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LE CINÉMA À L’ÉPREUVE DES PHÉNOMÈNES DE CONCENTRATION

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143. Le développement des « output deals » concourt également à l’accroissement du volume de films<br />

qui sortent chaque semaine. Un certain nombre de films américains se retrouvent en salles alors<br />

que, sans ce type de contrats, ils ne seraient pas sortis. En outre, les filiales de distribution des<br />

chaînes de télévision peuvent fournir directement la maison-mère en films.<br />

144. Tout cela a pour conséquence que les groupes télévisuels se fournissent moins auprès des<br />

distributeurs indépendants. Or, nous l’avons vu, la prise de risque des distributeurs indépendants<br />

sur les films français était auparavant, en partie, compensée par l’achat des droits télévisuels de films<br />

étrangers ou de films français de catalogue distribués par eux. Non seulement, les distributeurs<br />

indépendants ne peuvent plus suivre la surenchère des prix à l’achat, ce qui assèche leur catalogue,<br />

mais ils se retrouvent limités dans l’exploitation de ce catalogue, ce qui le dévalue d’autant.<br />

145. Une dynamique de dévalorisation des films s’autoalimente. D’une part, la concurrence entre les<br />

films est de plus en plus aiguë sous l’effet de la raréfaction de l’espace sur les écrans en salles.<br />

D’autre part, l’abondance de films à valoriser du côté des distributeurs et la rareté des écrans du<br />

côté des exploitants déplacent le pouvoir de négociation vers ceux qui bénéficient de la ressource<br />

rare, c’est-à-dire vers les exploitants. Tout le paradoxe tient au fait que c’est précisément la stratégie<br />

de maximisation du profit en première semaine qui renforce leur pouvoir.<br />

B3/ Des recettes concentrées sur les premières<br />

semaines d’exploitation<br />

146. L’irruption des multiplexes et du numérique a introduit de nouvelles pratiques de<br />

programmation, qui compliquent la tâche des distributeurs et modifient l’équilibre de leurs<br />

relations avec les exploitants, sans que le régulateur en prenne conscience.<br />

147. Les phénomènes de multiprogrammation (c’est-à-dire le partage du même écran par plusieurs<br />

films au cours d’une semaine) et de multidiffusion (soit la projection simultanée du même film sur<br />

plusieurs écrans d’un multiplexe) font que des films peuvent être effectivement recensés comme<br />

« présents en salles » mais n’avoir aucune chance de rencontrer le public. Ainsi, de nombreux films<br />

peuvent certes être programmés mais rester cantonnés à des séances marginales et ne pas avoir<br />

accès à des séances porteuses pour le film concerné 83 . Tout film peut être déprogrammé chaque<br />

semaine et ne plus être visible sur les écrans, être déplacé d’une salle vers une autre de plus petite<br />

capacité ou encore être relégué vers une séance aux horaires moins porteurs.<br />

148. Afin d’améliorer leurs recettes en première semaine, les exploitants vont réclamer aux distributeurs<br />

des films en première exclusivité 84 . Le nombre de copies en circulation d’un film augmente<br />

significativement en première semaine 85 , puisque les films ne se succèdent plus dans les salles mais<br />

sortent simultanément dans un nombre important de salles.<br />

149. En conséquence de ces nouvelles pratiques, la concentration de la fréquentation autour de<br />

quelques films s’est accentuée. De 2004 à 2011, les 20 premiers succès mobilisent une part<br />

croissante d’écrans de 125,4% à 131,7%. Cette mobilisation supérieure à 100% s’explique par la<br />

présence de plusieurs films sur le même écran au cours de la semaine. Ce taux passe de 154,3% à<br />

171,9% pour les 50 premiers films. Ces derniers assurent plus de 93% des séances depuis 10 ans,<br />

tandis que les dix premiers films concentrent 78,2% de la fréquentation.<br />

83 <br />

Les séances porteuses sont assez variables d’un film à l’autre. Par exemple, il ne sert à rien de programmer en soirée des films destinés<br />

aux enfants. Les séances de la journée en semaine peuvent être très intéressantes pour des films dont on sait qu’il va attirer un<br />

public plus âgé.<br />

84 <br />

Sont considérés comme nouvellement sortis en France les longs métrages inédits en salles. L’ensemble des films nouveaux<br />

regroupe ainsi les œuvres ayant fait l’objet d’une sortie commerciale nationale.<br />

85 <br />

On observe une véritable inflation du nombre de copies en circulation, qui a doublé depuis 1997. Des films qui sortaient il y a<br />

quelques années sur 150 copies sortent maintenant sur 300 copies. Par conséquent, le ratio entrées/copie a chuté de 31% en 10<br />

ans, passant de 3 278 entrées par copie en 1997 à 2 250 en 2006.<br />

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