Rapport annuel ADRAO 1996Points sail<strong>la</strong>nts <strong>de</strong>s activitésAprès son succès en Asie...Si l’éco<strong>le</strong> paysanne est une nouveauté en Afrique, il est utilisé<strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 10 ans en Asie du Sud-Est <strong>pour</strong> diffuser <strong>le</strong>message <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion intégrée.L’idée remonte aux années 80, où <strong>la</strong> FAO a <strong>la</strong>ncé une série<strong>de</strong> cours <strong>de</strong> formation dans cette région afin <strong>de</strong> combattrel’usage excessif <strong>de</strong>s pestici<strong>de</strong>s, dont <strong>le</strong>s effets préjudiciab<strong>le</strong>sà <strong>la</strong> santé humaine et à l’environnement étaient <strong>de</strong>venusmanifestes. Les conséquences environnementa<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s plusnéfastes étaient l’élimination <strong>de</strong>s ennemis naturels quicontrô<strong>le</strong>nt en temps normal <strong>le</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> beaucoupd’insectes nuisib<strong>le</strong>s, et l’apparition <strong>de</strong> « super-ravageurs »qui avaient acquis une résistance à <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s produitschimiques.Dans ces cours, on a appris aux paysans et auxvulgarisateurs à observer <strong>le</strong>s popu<strong>la</strong>tions d’insectes nuisib<strong>le</strong>set <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs ennemis naturels dans <strong>le</strong>s champs et à prendre <strong>de</strong>smesures sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong> <strong>le</strong>urs observations. Si cette démarchesemb<strong>le</strong> al<strong>le</strong>r <strong>de</strong> soi aujourd’hui, el<strong>le</strong> était à l’époque en rupturetota<strong>le</strong> avec <strong>la</strong> pratique ordinaire, qui consistait à déverser uncocktail <strong>de</strong> produits chimiques dans <strong>le</strong>s champs à interval<strong>le</strong>sréguliers tout au long <strong>de</strong> <strong>la</strong> saison cultura<strong>le</strong>, sans se préoccuperdu niveau effectif <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> ravageurs. Ces cours,renforcés ultérieurement par <strong>de</strong>s interventions <strong>de</strong>s servicespublics, ont donné d’excel<strong>le</strong>nts résultats dans <strong>de</strong>s pays telsque <strong>le</strong> Viêt-nam, <strong>le</strong>s Philippines, l’Indonésie et <strong>le</strong> Cambodgeoù un grand nombre <strong>de</strong> producteurs ont considérab<strong>le</strong>mentréduit <strong>le</strong>urs applications <strong>de</strong> pestici<strong>de</strong>s.Au début <strong>de</strong>s années 90, <strong>la</strong> FAO a jugé qu’il était tempsd’étendre cette métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> formation à l’Afrique <strong>de</strong> l’Ouest.Afin <strong>de</strong> susciter un intérêt, el<strong>le</strong> a offert aux directeurs ouestafricains<strong>de</strong> <strong>la</strong> protection <strong>de</strong>s végétaux un voyage d’étu<strong>de</strong>dans <strong>le</strong>s pays asiatiques qui avaient participé au programme.A l’issue <strong>de</strong> ce voyage, trois pays (<strong>le</strong> Ghana, <strong>la</strong> Côte d’Ivoireet <strong>le</strong> Burkina Faso) ont sollicité l’assistance <strong>de</strong> <strong>la</strong> FAO <strong>pour</strong>organiser un cours initial. Les programmes nationaux ontété chargés <strong>de</strong> préparer et <strong>de</strong> mettre en oeuvre ces coursavec l’appui technique <strong>de</strong> l’ADRAO....<strong>la</strong> gestion intégrée prend <strong>la</strong> cou<strong>le</strong>ur loca<strong>le</strong>Dans <strong>le</strong> domaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion intégrée, <strong>le</strong>s besoins <strong>de</strong>spaysans <strong>de</strong> l’Afrique <strong>de</strong> l’Ouest se distinguent <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong>l’Asie. Les agroécosystèmes n’étant pas <strong>le</strong>s mêmes, <strong>le</strong>sravageurs qui s’attaquent au riz sont différents. Mais surtout,<strong>le</strong> problème en Asie consistait à réduire <strong>le</strong>s applications <strong>de</strong>pestici<strong>de</strong>s, alors que, dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong>production africains, il s’agit plutôt <strong>de</strong> prévenir <strong>le</strong>urutilisation excessive. Etant donné <strong>le</strong> coût é<strong>le</strong>vé <strong>de</strong> cesproduits chimiques et <strong>le</strong>s difficultés d’approvisionnement,peu <strong>de</strong> producteurs africains ont <strong>le</strong>s moyens <strong>de</strong> s’en serviractuel<strong>le</strong>ment. Dans ces conditions, l’Afrique a beaucoup àapprendre <strong>de</strong>s erreurs commises en Asie.Les trois cours pilotes ont été p<strong>la</strong>nifiés et organisés <strong>de</strong>façon à constituer <strong>le</strong> plus rapi<strong>de</strong>ment possib<strong>le</strong> un noyau <strong>de</strong>spécialistes africains. Trois experts <strong>de</strong> <strong>la</strong> FAO basés en Asieont servi d’instructeurs au Ghana. Les producteurs etvulgarisateurs formés dans ce premier cours ont à <strong>le</strong>ur tourfait fonction d’instructeurs dans <strong>le</strong>s cours qui ont eu lieu en1996 en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Ainsi, <strong>de</strong>s agentslocaux prennent progressivement <strong>la</strong> relève <strong>de</strong>s experts venusd’Asie. Dans chaque pays, <strong>le</strong>s vulgarisateurs qui ont participéau cours ont créé pendant <strong>la</strong> saison cultura<strong>le</strong> suivante unedizaine d’éco<strong>le</strong>s paysannes imp<strong>la</strong>ntées dans <strong>de</strong>s zonesrizico<strong>le</strong>s différentes. Le cours du Ghana a été suivi d’unséminaire national à l’occasion duquel ont été arrêtées unepolitique et une stratégie nationa<strong>le</strong>s en matière <strong>de</strong> gestionintégrée <strong>de</strong>s ravageurs.L’ADRAO a aidé à adapter <strong>le</strong> contenu du cours au contexteouest-africain. « Nous avons fourni énormément <strong>de</strong> travail,car nous attachons beaucoup d’importance à <strong>la</strong> gestion intégrée<strong>de</strong>s ennemis du riz », note Tony You<strong>de</strong>owei, directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong>formation et <strong>de</strong>s communications. « Notre expérience <strong>de</strong>sravageurs et <strong>de</strong>s autres stress spécifiques à <strong>la</strong> région s’estrévélée extrêmement uti<strong>le</strong>. » L’<strong>Association</strong> a envoyé sept <strong>de</strong>ses chercheurs et techniciens au cours du Ghana, et six à celuidu Burkina Faso. Pour <strong>le</strong> cours <strong>de</strong> Côte d’Ivoire, qui avaitlieu dans un périmètre irrigué situé à proximité <strong>de</strong> Bouaké,ce sont 15 <strong>de</strong> ses agents qui ont apporté <strong>le</strong>ur concours.Les efforts investis dans l’organisation <strong>de</strong> ces cours ontgran<strong>de</strong>ment contribué à <strong>le</strong>ur succès. Dans chaque pays, uncomité <strong>de</strong> pilotage a été chargé <strong>de</strong> veil<strong>le</strong>r à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nificationet à <strong>la</strong> mise en oeuvre du projet et d’orienter <strong>le</strong> travail <strong>de</strong>sformateurs venus <strong>de</strong> l’extérieur. Ensuite, il a fallu trouverun périmètre irrigué dans <strong>le</strong>quel <strong>la</strong> production reposait déjàfortement sur l’usage <strong>de</strong>s pestici<strong>de</strong>s—ce qui est plutôt rareen Afrique. Une fois <strong>le</strong> site i<strong>de</strong>ntifié, on y a mis en p<strong>la</strong>ce <strong>le</strong>s46
Rapport annuel ADRAO 1996Points sail<strong>la</strong>nts <strong>de</strong>s activitéséquipements indispensab<strong>le</strong>s. Un atelier intensif <strong>de</strong> trois joursa alors été organisé à l’intention <strong>de</strong> col<strong>la</strong>borateurs potentiels<strong>de</strong>s services <strong>de</strong> vulgarisation, afin <strong>de</strong> choisir ceux qui seraient<strong>le</strong>s plus réceptifs aux messages du cours et qui feraient preuve<strong>de</strong>s meil<strong>le</strong>ures aptitu<strong>de</strong>s <strong>pour</strong> <strong>le</strong>s diffuser. Il s’agissait ainsi<strong>de</strong> « former <strong>le</strong>s formateurs ». Enfin, 75 exploitants dupérimètre irrigué ont été invités à participer au cours. Ils ontété répartis entre trois éco<strong>le</strong>s accueil<strong>la</strong>nt chacune 25 paysans.Le cours ayant commencé, un emploi du temps fixe a étéobservé. Du lundi au jeudi, <strong>le</strong>s agents <strong>de</strong> vulgarisation ontreçu une formation intensive qui <strong>le</strong>ur a appris à analyserl’agroécosystème local, à diagnostiquer <strong>le</strong>s problèmes et àdéci<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s solutions à appliquer. En général, ils passaient<strong>le</strong>s trois premières heures <strong>de</strong> <strong>la</strong> journée dans <strong>le</strong>s champs àobserver et à prendre <strong>de</strong>s notes ; <strong>la</strong> matinée s’achevait par<strong>de</strong>ux heures <strong>de</strong> discussion et l’après-midi était consacré à faireune synthèse et à mener une réf<strong>le</strong>xion sur <strong>de</strong>s thèmesspécifiques. Le vendredi, c’était au tour <strong>de</strong>s paysans <strong>de</strong> selivrer à <strong>de</strong>s exercices simi<strong>la</strong>ires, tandis que <strong>le</strong>s agents <strong>de</strong> vulgarisation,jouant <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> <strong>de</strong> formateurs et <strong>de</strong> facilitateurs, <strong>le</strong>urtransmettaient <strong>le</strong>s connaissances acquises <strong>le</strong>s jours précé<strong>de</strong>nts.Outre l’apprentissage dans <strong>le</strong>s champs et <strong>le</strong>s discussions<strong>de</strong> groupe, <strong>le</strong>s cours comportaient un vo<strong>le</strong>t important <strong>de</strong>recherche. Au début <strong>de</strong> <strong>la</strong> saison cultura<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s stagiaires ontfait une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> référence <strong>pour</strong> déterminer <strong>le</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong>gestion <strong>de</strong>s rizières, et notamment <strong>le</strong>s quantités <strong>de</strong> pestici<strong>de</strong>sappliquées et <strong>la</strong> fréquence <strong>de</strong>s applications. Pendant toute<strong>la</strong> durée du cours, chaque groupe <strong>de</strong> paysans a eu accès à<strong>de</strong>ux parcel<strong>le</strong>s expérimenta<strong>le</strong>s : l’une sur <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> il aappliqué <strong>de</strong>s pestici<strong>de</strong>s régulièrement selon <strong>le</strong> ca<strong>le</strong>ndrierusuel, et l’autre où il a testé <strong>le</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gestion intégrée.Après <strong>la</strong> récolte, on a calculé <strong>le</strong>s ren<strong>de</strong>ments et <strong>la</strong> rentabilité<strong>de</strong> chaque parcel<strong>le</strong>. De plus, <strong>de</strong>s essais spéciaux ont eu lieusur <strong>de</strong>s aspects tels que <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>nts à compenser<strong>la</strong> perte <strong>de</strong> feuil<strong>le</strong>s et <strong>de</strong> tal<strong>le</strong>s.Des gains sur tous <strong>le</strong>s tab<strong>le</strong>auxD’après l’analyse économique effectuée à <strong>la</strong> fin du cours duGhana, <strong>le</strong>s revenus nets <strong>de</strong>s parcel<strong>le</strong>s où l’on a appliqué <strong>le</strong>smétho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gestion intégrée ont été supérieurs <strong>de</strong> 32% àceux <strong>de</strong>s parcel<strong>le</strong>s qui ont reçu <strong>de</strong>s pestici<strong>de</strong>s. Lesproducteurs ont pu économiser jusqu’à 100 dol<strong>la</strong>rs parhectare tout en obtenant <strong>de</strong>s ren<strong>de</strong>ments comparab<strong>le</strong>s.L’éco<strong>le</strong> paysanne du périmètre irrigué <strong>de</strong> Sakassou, en Côted’IvoireLors d’une enquête menée 12 mois plus tard, on a constatéque <strong>le</strong>s paysans formés dans <strong>le</strong> cadre du cours avaienttota<strong>le</strong>ment cessé d’utiliser <strong>de</strong>s pestici<strong>de</strong>s. « L’incitationpécuniaire suffit à persua<strong>de</strong>r <strong>le</strong>s producteurs d’adopter <strong>le</strong>smétho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gestion intégrée, sans par<strong>le</strong>r <strong>de</strong>s avantages<strong>pour</strong> <strong>la</strong> santé humaine et <strong>pour</strong> l’environnement qui ne sesont pas encore p<strong>le</strong>inement manifestés », commenteYou<strong>de</strong>owei. Des résultats simi<strong>la</strong>ires sont prévisib<strong>le</strong>s dans<strong>le</strong>s périmètres irrigués qui ont accueilli <strong>le</strong>s cours du BurkinaFaso et <strong>de</strong> Côte d’Ivoire. Les trois pays ont aujourd’hui <strong>de</strong>sprogrammes <strong>de</strong> diffusion <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gestion intégrée<strong>de</strong>s ennemis du riz qui sont financés par <strong>la</strong> FAO et <strong>le</strong>gouvernement.La clé du succès <strong>de</strong> ces cours est qu’ils donnent auxproducteurs <strong>le</strong>s moyens <strong>de</strong> constater par eux-mêmes <strong>le</strong>savantages <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gestion intégrée. SelonYou<strong>de</strong>owei, l’éco<strong>le</strong> paysanne restaure <strong>la</strong> primautétraditionnel<strong>le</strong> du savoir <strong>de</strong>s paysans et <strong>de</strong>s paysannes dans<strong>le</strong>s décisions <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s cultures. Au Ghana, <strong>la</strong> formationa été si efficace qu’à l’issue du cours, même un paysan sourdmuetétait capab<strong>le</strong> <strong>de</strong> faire une démonstration <strong>de</strong>s techniques<strong>de</strong> gestion intégrée en se servant du tab<strong>le</strong>au <strong>de</strong> papier et du<strong>la</strong>ngage par signes. Comme l’a déc<strong>la</strong>ré <strong>le</strong> producteur qui aprononcé <strong>le</strong> discours <strong>de</strong> clôture du cours : « Nous voicireconnus comme <strong>de</strong>s experts <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion intégrée <strong>de</strong>sennemis du riz ».47