Recherche à l’IRSSTadmissibles était limitée, car une personnesoumise à un horaire non conventionnelne jouissait pas <strong>de</strong>s mêmesgaranties <strong>de</strong> protection qu’une <strong>au</strong>treayant un horaire usuel, soit huit heurespar jour, cinq jours par semaine. À la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> la <strong>CSST</strong>, un groupe <strong>de</strong> toxicologues<strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> Montréal,sous la responsabilité <strong>de</strong> Jules Bro<strong>de</strong>uret <strong>de</strong> Guy Perr<strong>au</strong>lt, s’est attaqué à ceproblème en proposant <strong>de</strong>s modifications<strong>au</strong>x normes applicables <strong>au</strong>x travailleursexposés à <strong>de</strong>s contaminantsdurant <strong>de</strong>s horaires non conventionnels,afin <strong>de</strong> s’assurer que l’accumulation <strong>de</strong>substances dans l’organisme n’excè<strong>de</strong>pas celle <strong>de</strong>s travailleurs assujettis àun horaire dit normal. S’inspirant dumodèle <strong>de</strong> l’Occupationnal Safety andHealth Administration (OSHA), leschercheurs en toxicologie ont proposéune démarche structurée qui a conduit àune métho<strong>de</strong> d’ajustement <strong>de</strong>s valeursd’exposition admissibles (VEA). Fruitd’une expertise scientifique, <strong>de</strong> consultationsavec <strong>de</strong>s experts internation<strong>au</strong>xet d’un consensus paritaire, un gui<strong>de</strong> aainsi été conçu pour soutenir le travail<strong>de</strong>s hygiénistes. De plus, le projet apermis l’élaboration d’un utilitaire informatiquepermettant <strong>de</strong> calculer l’ajustement<strong>de</strong>s normes en fonction d’unhoraire <strong>de</strong> travail non conventionnel.Tout en assurant le même nive<strong>au</strong> <strong>de</strong>protection à tous les travailleurs, qu’ilssoient soumis à un horaire conventionnelou non, cette démarche d’expertise <strong>au</strong>rasuscité une remise en question <strong>de</strong> tout cequi concerne l’ajustement <strong>de</strong>s VEA.Les pestici<strong>de</strong>s plus sécuritairesOn le savait ! Les travailleurs, particulièrementceux du domaine maraîcher,sont exposés <strong>de</strong> façon significative <strong>au</strong>xeffets néfastes <strong>de</strong>s pestici<strong>de</strong>s, notammentlorsqu’ils retournent sur un site qui afait l’objet d’un épandage. Pourtant,<strong>au</strong>cun outil <strong>de</strong> référence n’existait pourles ai<strong>de</strong>r à comprendre et gérer ces situationsà risque. D’un commun accord, la<strong>CSST</strong> et l’Union <strong>de</strong>s producteurs agricoles(UPA) ont fait une priorité <strong>de</strong> laquestion <strong>de</strong>s délais <strong>de</strong> réentrée 2 , d’<strong>au</strong>tantplus que cette information essentiellen’est pas toujours indiquée sur l’emballage<strong>de</strong>s pestici<strong>de</strong>s vendus <strong>au</strong> Canada.Le chercheur Onil Samuel, <strong>de</strong> l’Institutnational <strong>de</strong> santé publique du Québec2. Délai qui s’écoule entre l’épandage <strong>de</strong> pestici<strong>de</strong>set le retour sécuritaire <strong>de</strong>s travailleurssur le site.(INSPQ), s’est d’abord attelé à la tâcheconsistant à proposer une approche <strong>de</strong>détermination <strong>de</strong>s délais en fonction <strong>de</strong>la toxicité <strong>de</strong>s pestici<strong>de</strong>s. Ainsi, il amis en évi<strong>de</strong>nce qu’un travailleur quirespecte les délais <strong>de</strong> réentrée minimiseses risques d’exposition. Dans unesecon<strong>de</strong> phase, Onil Samuel a ensuiterédigé le Gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> prévention pour lesutilisateurs <strong>de</strong> pestici<strong>de</strong>s en agriculturemaraîchère qui classe les substances,présente leurs caractéristiques et lesdélais prescrits avant le retour <strong>au</strong> champ,tout en compilant <strong>de</strong>s données sur l’inflammabilitéet l’instabilité chimique<strong>de</strong>s divers produits. Ce gui<strong>de</strong> vulgarisépropose également la marche à suivreen cas d’intoxication.Pour répondre <strong>au</strong>x inquiétu<strong>de</strong>s manifestéespar les travailleurs du Jardinbotanique et <strong>de</strong>s serres <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong>Montréal, une nouvelle étu<strong>de</strong>, visantcette fois la caractérisation <strong>de</strong> l’exposition<strong>au</strong>x pestici<strong>de</strong>s en milieu serricoleest en cours. L’ensemble <strong>de</strong> ces trav<strong>au</strong>xCertains travailleurs sont exposéssimultanément à plus d’unproduit toxique. Les normes neprenant habituellement pasen considération la possibilitéd’interactions entre diversessubstances, <strong>de</strong>s chercheurs se sontpréoccupés <strong>de</strong> l’effet <strong>de</strong> ce typed’exposition sur la santé.ai<strong>de</strong>ra les producteurs maraîchers et lestravailleurs <strong>de</strong>s serres à connaître etmieux choisir leurs pestici<strong>de</strong>s, tout enprotégeant leur santé.Les interactions toxicologiquesOn peut remplacer un produit toxiquepar une substance moins dangereuse,comme c’est le cas pour certains solvants,mais que peut-on faire lorsqu’untravailleur est exposé simultanément à<strong>de</strong> multiples contaminants ? Les valeursd’exposition admissibles (VEA) ne s’appliquent,en théorie, qu’à <strong>de</strong>s situationsoù une personne est soumise à une seulesubstance à la fois. Or, dans certainscas, <strong>de</strong>s travailleurs sont exposés àun cocktail <strong>de</strong> produits nuisibles danslequel on peut retrouver <strong>de</strong>s pestici<strong>de</strong>s,<strong>de</strong>s solvants, <strong>de</strong>s poussières irritantes et<strong>de</strong>s fumées <strong>de</strong> soudage. Comme lesnormes ne prenaient habituellementpas en considération la possibilitéd’interactions entre diverses substanceschimiques, les chercheurs se sont préoccupés,<strong>au</strong> cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières années,<strong>de</strong> l’effet <strong>de</strong> l’exposition simultanée àplusieurs produits toxiques sur la santé<strong>de</strong>s travailleurs. Au début <strong>de</strong>s années1990, les D rs Robert Tardif et JulesBro<strong>de</strong>ur remettent en question l’influence<strong>de</strong>s expositions multiples sur18| Prévention <strong>au</strong> travail | Automne 2002 |
les paramètres <strong>de</strong> surveillance biologique.Ces trav<strong>au</strong>x les amènent à élaborer<strong>de</strong>s modèles informatisés pourfaciliter l’interprétation <strong>de</strong>s donnéesdans <strong>de</strong>s situations d’exposition à <strong>de</strong>multiples contaminants. Ainsi, la recherchemet en lumière divers phénomènes<strong>au</strong> cours <strong>de</strong>squels l’interaction<strong>de</strong> produits influence la toxicité <strong>de</strong>substances individuelles, tels que l’additivité(1 + 1 = 2), la supraadditivité(1 + 1 = 3) ou encore l’infraadditivité(1 + 1 = 1). Il est même possible que <strong>de</strong>ssubstances prises individuellement neproduisent <strong>au</strong>cun effet toxique, alors queleur combinaison <strong>de</strong>vient néfaste.Récemment, un projet conjoint Université<strong>de</strong> Montréal-<strong>CSST</strong>-IRSST, sousla responsabilité du chercheur AdolfVyskocil, a mené à l’élaboration d’unebase <strong>de</strong> données grâce à laquelle on peuti<strong>de</strong>ntifier, pour chaque substance répertoriéedans le Règlement sur la santé etla sécurité du travail, les princip<strong>au</strong>xorganes du corps humain qui sont touchés.Un même organe pouvant êtreaffecté par plus d’une substance, cettebase <strong>de</strong> données permet <strong>au</strong>x intervenants<strong>de</strong> prendre ce facteur en considérationdans l’application <strong>de</strong>s normes d’exposition.Ce travail colossal constitue unoutil d’ai<strong>de</strong> à la décision pour les mé<strong>de</strong>cins,les infirmières ou tout <strong>au</strong>tre intervenanten SST voulant comprendre lesinteractions toxicologiques.Malgré les progrès accomplis, il restebe<strong>au</strong>coup à faire dans ce domaine. Dansbien <strong>de</strong>s cas, il est impossible <strong>de</strong> prévoirle type <strong>de</strong> phénomène c<strong>au</strong>sé par lesinteractions toxicologiques, soit parceque les effets ne sont pas suffisammentconnus, soit parce que les mécanismesd’action <strong>de</strong>meurent indéterminés. Laphase 2 du projet <strong>de</strong> Adolf Vyskocil<strong>de</strong>vrait nous éclairer davantage.Que nous réserve l’avenir ?Bien malin celui qui peut répondre àcette question. Mais on peut pru<strong>de</strong>mmentavancer que la course <strong>au</strong>x donnéesgénétiques pave la voie à <strong>de</strong> nouvellestechnologies qui permettront l’étu<strong>de</strong><strong>de</strong>s maladies et <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong>s produitschimiques sur l’expression <strong>de</strong>s gênes.Ce recours à la génomique pour étudierles questions toxicologiques s’appellela toxicogénomique. On peut présumerque cette nouvelle avenue ai<strong>de</strong>rales chercheurs à expliquer pourquoi lesindividus et les espèces ne réagissentpas tous pareillement lorsqu’ils sont1 + 1 = ?L’exposition à <strong>de</strong>s mélanges peutdonner lieu à divers phénomènespouvant influencer la toxicité <strong>de</strong>ssubstances individuelles :1) l’additivité – où l’effet d’unecombinaison <strong>de</strong> substancescorrespond précisément à lasomme <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong>s substancesindividuelles ;2) la supraadditivité – où une interactionrésulte en un effet supérieurà cette somme ;3) l’infraadditivité – où l’interactionconduit à un effet inférieur à cettesomme.exposés à une même substance chimique.Ainsi, le métabolisme d’unproduit varie chez différentes personnesen raison <strong>de</strong> facteurs génétiques. Lesmêmes phénomènes sont égalementobservés dans les quantités <strong>de</strong> métabolites3 éliminées dans l’urine, d’unepersonne à l’<strong>au</strong>tre, ce qui vient f<strong>au</strong>sserl’interprétation <strong>de</strong>s données <strong>de</strong> surveillancebiologique.Si cette avenue semble prometteusepour une meilleure prévention <strong>de</strong>s maladiesprofessionnelles, elle pose cependant<strong>de</strong>s questions éthiques dès qu’onabor<strong>de</strong> le champ <strong>de</strong>s bioindicateurs et<strong>de</strong>s susceptibilités individuelles. Lesquestions soulevées sont nombreuses.Quel type d’informations doit-on fournir<strong>au</strong>x travailleurs ? Quelles données surla santé <strong>de</strong>s employés <strong>de</strong>vraient êtremises à la disposition <strong>de</strong> l’employeur ?Quel sort sera réservé <strong>au</strong>x travailleurs« différents » et hypersensibles à unproduit chimique ?Bien qu’il soit évi<strong>de</strong>nt que la rechercheen santé et en sécurité du travailvise à assurer une meilleure protection<strong>de</strong>s travailleurs, il n’en <strong>de</strong>meure pasmoins que <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> plus en pluscomplexes et délicates surgissent dansle mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la science et suscitent <strong>de</strong>sconsidérations en matière d’éthiqueprofessionnelle. Jusqu’où la recherchepeut-elle aller ? Ces facettes <strong>de</strong> la sciencefont d’ailleurs l’objet d’un projet <strong>de</strong>recherche sur l’intégration <strong>de</strong>s aspectséthiques et toxicologiques en santé <strong>au</strong>3. Substances organiques évacuées par le corpshumain ou dont on trouve <strong>de</strong>s traces dansl’urine, le sang, les cheveux, etc.travail sur lequel se penchent présentementChantal C<strong>au</strong>x, étudiante <strong>au</strong>doctorat, Cl<strong>au</strong><strong>de</strong> Vi<strong>au</strong>, <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong>Montréal, et le D r David Roy, du Centre<strong>de</strong> bioéthique <strong>de</strong> l’Institut <strong>de</strong> recherchescliniques <strong>de</strong> Montréal.Des normes <strong>de</strong> plus en plus sévèresLes progrès enregistrés grâce à larecherche scientifique produisent uneffet domino positif. Une meilleureconnaissance <strong>de</strong>s mécanismes d’action<strong>de</strong>s substances chimiques toxiques etune meilleure compréhension <strong>de</strong>s relationsdose-effet <strong>de</strong>s produits permettentnotamment <strong>au</strong>x déci<strong>de</strong>urs d’adapter lesnormes en vigueur, ce qui se traduitpar une meilleure protection <strong>de</strong>s travailleurs.Tout indique que le mon<strong>de</strong> dutravail, ici et ailleurs, sera soumis à<strong>de</strong>s normes d’une sévérité accrue, <strong>au</strong> furet à mesure <strong>de</strong>s avancées <strong>de</strong> la science.Cet abaissement <strong>de</strong>s normes offriraégalement <strong>de</strong> nouve<strong>au</strong>x défis <strong>au</strong>x chercheurs.En matière analytique, ils voudrontêtre en mesure <strong>de</strong> déterminer avecprécision <strong>de</strong>s concentrations <strong>de</strong> plusen plus faibles. Ils tenteront <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>nouve<strong>au</strong>x biomarqueurs permettant <strong>de</strong>mesurer <strong>de</strong>s nive<strong>au</strong>x d’exposition toujoursplus bas et établissant <strong>de</strong>s liensplus directs avec les effets sur la santé.Présentement, la voie cutanée est souventune voie d’exposition négligeablepar rapport à la voie pulmonaire pourl’évaluation <strong>de</strong> l’exposition à <strong>de</strong>s contaminants.Une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Cl<strong>au</strong><strong>de</strong> Vi<strong>au</strong> surles approches expérimentales <strong>de</strong> mesure<strong>de</strong> l’absorption percutanée 4 et la revue<strong>de</strong>s données disponibles sur la pénétrationtranscutanée 5 <strong>de</strong>s substances réglementées<strong>au</strong> Québec appelle toutefoisà la pru<strong>de</strong>nce. L’interprétation <strong>de</strong>s informationscontenues dans la littératureactuelle peut être fort différente, selonla métho<strong>de</strong> utilisée. L’abaissement <strong>de</strong>snormes entraînera sans doute la mise<strong>au</strong> point d’un procédé standardisé <strong>de</strong>mesure <strong>de</strong> l’absorption percutanée <strong>de</strong>scontaminants. Chose certaine, là commeailleurs en toxicologie, <strong>de</strong> nouvellespercées sont à prévoir en matière <strong>de</strong>surveillance biologique <strong>au</strong> cours <strong>de</strong>sprochaines années. OJacques Millette4. Qui se fait à travers la pe<strong>au</strong>, avec effractiontissulaire.5. Qui se produit ou est fait à travers la pe<strong>au</strong>,sans effraction tissulaire.| Prévention <strong>au</strong> travail | Automne 2002 | 19