Rapport annuel ADRAO 1996Points sail<strong>la</strong>nts <strong>de</strong>s activitésForger une traditionMALGRÉ LES remarquab<strong>le</strong>s avancées <strong>de</strong>s trente <strong>de</strong>rnières années, <strong>le</strong> Sénégal est encore loin d’exploiterp<strong>le</strong>inement <strong>le</strong> potentiel <strong>de</strong> ses aménagements hydroagrico<strong>le</strong>s. Pour beaucoup <strong>de</strong> paysans <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée duf<strong>le</strong>uve Sénégal, <strong>le</strong> riz irrigué est une spécu<strong>la</strong>tion nouvel<strong>le</strong>. Faute d’expérience, ils n’obtiennent pas toujours <strong>de</strong>sren<strong>de</strong>ments suffisants <strong>pour</strong> couvrir <strong>le</strong>urs coûts <strong>de</strong> production. L’ADRAO est l’un <strong>de</strong>s partenaires d’un systèmenational <strong>de</strong> recherche-développement qui travail<strong>le</strong> avec dynamisme à surmonter <strong>le</strong>s obstac<strong>le</strong>s au progrès.L’eau etl’enso<strong>le</strong>il<strong>le</strong>mentne manquentpas dans <strong>le</strong>spérimètresirrigués duSénégal, mais<strong>le</strong>s ren<strong>de</strong>ments<strong>de</strong>meurentbien en <strong>de</strong>çàdu niveaupotentielSaer Kane Diop (au centre) s’entretient avec <strong>de</strong>s chercheurs<strong>de</strong> l’ADRAO et avec Moustapha Diaw, prési<strong>de</strong>nt dugroupement <strong>de</strong> pr oducteurs local (à gauche). Au milieu <strong>de</strong>sannées 60, Diop et Diaw ont été par mi <strong>le</strong>s premiers agriculteursdu vil<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> Thiagar à cultiver <strong>le</strong> riz irriguéFaciliter l’apprentissageQuand il s’agit <strong>de</strong> fertilisation, Saer Kane Diop connaît bienson affaire : « En faisant une application <strong>de</strong> 50 kg <strong>de</strong> phosphatediammonique 18-40-6 exactement 23 jours après <strong>le</strong>semis, et <strong>de</strong>ux autres applications à 50 et 70 jours, je suissûr d’obtenir un ren<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> 7 tonnes par hectare. » Il esttout aussi à l’aise avec <strong>le</strong>s dates <strong>de</strong>s autres opérations d’unca<strong>le</strong>ndrier cultural chargé : semis, désherbage, récolte etbattage.Agé d’une soixantaine d’années, Diop a ses terres prèsdu vil<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> Thiagar, sur <strong>la</strong> rive gauche du f<strong>le</strong>uve Sénégal.Il ne cultive plus aujourd’hui que <strong>le</strong> riz, mais il se rappel<strong>le</strong>encore l’époque où celui-ci était absent <strong>de</strong> <strong>la</strong> région.« Jusqu’au milieu <strong>de</strong>s années 60, il n’y avait que <strong>de</strong>s cultures<strong>de</strong> décrue et tout <strong>le</strong> mon<strong>de</strong> produisait <strong>de</strong>s haricots, du niébéet <strong>de</strong>s concombres », se souvient-il. « Thiagar a été parmi<strong>le</strong>s premiers vil<strong>la</strong>ges à accepter l’irrigation et j’ai fait partie<strong>de</strong>s premiers paysans qui ont cultivé du riz irrigué. Il nous afallu tout apprendre. »L’histoire <strong>de</strong> Diop est typique <strong>de</strong> sa génération. Desmilliers <strong>de</strong> paysans ont dû, comme lui, se familiariser avecune culture entièrement nouvel<strong>le</strong> lorsque <strong>de</strong>s périmètresétatiques ont été aménagés et qu’ils ont vu <strong>le</strong>urs terrestransformées par <strong>le</strong>s canaux et <strong>le</strong>s ouvrages d’irrigation. Avec<strong>le</strong> passage à <strong>la</strong> riziculture irriguée, il <strong>le</strong>ur a fallu apprendre àpréparer <strong>le</strong>s sols, à gérer l’eau et à utiliser <strong>de</strong>s engrais et <strong>de</strong>sherbici<strong>de</strong>s. Disposant d’eau tout au long <strong>de</strong> l’année, ils ontdécouvert <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> faire une culture supplémentairependant <strong>la</strong> contre-saison, en plus <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur culture d’hivernageusuel<strong>le</strong>. Le climat sahélien <strong>le</strong>ur a imposé <strong>de</strong> ru<strong>de</strong>s <strong>le</strong>çons :32
Rapport annuel ADRAO 1996Points sail<strong>la</strong>nts <strong>de</strong>s activitéss’ils semaient trop tôt, <strong>le</strong> riz était anéanti en début <strong>de</strong>croissance par un vent froid chargé <strong>de</strong> poussière ; s’ilssemaient trop tard, <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>nts flétrissaient sous <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il ar<strong>de</strong>nt<strong>de</strong> <strong>la</strong> saison chau<strong>de</strong>. Même <strong>la</strong> culture d’hivernage pouvaitêtre détruite par <strong>le</strong> froid si el<strong>le</strong> était semée trop tardivement.Diop a beaucoup appris avec l’expérience, mais sonapprentissage a été facilité par un encadrement institutionnelsoli<strong>de</strong>. A Thiagar, il a récemment participé à une « journée<strong>de</strong> restitution ». De nombreuses réunions <strong>de</strong> ce type—quiservent à faire <strong>le</strong> point sur tous <strong>le</strong>s aspects techniques <strong>de</strong> <strong>la</strong>riziculture, comme <strong>la</strong> fertilisation—sont organisées endifférents points <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée par <strong>la</strong> Société d’aménagementet d’exploitation <strong>de</strong>s terres du <strong>de</strong>lta du f<strong>le</strong>uve Sénégal et <strong>de</strong>svallées du f<strong>le</strong>uve Sénégal et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Falémé (SAED). Cetorganisme, qui apporte un appui aux producteurs, est l’un<strong>de</strong>s principaux partenaires <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong> l’ADRAO (voirencadré).De l’avis <strong>de</strong> Diop, <strong>la</strong> réunion a été véritab<strong>le</strong>ment profitab<strong>le</strong>.« Je m’attendais à entendre <strong>de</strong>s recommandationsirréalistes <strong>pour</strong> nous autres, petits exploitants », dit-il. « Maisau contraire, on nous a donné <strong>de</strong>s conseils qui complètentce que nous faisons déjà. Plutôt que d’essayer <strong>de</strong> nous fairedépenser davantage, on nous a expliqué comment utilisernos ressources plus efficacement <strong>pour</strong> obtenir <strong>de</strong> meil<strong>le</strong>ursrésultats. »Restitution <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong> <strong>la</strong> rechercheLes organisateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> réunion ont traité <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux aspects :l’observation du ca<strong>le</strong>ndrier cultural et <strong>le</strong> respect <strong>de</strong>s doseset <strong>de</strong>s dates <strong>de</strong> fertilisation. Le choix <strong>de</strong> ces thèmes et <strong>le</strong>srecommandations formulées reposaient sur <strong>le</strong>s résultats <strong>de</strong>recherches récentes.Des enquêtes effectuées chaque année <strong>de</strong>puis 1995montrent que <strong>la</strong> non-observation du ca<strong>le</strong>ndrier cultural<strong>de</strong>meure <strong>la</strong> principa<strong>le</strong> cause <strong>de</strong>s bas ren<strong>de</strong>ments <strong>de</strong>sproducteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée du f<strong>le</strong>uve Sénégal. Pour diversesraisons—qui ne tiennent pas seu<strong>le</strong>ment au défaut d’expérience,mais aussi au manque <strong>de</strong> crédit et d’intrants —, <strong>le</strong>spaysans démarrent régulièrement <strong>la</strong> saison avec du retar<strong>de</strong>t, au fur et à mesure que <strong>le</strong>s semaines passent, ce retard nefait que s’accentuer. D’après <strong>le</strong>s enquêtes, <strong>le</strong> respect <strong>de</strong>s dates<strong>de</strong>s opérations agrico<strong>le</strong>s est crucial d’un bout à l’autre <strong>de</strong> <strong>la</strong>saison cultura<strong>le</strong> : ainsi, un semis tardif <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture <strong>de</strong>contre-saison peut impliquer une absence tota<strong>le</strong> <strong>de</strong> récolte,car <strong>le</strong>s p<strong>la</strong>nts risquent <strong>de</strong> succomber sous <strong>la</strong> cha<strong>le</strong>ur extrêmequi règne dans <strong>le</strong> Sahel en avril et en mai ; un retard dans <strong>le</strong>désherbage entraînera une forte diminution <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>ment,car <strong>le</strong>s adventices feront <strong>de</strong> plus en plus concurrence au riz<strong>pour</strong> l’eau et <strong>le</strong>s éléments nutritifs ; et en cas <strong>de</strong> retard dans<strong>la</strong> récolte et <strong>le</strong> battage, <strong>la</strong> réduction du taux d’humidité <strong>de</strong>sgrains et <strong>le</strong>s dégâts <strong>de</strong>s ravageurs se sol<strong>de</strong>ront encore par<strong>de</strong>s pertes.Toujours d’après ces enquêtes, <strong>la</strong> fertilisation donne <strong>de</strong>srésultats extrêmement variab<strong>le</strong>s. Soit <strong>le</strong>s producteurs neparviennent pas à s’approvisionner en engrais au momentoù ils en ont besoin, soit ils ne savent pas comment et quands’en servir. Les engrais une fois appliqués, il n’est pas rarequ’ils soient <strong>le</strong>ssivés par une irrigation excessive ; et quandils restent dans <strong>la</strong> parcel<strong>le</strong>, ils profitent parfois davantageaux adventices qu’au riz.Un organisme d’encadrement soli<strong>de</strong>Créée en 1965, <strong>la</strong> SAED a <strong>pour</strong> mission <strong>de</strong> développer <strong>la</strong>riziculture irriguée dans <strong>la</strong> vallée du f<strong>le</strong>uve Sénégal. El<strong>le</strong>encadre <strong>le</strong>s producteurs et mène <strong>de</strong>s recherches.La SAED se distingue <strong>de</strong> beaucoup d’autr es organismesafricains par <strong>la</strong> solidité <strong>de</strong> ses services <strong>de</strong> vulgarisation.Cette solidité vient en gran<strong>de</strong> partie du dynamisme <strong>de</strong>sa direction et <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualification et <strong>de</strong> <strong>la</strong> motivation <strong>de</strong>ses cadres. Sa couverture géographique bien délimitéelui permet d’optimiser l’utilisation <strong>de</strong> ses ressources. Sondoub<strong>le</strong> mandat—r echerche et vulgarisation—fait d’el<strong>le</strong>un interlocuteur privilégié <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s instituts <strong>de</strong> rechercheet lui donne un sens <strong>de</strong> responsabilité <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s résultats<strong>de</strong>s recherches conjointes.Grâce à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> bail<strong>le</strong>urs <strong>de</strong> fonds, <strong>la</strong> SAED a établiune base <strong>de</strong> données sur <strong>le</strong>s périmètres irrigués <strong>de</strong>l’ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> vallée du f<strong>le</strong>uve Sénégal, qu’el<strong>le</strong> arécemment complétée par l’intr oduction d’un systèmed’infor mation géographique (SIG). Celui-ci constitue unoutil efficace d’analyse agroécologique et <strong>de</strong>p<strong>la</strong>nification, qui permet un encadrement bien ciblé.Pour garantir <strong>la</strong> pertinence <strong>de</strong>s recherches conjointes,<strong>la</strong> SAED organise chaque année une réunion entr e <strong>le</strong>schercheurs et <strong>le</strong>s représentants <strong>de</strong>s producteurs. Outreses propres cadres, <strong>le</strong>s chercheurs <strong>de</strong> l’ADRAO et <strong>de</strong> l’ISRAy participent.33