CR<strong>É</strong>ER DES EMPLOIS DANS LES TERRITOIRESment des pôles EMC2, Génie Civil Ecoconstruction etiDforCAR) et des PME-PMI désirant s’impliquer dansdes programmes collaboratifs ou dans des projets individuels,dans le domaine des matériaux composites.Un autre exemple est constitué, en France, par le pôlegrenoblois de nanoélectronique (MINALOGIC), qui aacquis le statut de référence internationale grâce au rôled’intégration technologique joué par le Leti. Cet écosystèmea débouché, avec la création de MINATEC(2 400 chercheurs, 1 200 étudiants et 600 industriels etspécialistes du transfert technologique, regroupés sur20 hectares), sur la constitution d’un véritable campusd’innovation qui sera appelé à prendre encore plusd’ampleur avec le projet Giant (Grenoble Isère AlpesNanotechnologies). Le pôle toulousain AerospaceValley a, quant à lui, lancé la création de l’AerospaceCampus, qui vise à regrouper sur un site unique descentres de recherche privés et publics, des établissementsd’enseignement supérieur et des infrastructuresafin de soutenir le développement de PME.DES PLATEFORMES D’INNOVATIONAUX <strong>É</strong>COSYSTÈMES D’INNOVATIONLes plateformes d’innovation constituent les premièresbriques d’écosystèmes d’innovation et de croissance. LePrésident de la République a décidé, dans le cadre desinvestissements d’avenir (le « grand emprunt »), definancer des projets similaires (« plateformes mutualiséesd’innovation ») et de plus grande ampleur (« campusd’innovation – instituts de recherche technologique »(IRT)) : 3,2 milliards d’euros sont ainsi réservés pourfinancer ces projets, avec respectivement des enveloppesde 200 millions d’euros et de 3 milliards d’euros.Le développement, en France, d’écosystèmes compétitifsen matière d’innovation constitue, en effet, un axeprioritaire des investissements d’avenir. « Ces institutsde recherche technologique seront des plateformesinterdisciplinaires rassemblant les compétences de l’industrieet de la recherche publique dans une logique deco-investissements public-privé et de collaborationétroite entre tous les acteurs. Ils devront être labelliséspar un pôle de compétitivité et disposer d’une visibilitéinternationale » (1). Ils auront pour vocation de « renforcerles écosystèmes constitués par les pôles de compétitivité» pour « viser le peloton de tête mondial dansleur domaine ».Le campus d’innovation, outil de gestion deparcours d’innovation articulant « techno push »et « market pull »Classiquement, deux grands modes d’organisation del’innovation sont possibles : le mode « techno push »etle mode « market pull ».Dans le mode dit « poussé » (« technology-push »), deséquipes de chercheurs mettent au point des technologieset leur cherchent, dans un second temps, des applicationscommerciales. Certaines innovations de rupturesont emblématiques des succès que peut rencontrercette approche, à l’instar du nylon, du laser, du transistorou encore des bio-puces. Néanmoins, ce mode d’organisationpeut déboucher sur des impasses, car il nepermet pas de focaliser l’effort de recherche.L’autre mode d’organisation de l’innovation repose, àl’inverse, sur une approche « tirée » (« market-pull »).Cette approche part des produits et services dont leconsommateur a envie et ceux-ci sont réalisés en utilisanten priorité des briques technologiques disponiblesdans l’entreprise ou sur le marché, bien souvent enallant chercher des technologies développées pourd’autres applications et nécessitant d’être adaptées à uncontexte d’utilisation nouveau. Dans un tel processusd’innovation, la difficulté est alors de concevoir dessolutions permettant de concilier l’horizon temporeld’un projet industriel et celui de la recherche. Selon lessecteurs, la mise en œuvre d’un projet de développementdure de quelques semaines à quelques années,alors que la construction d’une compétence scientifiqueou technique nouvelle nécessite plusieurs années.Les campus d’innovation technologique doivent sesituer à la jonction de ces deux logiques d’innovation etdévelopper une capacité de programmation de larecherche en fonction des besoins de marchés identifiés.Leur vocation est de permettre à des équipes d’explorersimultanément les technologies et les marchésafin de construire des feuilles de route qui soient partagéespar les entreprises et les laboratoires de recherche.C’est pourquoi il importe de rapprocher les sources deconnaissances. Les campus d’innovation visent donc lacréation d’écosystèmes favorables au pilotage de larecherche et du développement par l’innovation.Le campus d’innovation en tant qu’accélérateurdes démarches d’« innovation ouverte » propresaux pôles de compétitivitéLes processus d’innovation des entreprises connaissentactuellement une évolution vers des modes d’« innovationouverte ». Il s’agit pour elles de collaborer avecdes partenaires extérieurs (fournisseurs, clients, universités…)dans la conception d’innovations. Les travauxmenés récemment par l’OCDE (voir le rapportdu symposium «Open innovation in global networks »,décembre 2008) soulignent cette évolution :« Confrontées à une concurrence mondiale de plus enplus vive et à une hausse des coûts de la recherchedéveloppement(R-D), les entreprises ne peuvent plussurvivre sur leurs seuls efforts de R-D et elles doivent(1) Source : projet de loi de finances rectificative, pour 2010, textedéposé à l’Assemblée nationale le 20 janvier 2010.68R<strong>É</strong>ALIT<strong>É</strong>S INDUSTRIELLES • AOÛT 2010
echercher des modes nouveaux et plus ouverts d’innovation.Les activités d’innovation des entreprisess’internationalisent et se convertissent à « l’innovationouverte ». En outre, l’OCDE indique que cette évolutions’accompagne d’une « démocratisation » del’innovation, car les utilisateurs des innovations sontde plus en plus impliqués dans les processus d’innovation.L’enjeu est donc de créer des écosystèmes dans lesquelsdes entreprises collaborent tout autant que par le passéavec leurs fournisseurs et leurs clients, mais égalementavec les laboratoires et avec les consultants de R & Dprivés. Il est donc d’une importance fondamentale quela France se dote d’un certain nombre de campus danslesquels les pratiques d’innovation ouverte pourrontêtre largement adoptées afin d’accroître le potentield’innovation de notre pays. L’innovation ouverte supposeque les entreprises ne se basent plus principalementsur leurs propres recherches pour innover. Lespratiques d’innovation ouverte supposent que des écosystèmespuissent se constituer, dans lesquels desconnaissances internes à certaines entreprises doiventêtre « sorties » de la société (par l’intermédiaire de brevets,d’une entreprise commune, de spin-off) pour permettrede lancer des innovations. Pour faciliter l’implémentationde l’innovation ouverte, il est doncnécessaire que des écosystèmes se constituent, dans lesquelsdes entreprises de toute taille interagissent avecdes laboratoires de recherche, ainsi qu’avec des « intermédiairesde l’innovation ».L’exemple de la société néerlandaise Philips soulignel’importance d’une implication forte de la part desentreprises dans la création de tels écosystèmes ; il estemblématique des transformations actuelles des processusd’innovation. Son siège néerlandais (situé àEindhoven) accueille ses laboratoires, dont la localisationétait dans le passé tenue secrète. Philips a décidéde le transformer en un campus ouvert qui vise à favoriserl’innovation en facilitant l’échange des idées. Ceparc technologique d’une superficie de 174 000 m 2accueille des start-up, des centres de recherche (publicsou privés) autour des laboratoires de Royal PhilipsElectronics. Ce campus créé en 1999 a été ouvertdepuis lors aux autres entreprises high tech, ainsi que,depuis 2004, aux instituts de R&D. Il préfigure denouveaux écosystèmes d’innovation : 25 entreprises etcentres de R&D, outre Philips, y sont installés, de7 000 à 8 000 ingénieurs, chercheurs et entrepreneursy travaillent conjointement et s’organisent pour échangerleurs équipements et leurs innovations. La croissancede ce campus a été soutenue, dans sa phased’ « ouverture », par différents partenaires (RoyalPhilips Electronics NV, le ministère de l’Economienéerlandais, la ville d’Eindhoven…).EN CONCLUSIONPour être efficace, une politique de l’innovation doits’appuyer sur un management collectif en la matièrerenforçant la performance et le nombre des interactionsentre acteurs industriels et monde de la recherche,notamment au sein des pôles de compétitivité. Face àcet enjeu, la création de plateformes d’innovation et decampus d’innovation technologique devra accroître lafréquence et l’intensité des relations entre grandesentreprises, PME et laboratoires de recherche en matérialisantet en renforçant le cœur de l’écosystème despôles de compétitivité les plus performants.En interagissant plus fréquemment, ces acteurs pourrontinitier une dynamique d’innovation et de transfertsde savoir-faire qui se matérialisera par un flux régulierde nouveaux projets innovants tournés vers le marché.ROMAIN BEAUME ET VINCENT SUSPLUGASR<strong>É</strong>ALIT<strong>É</strong>S INDUSTRIELLES • AOÛT 2010 69