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la revue de presse - Le Théâtre du Soleil

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dépendances et une élégante <strong>de</strong>meure qui ressemble à un petit manoir. Durant troissemaines, plus <strong>de</strong> quarante membres <strong>du</strong> célèbre théâtre ont offert une formation à <strong>de</strong>sAfghans, <strong>la</strong> plupart étudiants <strong>de</strong> <strong>la</strong> faculté <strong>de</strong>s beaux-arts. Une expérience inédite dansune capitale convalescente, parcourue jour et nuit par les militaires <strong>de</strong> l'Isaf, <strong>la</strong> forceinternationale <strong>de</strong> paix. «Nous leur avons offert une petite fenêtre, quelque chose qu'ils neconnaissaient pas. Nous allons maintenant essayer d'en faire venir certains en Francepour notre prochain spectacle», explique Mnouchkine, avant <strong>de</strong> se tourner à nouveauvers <strong>la</strong> scène : «Non Arif, ça ne va toujours pas... Ecoute donc ta musique intérieure...»«Je n'ai jamais vu ça auparavant en Afghanistan. Une telle formation. Surtout ce jeuavec le masque. Quand on joue avec ça, on est obligé <strong>de</strong> quitter sa propre personnepour se <strong>la</strong>isser porter par le masque. C'est fort ce qu'on ressent alors. Ça nous oblige àjouer très vite. Nous allons tous pouvoir nous servir <strong>de</strong> cet enseignement pour nos futursdép<strong>la</strong>cements dans le pays», raconte le jeune Massoud Tarzi avec enthousiasme, avant<strong>de</strong> dire dans un sourire : «Et vous savez, d'autres élections approchent, les troupes vontrepartir jouer dans les vil<strong>la</strong>ges. Nous pourrons nous servir <strong>de</strong> tout ça.»Après-midi moite à Kaboul. Sous les tentures colorées, on s'installe pour retrouver cetautre mon<strong>de</strong>, <strong>la</strong> scène <strong>du</strong> théâtre. Ariane Mnouchkine, installée sur une caisse en bois<strong>de</strong>vant <strong>la</strong> scène, rappelle à l'ordre les acteurs en formation. «Il nous reste <strong>de</strong>ux jours. Ceserait bien que cet après-midi, il y ait quelques secon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> théâtre ! Et pourquoi pasquelques minutes...», s'écrie-t-elle face à <strong>la</strong> centaine d'étudiants. «Ça dépend <strong>de</strong> ceuxqui sont sur scène, mais aussi <strong>du</strong> regard <strong>de</strong> ceux qui sont assis», ajoute-t-elle avec unepointe d'ironie. Face à <strong>la</strong> scène, les acteurs en formation ne mouftent pas : ils seconcentrent, <strong>de</strong> même que quelques curieux pour qui cette formation est «encore mieuxqu'un spectacle». Chaque jour, huit heures d'affilée, les membres <strong>du</strong> <strong>Soleil</strong> prennent sousleurs ailes, par petits groupes, les acteurs afghans. «Un don <strong>du</strong> ciel», dit l'un d'eux. Ils lespoussent à se surpasser, mais aussi à confectionner leurs costumes, à créer leursmasques et à mener une réflexion sur <strong>du</strong> théâtre. «C'est important dans un pays qui sort<strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre : jouer permet <strong>de</strong> retrouver une i<strong>de</strong>ntité, une dignité, permet <strong>de</strong> prendre unedistance par rapport à <strong>la</strong> réalité et critiquer ce qu'ils veulent, notamment le pouvoirpolitique. C'est une pratique subversive à l'intérieur d'une certaine douceur, expliqueMnouchkine. Qui ajoute : mais sur une centaine d'étudiants, nous n'avons que quatrefilles. Et ça, c'est terrible. <strong>Le</strong> jour où nous aurons autant <strong>de</strong> femmes que d'hommes dansce genre <strong>de</strong> formation, alors le pays ira beaucoup mieux.»En Afghanistan, le théâtre est encore interdit aux femmes. <strong>Le</strong>s rares qui osent monter surscène le font à l'abri <strong>de</strong>s regards. Une multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> petites salles ont d'ailleurs émergé unpeu partout à Kaboul, pour que les Afghanes puissent s'initier à <strong>la</strong> comédie. Mais ces lieux<strong>de</strong>meurent cachés. «Elles sont courageuses», affirme l'un <strong>de</strong>s membres <strong>du</strong> théâtre <strong>du</strong><strong>Soleil</strong>.Instant étrange Au même moment, Myriam, jeune étudiante afghane au visageangélique, avance lentement sur <strong>la</strong> scène. Emmitouflée dans <strong>de</strong>s haillons, on distingue àpeine ses yeux. Elle s'assied en face d'Ariane Mnouchkine. Un homme entre à son toursur scène. Son masque, lui, <strong>de</strong>ssine un <strong>la</strong>rge sourire. Il se moque <strong>de</strong> <strong>la</strong> jeune fille, qui leregar<strong>de</strong> en silence. Dans l'assemblée qui assiste à cet instant étrange, personne ne parle.La jeune fille diffuse quelque chose d'indéfinissable, <strong>de</strong> <strong>la</strong> fragilité... Alors, Mnouchkine selève, sourit et se tourne vers l'assemblée : «Voilà un moment <strong>de</strong> théâtre. Il ne faut pasgrand-chose. Juste y croire. Croire, c'est le début <strong>du</strong> théâtre.»(1) Association qui s'occupe, <strong>de</strong>puis 2002, <strong>de</strong> <strong>la</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s cultures afghanes.

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