CR<strong>É</strong>ER DES EMPLOIS DANS LES TERRITOIREStiques publiques menées. Elle suppose de la part despouvoirs publics une capacité d’apprentissage quin’est en rien donnée. Elle nous semble, toutefois, dansses principes, assez adéquate à la construction desinteractions complexes et évolutives entre acteurs querequièrent les politiques d’innovation territorialiséesactuelles.R<strong>É</strong>GIONS : LA MISE EN ORDRE DE BATAILLEL’émergence de stratégies régionalesDans ce contexte mouvant, il est frappant de constaterle rôle croissant joué par les collectivités territoriales(CT) dans ces politiques. Dans bien des cas, lesRégions avaient déjà choisi de favoriser la fédérationet la structuration du paysage industriel et académique,parfois même avant la naissance des pôles decompétitivité (des « clusters » régionaux avaient ainsivu le jour, par exemple, en Rhône-Alpes). Elles lefont en jouant un rôle de facilitateur lors de la créationde nouvelles structures, en favorisant les regroupementsou en apportant des aides financières(notamment dans le cadre des Contrats de ProjetEtat-Région).Les Régions ont ainsi soutenu les pôles de compétitivité(en en finançant largement l’animation et certainsprojets). Elles investissent aussi sur certaines thématiquesde recherche propres, jugées prioritaires parrapport à leur stratégie de développement économique,en s’appuyant notamment sur les PRES ou lesRTRA pour l’organisation des axes thématiquesqu’elles ont choisis. Ainsi, la région Ile-de-France acréé les Domaines d’Intérêt Majeur (DIM) pourstructurer ses priorités de recherche, et la gestion del’un d’entre eux a été confiée à l’un des PRES franciliens.Mais l’aiguillon européen les pousse aussi désormaisà mettre en cohérence leurs actions dans le cadred’une Stratégie Régionale d’Innovation (SRI), dontla formalisation est imposée aux Régions dans lecadre de la programmation des fonds FEDER. LaRégion Bretagne a été la première à achever l’exercice,mais d’autres SRI sont maintenant finalisées ouen voie de l’être. Cet exercice, souvent très lourd,qu’accompagnent des consultants, a notamment permisaux Régions de cartographier l’ensemble desacteurs de la recherche et de l’innovation présents surleur territoire et de commencer non pas à en réduirele nombre, stigmatisé par certains rapports(Guillaume 2007), mais à clarifier les attributionsrespectives de chacun et à renforcer leur professionnalisme.Il va aussi obliger progressivement lesRégions à énoncer plus clairement leurs priorités et àtravailler sur la « gouvernance » de leur système d’innovationet de recherche.Une gouvernance multi-niveaux qui se cherche ?Les collectivités territoriales jouent souvent un rôlecomplémentaire de celui de l’Etat, dont elles contribuentà soutenir les politiques, même si elles ont peupris part à leur définition (Aust et Crespy, 2009). Uneévolution récente positive est d’ailleurs le fait que, lorsde la récente mise en place des « contrats de performance» des pôles de compétitivité avec l’Etat, en 2008,il a été choisi d’y associer les Régions en tant que cosignataires.Mais on peut constater que la structuration qu’induisentles Régions dans le paysage scientifico-industrieldu territoire n’est pas nécessairement complètementcohérente avec les axes définis pas les dispositifs labelliséspar l’Etat et que l’élaboration des SRI a pu être sourcede conflits avec celui-ci (Lefebvre, 2009). Ainsi, parexemple, les DIM de la Région Ile-de-France ne recoupentque partiellement les axes des PC et des RTRAfranciliens.On est donc conduit à se poser la question de la coordinationde ces différentes politiques, d’autant queparmi les sources d’inefficacité des politiquespubliques souvent citées, figure la question de la multitudedes institutions publiques qui, à différentsniveaux territoriaux, orientent et soutiennent larecherche et l’innovation. Or, aucune procédure systématiquene permet actuellement de rendre comptedes effets intégrés de ces diverses politiques quis’adressent souvent à des acteurs identiques, sur unterritoire donné. Les évaluations lancées actuellementsont elles-mêmes conçues dispositif par dispositif,plutôt que « par territoire ».Caractéristiques d’une tendance générale de l’actionpublique contemporaine, qui, de plus en plus, associedifférents niveaux de gouvernement, ces questions sontd’autant plus brûlantes que d’autres acteurs, à unniveau infrarégional, souhaitent s’appuyer sur le systèmed’enseignement supérieur et de recherche pourconduire leur politique de développement économique.SUR LES TERRITOIRES, UNE PRISEDE CONSCIENCE DU RÔLE DE L’ESR DANSLA DYNAMIQUE <strong>É</strong>CONOMIQUE LOCALEDes collectivités impliquéesLes collectivités territoriales de niveau infrarégional(essentiellement les Conseils généraux et les intercommunalités)sont de facto des acteurs du développementéconomique, même si ce n’est pas une compétencereconnue : créations de technopoles, soutienà des projets structurants ou à des entreprises, par lebiais d’aides à l’innovation… A ce titre, même si62R<strong>É</strong>ALIT<strong>É</strong>S INDUSTRIELLES • AOÛT 2010
DANIEL FIXARI ET FR<strong>É</strong>D<strong>É</strong>RIQUE PALLEZ© Stéphane Audras/REA«Une évolution récente positive est d’ailleurs le fait que, lors de la récente mise en place des “contrats de performance” despôles de compétitivité avec l’Etat, en 2008, il a été choisi d’y associer les Régions en tant que cosignataires ». Bâtiment deshautes technologies à l’Université Jean Monnet, à Saint-Etienne.elles n’étaient pas directement en charge des questionsd’enseignement supérieur et de recherche, elless’y intéressent depuis longtemps, car cela est considérécomme une source d’activité et d’attractivitépour le territoire : la lutte pour les antennes universitairesou pour les IUT a été souvent (notammentdans les zones sinistrées économiquement) un levierde la revitalisation. Mais, même en l’absence decrise, ces collectivités territoriales s’engagent de plusen plus dans des actions de soutien aux établissementsd’enseignement supérieur situés sur leurs territoireset elles formalisent parfois ce soutien dansdes conventions. L’Université de Pau et des Pays del’Adour, par exemple, a signé des conventions nonseulement avec les Conseils généraux des PyrénéesAtlantiques et des Landes, mais aussi avec la communautéd’agglomération de Pau- Pays de l’Adour,conventions qui lui donnent accès à des ressourcescomplémentaires, sur des axes spécifiques choisis parces collectivités.Mais l’action reste tâtonnante, les contraintes financièresvont croissant (notamment pour les Conseilsgénéraux étranglés par le poids de leurs dépensessociales) et se fait jour, chez les collectivités, le besoind’une doctrine stratégique clairement formulée etsoucieuse d’efficacité : comment s’appuyer sur lesimplantations universitaires pour construire une stratégiede développement économique ?L’angoisse des villes moyennesCette attente est exacerbée sur certains territoires, enraison des enjeux particuliers liés aux universités«moyennes » où grandit l’inquiétude d’un risque dedésengagement de l’Etat, qui tendrait à se focaliser surquelques gros sites d’excellence, comme semble lemontrer la politique des PRES, de l’opération Campuset du « grand emprunt ». Ce mouvement de réflexionstratégique sur l’ESR au niveau des agglomérationsmoyennes a d’ailleurs été encouragé par la Datar qui,en 2008, a financé des travaux de prospective sur neufvilles (2) autour de ce thème (3). De leur côté, certainesuniversités moyennes lancent, en association avec lescollectivités locales concernées, des travaux sur l’affirmationde leur stratégie dans le nouveau paysage del’ESR, comme les y incite d’ailleurs leur nouvelle autonomieissue de la loi LRU de 2007.D’ores et déjà, certains principes généraux se font jour :• encourager le développement de quelques thématiquesdifférenciantes sur le plan recherche et formation,en lien avec les atouts et les acteurs du territoire ;(2) Albi, Tarbes, Boulogne, Troyes, Bourges, Roanne…(3) Voirhttp://www.datar.gouv.fr/fr_1/amenagement_du_territoire_655/villes_moyennes_334/experimentation_20_2841.htmlR<strong>É</strong>ALIT<strong>É</strong>S INDUSTRIELLES • AOÛT 2010 63