LE CINÉMA À L’ÉPREUVE DES PHÉNOMÈNES DE CONCENTRATION
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A – Rendements croissants, spécificité des actifs<br />
et marchés bifaces<br />
195. On a observé une concentration horizontale croissante de l’exploitation en salles autour de trois<br />
réseaux d’établissements. Cette concentration n’est pas un phénomène inattendu mais incarne une<br />
tendance naturelle bien connue de la théorie économique. A l’origine de cette concentration, on<br />
trouve un mécanisme économique bien connu, l’existence de « rendements croissants » 102 . La<br />
littérature consacrée au cinéma souligne, avec un consensus unanime, combien l’exploitation est<br />
un secteur caractérisé par la présence de coûts fixes importants, mais sans nécessairement en tirer<br />
toutes les conséquences.<br />
196. La tendance à l’intégration verticale trouve également son explication dans la théorie économique,<br />
qui connaît la tentative des entreprises de réduire leurs coûts engendrés par la spécificité des actifs<br />
(les films) et de réduire l’incertitude, soit en passant des contrats qui lieront les distributeurs aux<br />
exploitants, soit en s’intégrant verticalement.<br />
197. Enfin, il est reconnu que le caractère biface du marché du cinéma engendre des relations<br />
commerciales déséquilibrées entre distributeurs intégrés et circuits de salles.<br />
A1/ Les causes de la concentration horizontale<br />
198. Lorsque la majorité des coûts d’une exploitation sont fixes, c’est-à-dire qu’ils ne dépendent pas du<br />
nombre de clients, alors le coût unitaire de production diminue et tend vers zéro 103 . En effet, il faut<br />
un certain nombre de clients pour atteindre le point mort, c’est-à-dire le point où la totalité du coût<br />
fixe est amorti. Après ce point mort, tout client engendre une marge pure puisqu’il n’y a pas de<br />
coût variable 104 . On parle de rendements croissants puisque, plus l’entreprise va produire et<br />
vendre, plus son coût unitaire va baisser (coût fixe divisé par nombre d’exemplaires vendus).<br />
La collectivité est donc gagnante puisqu’elle peut bénéficier d’une production réalisée à un coût<br />
de plus en plus faible.<br />
199. Une telle structure de coût déclenche inéluctablement une tendance à la concentration. En effet,<br />
pour un nombre de clients potentiels donné, la configuration la plus efficace est de n’avoir une seule<br />
entreprise qui offre le service considéré dans sa totalité. Ainsi, elle amortit rapidement ses coûts<br />
et dégage ensuite une marge pure plutôt que deux entreprises en concurrence. En concurrence,<br />
les deux entreprises devraient amortir leurs coûts fixes et se partager les clients situés après le<br />
point mort. Heureusement, le plus souvent, une entreprise est un peu plus efficace que l’autre et<br />
la seconde ferme car elle n’amortit plus ses coûts fixes. L’entreprise qui survit augmente sa taille<br />
en absorbant les clients de la « défunte » et atteint un niveau de coût de production plus bas que<br />
précédemment, ce dont le consommateur bénéficiera via un prix moins élevé. L’exemple canonique<br />
donné par la littérature économique est celui des ascenseurs. On comprend aisément qu’il est<br />
plus logique d’avoir un ascenseur de six places dans une seule cage d’escalier d’un immeuble<br />
traditionnel, plutôt que deux ascenseurs de trois places. Dans les activités où les coûts fixes sont<br />
importants, une tendance naturelle à la concentration prévaut (téléphone fixe, autoroute, mines,<br />
etc…). Cette configuration concentrée est à la fois efficiente et inquiétante. Elle est efficiente car,<br />
intuitivement, on sent bien qu’il vaut mieux « une autoroute à huit voies que deux autoroutes<br />
102<br />
Voir : Massimo MOTTA, « Competition Policy », Cambridge University Press, 2004.<br />
103<br />
Une boutique de sandwichs paye un loyer qui est un coût fixe ne dépendant pas du nombre de clients, mais chaque sandwich<br />
vendu déclenche un coût variable (pain et jambon). Une attraction de barque sur une rivière, comme la rivière enchantée du parc<br />
d’Acclimatation, n’a qu’un coût fixe, le coût de l’installation.<br />
104<br />
Soit un coût fixe de 100. L’entreprise vend son produit 10. Le coût variable est nul. Le point mort est atteint avec 10 exemplaires<br />
vendus. Le 11ème dégage une marge pure de 10. Le coût unitaire de production avec 10 exemplaires vendus est de 10, avec 20<br />
exemplaires vendus, le coût unitaire est de 5.<br />
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