s villes marocainesou <strong>de</strong>s tribus lointaines, défen<strong>de</strong>nt âprement le sultan SidiMohamed ben Youssef.Je n'en voudrais pour preuve que les vastes opérations <strong>de</strong>police avec occupation militaire qui dépassent le cadre <strong>de</strong>svilles pour s'étendre en pays Berbère. Contrairement à <strong>la</strong> thè^eofficielle qui fait <strong>de</strong>s Berbères les soutiens inébran<strong>la</strong>bles <strong>de</strong><strong>la</strong> politique française au Maroc, <strong>la</strong> situation, au moins en cequi concerne le Moyen-At<strong>la</strong>s, semble êlre <strong>de</strong>venue en certainsendroits aussi délicate que dans les villes. La tribu <strong>de</strong>s Zemmous,celle <strong>de</strong> Ted<strong>de</strong>rs, sont l'objet' <strong>de</strong> ratissages. Depuis <strong>de</strong>uxmois ce ne sont qu'attentats et incendies.L'opposition traditionnelle entre les Arabes et les Berbères,entre ia ville et <strong>la</strong> montagne, est en gran<strong>de</strong> parlie factice. LesBerbères ne sont pas aussi satisfait;, <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation actuelle auMaroc que pourraient le <strong>la</strong>isser croire les manifestations spectacu<strong>la</strong>ires<strong>de</strong> leurs caïds au pa<strong>la</strong>is impérial <strong>de</strong> Babat. caïds fonctionnairessoumis aux directives <strong>de</strong> <strong>la</strong> Rési<strong>de</strong>nce.Ces manifestations spectacu<strong>la</strong>ires et « spontanées » ne trompentplus personne. Les camions militaires emplis <strong>de</strong> manifestantsberbères à 1.500 F le manifestant, plus le thé, plus unpain <strong>de</strong> sucre, plus un mouton pour dix, les cavalca<strong>de</strong>s bruyantes<strong>de</strong>vant le pa<strong>la</strong>is <strong>de</strong> Rabat, ne leurrent plus personne, pasplus que ies quelques figurants dans Carmen ne se donnent l'illusiond'une troupe nombreuse.Le calme apparent que le rési<strong>de</strong>nt Lacoste apporte dans saserviette, les serments <strong>de</strong> fidélité, le loyalisme <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>,le « tout va bien au Maroc », <strong>la</strong> bonne santé morale d'un paysen ébullition, ne sont que <strong>de</strong>s trompe-l'œil, <strong>de</strong>s ersatz <strong>de</strong>bureau, <strong>de</strong>s conceptions enfantines <strong>de</strong> contrôleurs civils fidèlesaux co<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> routine, un ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> fumée que <strong>la</strong>. Rési<strong>de</strong>nceaux abois met entre <strong>la</strong> France et <strong>la</strong> situation réelle au Maroc.• Ouvrez les yeux, mes chers collègues, avant qu'il soit troptard. Ne voyez pas en mon intervention une quelconque critiquestérile. Français mulsulman, je me dois <strong>de</strong> dire aux représentantsdu peuple français toute <strong>la</strong> vérité afin qu'ils aient,avant <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l'avenir <strong>de</strong> <strong>la</strong> France en pays musulman,toutes les données nécessaires.Il n'est point besoin <strong>de</strong> lunettes spéciales pour saisir le relief<strong>de</strong> ce qui se passe au Maroc. Le calme apparent, <strong>la</strong> trêve actuelleagrémentée <strong>de</strong>-ci <strong>de</strong>-là <strong>de</strong> quelques remous, sont dus au débatd'aujourd'hui qui sera <strong>la</strong> clef <strong>de</strong> voûte <strong>de</strong> tout l'avenir du Marocet qui est le point <strong>de</strong> mire <strong>de</strong> tout Je peuple marocain, quigar<strong>de</strong> confiance dans les décisions <strong>de</strong> notre Assemblée.Quand je dis calme apparent, je pèse bien mes mots, car <strong>la</strong>situation s'envenime <strong>de</strong> jour en jour, sous une forme souterrainequi gagne le Maroc dans ses couches les plus profon<strong>de</strong>s.Tous les rapports officiels ne peuvent vous cacher, mes cherscollègues, l'immense portée <strong>de</strong>s consignes <strong>de</strong> calme en toutecirconstance <strong>la</strong>ncées par les mouvements nationaux et strictementobservées, artifice dont est victime M. le rési<strong>de</strong>nt Lacosteet ses services naïfs.'A Casab<strong>la</strong>nca et dans toutes les villes du Maroc, le jour <strong>de</strong>l'Aïd-el-Kébir, personne n'a bougé, malgré les agents provocateurs<strong>de</strong> ce père Noèl malfaisant qu'est El Keltani, qui dans sahotte ne porte que maléfices et duperies.Cependant les ordres <strong>de</strong> grèves étaient respectés partout.-Dans une proportion <strong>de</strong> 80 à 100 p. 100, les ouvriers, ce facteurpuissant <strong>de</strong> toute nation, cessèrent le travail et paralysèrentl'économie marocaine. Toutes les consignes données par lespartis nationaux ont été exécutées dans <strong>la</strong> même proportion.La résistance par le vi<strong>de</strong>, <strong>la</strong> grève <strong>de</strong> souris, comme on l'aappelée, a dérouté les calculs vieillots et périmés. Le mouvement<strong>de</strong> masse, un mouvement irrésistible, s'organise <strong>de</strong> jouren jour et s'adapte avec une souplesse remarquable à l'évolution<strong>de</strong>s événements, ce qui met en porte-à-faux <strong>la</strong> Rési<strong>de</strong>nceet <strong>la</strong> déroute complètement.M. le rési<strong>de</strong>nt René Lacoste est en ce moment aux abois.Il en serait <strong>de</strong> même <strong>de</strong> tous ses remp<strong>la</strong>çants. Lorsque le brasa failli, on doit couper <strong>la</strong> tête, dit-on. Mais en politique marocaine,ii faut d'abord couper le bras, c'est-à-dire débarrasserimmédiatement le Maroc <strong>de</strong> cette administration vétusté etdangereuse qui a pris racine- et qui dicte ses volontés.C'est vous dire, mes chers collègues, qu'il faut faire <strong>la</strong> partentre <strong>la</strong> réalité que l'on s'évertue à vous cacher par <strong>de</strong>s artificesadministratifs ardu-connus et le véritable intérêt <strong>de</strong> Ja France.Beaucoup d'intérêts, trop d'intérêts même, nationaux et internationaux,privés ou non privés, gravitent autour du Maroc.Américains, Ang<strong>la</strong>is et autres grignotent au jour Je jour leprestige français.De l'intérêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, nul ne se soucie. Ce n'est pas aurési<strong>de</strong>nt, ballotté au gré <strong>de</strong>s vents et prisonnier <strong>de</strong>s contrôleurscivils, ce n'est pas à l'administration marocaine, à <strong>la</strong>quelle on a<strong>la</strong>issé Ja bri<strong>de</strong> sur le cou et qui se vautre dans une paresseintellecluele au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> tout, ce n'est pas aux gros exploitantsd'immenses terres, maîtres <strong>de</strong> Ja presse marocaine et <strong>de</strong>l'opinion — si opinion ii y a — c'est à vous seuls, mes cherscollègues, <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r s'il faut perpétuer, là-tbas au Maroc, etamplifier toutes les erreurs commises et qui continuent à secommettre.C'est à vous <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r, par un programme net, par uneaction rapi<strong>de</strong>, s'il faut recommencer l'histoire <strong>de</strong> l'Indochineou s'il faut faire du Maroc un Etat ami respectant tous lesintérêts <strong>de</strong>s Français et <strong>de</strong> <strong>la</strong> France.Seul le retour du sultan Mohamed ben Youssef, unique responsablereligieux et juridique du Maroc, peut amener <strong>la</strong>délenle et <strong>la</strong> paix. (Protestations à droite.)Aucun autre élément, aucune antre conception politique;aucun p<strong>la</strong>n n'ont <strong>de</strong> valeur, hormis cette condition nécessaire,et suffisante.Ne comptez sur aucun calme, ne comptez sur aucune évolution.ne comptez sur aucun avenir <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, ni par <strong>la</strong> forcearmée ni par aucun autre moyen, si cette condition sine quanon n'est pas d'emblée remplie.Ce qu'un coup <strong>de</strong> force a instauré doit être défait par une.sage mesure. Tout l'avenir est là. Il faut revenir sur le passé,et ici je m'adresse à M. le prési<strong>de</strong>nt Mendès-France pour luidii.e combien nous, qui avons app<strong>la</strong>udi à son avènement, combiennon-, qui avons approuvé son altitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant les problèmesindocliinois et tunisien, nous nous trouvons aujourd'huichoqués par sa faiblesse <strong>de</strong>vant le problème marocain.Combien l'homme qui s'est présenté mo<strong>de</strong>stement à Bruxellesse serait senti plus à l'aise, plus fort, s'il avait, eu <strong>de</strong>rrière luitoute <strong>la</strong> force, toute <strong>la</strong> puissance <strong>de</strong>s pays africains!Combien cette troisième force, composée <strong>de</strong> <strong>la</strong> France et doson « Conunonwealth », aurait pesé lour<strong>de</strong>ment dans l'équilibremondial, entre l'U. R. S. S. et les Anglo-Saxons !C'est pourquoi nous ne comprenons pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong> notreéminent prési<strong>de</strong>nt du conseil ce <strong>la</strong>isser-faire au Maroc, tesdémonstrations militaires, ces erreurs qui perpétuent l'attentatet <strong>la</strong> répression.Prévenir et supprimer les désordres, réaliser <strong>de</strong>s réformesimportantes, essayer d'accord avec le sultan actuel <strong>de</strong>'rétablir<strong>la</strong> concor<strong>de</strong> et d'apaiser les esprits, c'est mettre <strong>la</strong> charrue<strong>de</strong>vant -les bœufs.Non, monsieur le prési<strong>de</strong>nt du conseil, nous ne pouvons passouscrire à ces déc<strong>la</strong>rations du A août <strong>de</strong>rnier, reprises parvotre représentant, M. Lacoste, à Mazagran. Vous ne pouveztraiter avec Ben Arafa, qui n'est qu'une création <strong>de</strong> <strong>la</strong> politiquedu Gouvernement français et non Je sultan du peuple marocain.(Protestations à droite.)Vous ne pouvez pas donner le bras à un mannequin <strong>de</strong>•peluche en essayant <strong>de</strong> vous convaincre qu'il s'agit <strong>de</strong> votrefuture épouse. (Fîtes protestations à droite, à l'extrême droiteet au centre.)M. Pierre <strong>de</strong> Bénouvilfe. Rappel à l'ordre !Sur <strong>de</strong> nombreux bancs à droite et à l'extrême droite, Censure!M. Cadi Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r. Je traduis mon sentiment.
M. le «rési<strong>de</strong>nt. Monsieur Cadi Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r, vos paroles sontinadmissibles. Je veux croire qu'elles ont dépassé votrepensée.M. Pierre <strong>de</strong> Benouviile. Retirez vos paroles ! Censure !H. Cadi Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r. Vous, taisez-vous, au lieu <strong>de</strong> vousagiter !Il n'y a qu'un sultan, c'est Sidi Mohammed ben Youssef! [Nouvellesprotestations.)M. Pierre <strong>de</strong> Benouviile. II insulte un souverain ami <strong>de</strong> <strong>la</strong>France.M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. Monsieurle prési<strong>de</strong>nt, je tiens à protester contre les termesemployés par notre collègue à celte tribune à l'égard du sultanrégnant à Rabat.M. Cadi Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r. Je maintiens mon pr ipos et ne retireabsolument rien.Sur <strong>de</strong> nombreux bancs à droite et à l'extrême droite. Censure! Censure 1M. le prési<strong>de</strong>nt. Monsieur Cadi Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r, je vais vous rappelerà l'ordre.M. Cadi Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r. Vous ne pouvez vous appuyer sur lesBerbères, monsieur le prési<strong>de</strong>nt du conseil, je vous ai expliquépourquoi.Seul le rappel d« Sidi Mohammed ben Youssef donnera <strong>la</strong> solutionrecherchée. (Nouvelles protestations. — Bruit.)Sur divers bancs à droite et à l'extrême droite. Rappel àl'ordre !M. Cadi Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r. La question dynastique est tout dans'*celte affaire marocaine. Tout le reste n'est que corol<strong>la</strong>ire.Monsieur le prési<strong>de</strong>nt Mendès-France, iéglez cette questionà l'ang<strong>la</strong>ise.M. Pierre <strong>de</strong> Bénouvilte. Nous réglons nos problèmes à <strong>la</strong>française.M. Gadi Ab<strong>de</strong>lka<strong>de</strong>r. Nehru et le docteur Nkroumah ont étéRamenés <strong>de</strong> prison pour prendre le pouvoir aux In<strong>de</strong>s et à <strong>la</strong>Gold Coast. Le retour du docteur Nkroumah n'a rien enlevé aucharme et au prestige <strong>de</strong> <strong>la</strong> reine Elisabeth et à <strong>la</strong> puissanceang<strong>la</strong>ise. Le retour <strong>de</strong> Sidi Mohammed ben Youssef n'enlèverarien, toute proportion gardée, à votre charme et à <strong>la</strong> puissance<strong>de</strong> <strong>la</strong> France. (App<strong>la</strong>udissements sur quelques bancs à gauche.)H. le prési<strong>de</strong>nt. Tous les interpel<strong>la</strong>teurs se sont fait entendre.Dans <strong>la</strong> discussion générale <strong>de</strong>s interpel<strong>la</strong>tions, <strong>la</strong> paroleest à M. Grousseaud.M. Jean Grousseaud. Mesdames, messieurs, monsieur leministre, il y a différentes manières d'entrer dans l'Histoire.Certains choisirent <strong>de</strong> donner à <strong>la</strong> France un empire mondial,tels Ferry, Faidherbe, Brazza, Galiieni ou Lyautey. D'autresIncarnèrent, comme Clemenceau, <strong>la</strong> résistance victorieuse.M. le prési<strong>de</strong>nt du conseil a opté pour <strong>la</strong> voie <strong>de</strong> <strong>la</strong> démissionnationale. (Mouvements divers.)M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. Je vousrépondrai <strong>de</strong>main.M. Jean Grousseaud. S'il avait <strong>de</strong>s craintes <strong>de</strong> sombrer dansl'oubli, lot <strong>de</strong> certains hommes politiques qu'on décore dunom d'homme d'Etat, le voilà rassuré.La démonstration était déjà faite que le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation<strong>de</strong>venait sa gloire personnelle: il fal<strong>la</strong>it encore nous persua<strong>de</strong>rque nos seuls partenaires possibles, ce sont les assassins. M. leprési<strong>de</strong>nt du conseil y est parvenu. (Protestations sur plusieursbancs à gauche.)M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. MonsieurGrousseaud, je proteste contre les termes que vousemployez à cette tribune!M. Jean Grousseaud. Protestez, monsieur le ministre. Ils sontVrais quand même. (Nouvelles protestations sur les mêmesfrancs. — Bruit.)Confondant <strong>la</strong> précipitation et l'action, il sait se hâter sanslenteur. Brû<strong>la</strong>nt le temps, prenant seulement <strong>la</strong> peine <strong>de</strong> venirsans voir, il lève victorieusement toutes les oppositions.Quel magicien ! Si tout ce<strong>la</strong> n'était qu'illusion, on lui pardonneraitvolontiers, mais il ne s'agit pas seulement d'un dangereuxmirage purement spectacu<strong>la</strong>ire, il est un joueur d'autantplus redoutable que sa mise est notre <strong>de</strong>stin.Il me suffira d'examiner Faction du Gouvernement en Tunisieet au Maroc pour démontrer <strong>la</strong> nocivité <strong>de</strong> cette politique, dontle terme ne peut être que <strong>la</strong> disparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> France en Afrique.du Nord, malgré les affirmations contraires du Gouvernement.D'abord, permettez-moi <strong>de</strong> faire justice d'une comparaisonintolérable et inadmissible <strong>de</strong> l'Indochine et <strong>de</strong> l'Afrique. Voussavez parfaitement que <strong>la</strong> géographie s'inscrit en faux contrevos affirmations, qui ne paraissent <strong>de</strong>stinées qu'à ceux <strong>de</strong> nosconcitoyens qui ne <strong>la</strong> connaissent pas. U y a <strong>de</strong>s contrevéritésà l'usage <strong>de</strong>s naïfs.La régence a d'abord retenu votre attention. L'ancien rési<strong>de</strong>ntgénéral, M. Voizard, poursuivait sans résultat <strong>la</strong> chimère<strong>de</strong>s concessions. Vous y avez brusquement substitué <strong>la</strong> capitu<strong>la</strong>tion.L'économie <strong>de</strong>s déc<strong>la</strong>rations du Gouvernement peut être ainsirésumée: autonomie interne reconnue, droit <strong>de</strong>s Français <strong>de</strong>vivre et <strong>de</strong> travailler.Nous sommes prêts, avez-vous dit, à transférer à <strong>de</strong>s personneset à <strong>de</strong>s institutions tunisiennes l'exercice interne <strong>de</strong> <strong>la</strong>souveraineté. Et les Français, en échange <strong>de</strong> leurs services passéset présents, du rôle qu'ils jouent et doivent jouer dansl'avenir, ont acquis le droit <strong>de</strong> vivre et <strong>de</strong> travailler en Tunisie,droit dont personne ne songe à les priver.Alors que vous aviez critiqué les gouvernements précé<strong>de</strong>nts,il vous a plu <strong>de</strong> rappeler les promesses faites par eux, et notammentpar M. Robert Schuman. Vous préten<strong>de</strong>z en sommeréaliser leurs intentions.11 n'est pas dans mon propos <strong>de</strong> défendre ces gouvernements,mais il semble que <strong>la</strong> contrepartie <strong>de</strong>mandée n'existe plusactuellement.L'acceptation <strong>de</strong> l'autonomie interne a comme conséquenceincontestable l'abrogation rie <strong>la</strong> convention <strong>de</strong> <strong>la</strong>- Marsa <strong>la</strong> plusimportante, celle qui avait élé conclue grâce à Paul Cambon.Vise-t-elle également l'article 7 du traité du Bardo, concernantles droits <strong>de</strong> <strong>la</strong> République française au sujet <strong>de</strong> l'organisationfinancière du pays ? Probablement. Elle porte donc une gravenovation à nos rapports avec <strong>la</strong> Tunisie.Mais le traité du Bardo lui-même subsiste-t-il ? Nous conservonsle droit <strong>de</strong> représentation extérieure. Aurons-nous 1 longtemps<strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> maintenir dos troupes ?Nous n'avons qu'une assurance formelle, celle <strong>de</strong> M. le prési<strong>de</strong>ntdu co.nseil, qui déc<strong>la</strong>rait l'autre jour à celte tribune : « J'aiaffirmé en même temps, et en termes, je crois pouvoir le dire,non équivoques, que l'union militaire et diplomatique <strong>de</strong> <strong>la</strong>Tunisie avec <strong>la</strong> France ne pouvait pas être rompue ».Ce<strong>la</strong> est bel et bon. Mais le gouvernement <strong>de</strong> Tunis Jie nous<strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra-t-il pas, si l'ordre intérieur est assuré, <strong>de</strong> retirer nostroupes conformément à l'article 2 du traité du Bardo ? « Cetteoccupation, stipule-t-il, cessera lorsque les autorités militairesfrançaises et tunisiennes aurc'it reconnu d'un commun accordque l'administration locale est ea étal <strong>de</strong> maintenir l'ordre ».M. Frédéric <strong>de</strong> Villeneuve. Toute <strong>la</strong> question est là.M. Jean Grousseaud. Voilà le danger. A ce moment, il ne nousrestera plus qu'tin droit <strong>de</strong> figuration diplomatique bien précaire.Lew liens qui unissent nos <strong>de</strong>ux pays seront rompus.Il s'agit donc du départ <strong>de</strong> <strong>la</strong> France en <strong>de</strong>ux étapes. Voilà ceque, en réalité, vous négociez. Voilà le but pour lequel il vousfal<strong>la</strong>it absolument trouver <strong>de</strong>s interlocuteurs « va<strong>la</strong>bles »,comme vous diles.Du point <strong>de</strong> vue juridique, d'ailleurs, <strong>la</strong> lettre et l'esprit dutraité sont transgressés.La formule <strong>de</strong> transfert <strong>de</strong>s pouvoirs accordés par <strong>la</strong> Franceà <strong>de</strong>s institutions et à <strong>de</strong>s personnes lui est profondément contraire,et vous le savez. Même si, pour <strong>de</strong>s raisons qui lui sontpropres, l'actuel bey <strong>de</strong> Tunis se déc<strong>la</strong>re satisfait, il n'en resteas moins qu'il nous est impossible <strong>de</strong> déléguer à d'autres qu'auey <strong>de</strong>s droits que nous avons reçus <strong>de</strong> lui.Ainsi, il apparaît que le discours <strong>de</strong> Tunis n'a, hé<strong>la</strong>s! pascomporté assez <strong>de</strong> réflexion préa<strong>la</strong>ble. 11 sent l'improvisaliUi <strong>de</strong>sformules au mépris <strong>de</strong>s textes.Vous prétendiez à cette tribune que les violences ne vousforceraient pas à cé<strong>de</strong>r Sur ce qu'il faut maintenir. Mais vousne maintenez rien. Si vous faites bon marché <strong>de</strong> <strong>la</strong> positieti <strong>de</strong><strong>la</strong> France, vous êtes plein d'une absolue désinvolture à l'égard<strong>de</strong>s Français.M. le ministre <strong>de</strong>s affaires marocaines et tunisiennes. Vousmanquez <strong>de</strong> mesure, mon cher collègue.M. Jean Grousseaud. Je n'en manque pas plus que vous,monsieur ie ministre.H. François Quilici. Vous manquez <strong>de</strong> mémoire, monsieur leminisire.M. Jean Grousseaud. Il y a, à côté du protectorat résultant<strong>de</strong>s conventions <strong>de</strong> 1881 et 1883, nos compatriotes qui sontactuellement au nombre dé 200.000. Ils auront le droit <strong>de</strong> vivreet <strong>de</strong> travailler ainsi que leurs enfants.Mais dans <strong>de</strong> nombreux pays, nos concitoyens peuvent vivreet travailler.Ah! J'entends bien, ils jouiront d'un statut spécial On leurdonnera <strong>de</strong>s garanties.