LE CINÉMA À L’ÉPREUVE DES PHÉNOMÈNES DE CONCENTRATION
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B – Les fondamentaux de la distribution<br />
66. L’économie de la distribution, comme celle de la production, diffère profondément de celle de l’exploitation.<br />
La première est une économie de coûts fixes reposant sur du capital physique (les établissements de cinéma),<br />
tandis que la seconde est une économie de prototypes où il convient d’investir dans de multiples projets dans<br />
l’espoir de voir l’un d’eux constituer un vrai succès. L’économie de la distribution se rapproche de celle des<br />
biotechnologies, où il convient d’investir dans de multiples start-ups avant de voir l’une d’entre elles atteindre<br />
l’âge adulte. Cette économie de prototypes repose sur la mutualisation des risques entre les films et la<br />
constitution de catalogues permettant de pérenniser des revenus réguliers destinés à compenser le caractère<br />
aléatoire des recettes issues de l’activité de pure distribution 26 .<br />
B1/ Economie de la distribution<br />
67. Le distributeur connecte le producteur d’un film aux salles et donc aux spectateurs, qui engendrent<br />
les recettes auxquelles le producteur et les différents ayants droit sont intéressés. Le distributeur<br />
participe, en amont de la sortie en salles, au financement du film. Sans l’engagement d’un distributeur,<br />
il est presque impossible pour le producteur de déclencher l’accord des autres partenaires financiers,<br />
notamment des chaînes de télévision. Il intervient également en versant – parfois – au producteur<br />
un minimum garanti (MG), en contrepartie d’un mandat de commercialisation du film en salles.<br />
Son rôle est d’apporter au producteur le financement nécessaire dans la période qui précède la<br />
sortie, c’est-à-dire avant que les recettes remontent des salles. En ce sens, le producteur transfère une<br />
partie de son risque industriel vers le distributeur, en échange d’un mandat de commercialisation.<br />
Le mandat de commercialisation lui assure une exclusivité dans la distribution. Il échange donc une<br />
prise de risque « maintenant » contre une monopolisation de la commercialisation « demain ». En ce<br />
sens, il échange du risque contre du profit. Le distributeur ne peut correctement jouer son rôle que s’il<br />
dispose d’un financement en fonds propres auquel le producteur n’a pas accès et d’une expérience<br />
professionnelle qui consiste à définir les meilleurs choix stratégiques possibles pour accompagner<br />
la sortie du film. Il négocie avec les salles les conditions d’exploitation du film. Il prend des décisions<br />
relatives au calendrier de sortie du film, le choix des salles, la promotion, et notamment le marketing<br />
et la réalisation de la bande annonce et les relations avec la presse. Il procède à la fabrication des<br />
fichiers films. Ses décisions sont prises dans un environnement très risqué car, à chaque moment,<br />
l’exploitant peut décider de retirer de son écran le film pour lequel le distributeur a engagé des frais.<br />
En effet, dans la pratique, contrairement à ce que prévoit la règlementation, aucun contrat écrit ne<br />
lie généralement le distributeur à l’exploitant. Ainsi, la tâche du distributeur n’est pas simple dans<br />
un contexte de concurrence effrénée entre les films. Eviter de perdre de l’argent exige de gérer<br />
plusieurs sources de revenus dans un environnement contractuel très sommaire. En effet, d’un<br />
côté, le distributeur est lié au producteur par un mandat qui est l’une des familles de contrats.<br />
De l’autre, la relation avec l’exploitant ne fait pas l’objet d’une contractualisation permettant<br />
de réduire l’incertitude 27 .<br />
26<br />
Alain Süssfeld, directeur général d’UGC, décrit fort bien la situation de la distribution: « Et puis, il y a un troisième intervenant, le<br />
distributeur, qui est grosso modo le grossiste. Il préachète l’exploitation cinématographique et en général aussi l’exploitation vidéographique,<br />
l’une sécurisant en partie l’autre et l’une étant en partie liée à l’autre. Les diffuseurs sont rémunérés par une commission.<br />
Ils ont l’avantage de récupérer l’argent en premier rang et le désavantage, lorsqu’ils perdent, de perdre 100. En revanche, ils obtiennent<br />
30 lorsqu’ils gagnent. C’est donc le segment le plus exposé en termes de risque, d’autant plus exposé qu’il faut trois succès<br />
pour compenser un échec. Si vous distribuez trois films à un million d’euros chacun et si vous perdez deux millions, il faut que sur le<br />
troisième film vous récupériez les deux millions perdus. Or, comme vous avez une commission de 30 %, il n’y a pratiquement aucune<br />
chance. C’est d’ailleurs statistiquement le secteur dans lequel il y a des crashs tous les dix ou quinze ans, parce que c’est le secteur<br />
dont le rapport risque/rémunération est le plus mauvais », Alain SUSSFELD, Risques, Les Cahiers de l’assurance, n°90, « Partage des<br />
risques dans l’industrie du cinéma », juin 2012.<br />
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La théorie économique indique que le contrat a pour fonction de réduire l’incertitude dans un environnement incertain. « Je m’engage<br />
à faire telle action demain ». L’absence de contrat est nocive à l’activité économique. « Si tu ne t’engages pas à livrer la farine<br />
demain, je ne peux pas m’engager à faire du pain demain. »<br />
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