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LE CINÉMA À L’ÉPREUVE DES PHÉNOMÈNES DE CONCENTRATION

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239. Le contrat (lorsqu’il est équilibré) entre le distributeur et l’exploitant a la même fonction économique<br />

que l’intégration verticale : il réduit l’incertitude. En revanche, il présente une qualité - et non pas<br />

des moindres - que n’a pas l’intégration verticale : il favorise la diversité de l’offre. Le contrat,<br />

contrairement à l’intégration verticale, préserve l’identité de chaque firme. L’intégration verticale<br />

conduit la firme à maximiser le produit joint de deux entités (distribution et exploitation) sans<br />

nécessairement chercher à étendre le spectre de la gamme des produits finaux. La contractualisation<br />

laisse - au contraire - une plus forte liberté aux deux entités qui sont libres de réviser les contrats ou<br />

de contracter ailleurs. Ce faisant, la contractualisation crée un espace plus propice à la diversité des<br />

produits que l’intégration verticale 130 .<br />

240. La théorie indique très clairement qu’une relation déséquilibrée comme celle liant le distributeur<br />

indépendant et le circuit de salles doit être contractualisée afin de protéger le distributeur des<br />

ruptures abusives de relations commerciales ou des tergiversations dans la programmation de ses<br />

films. La situation du distributeur est fragile. L’exploitant peut décider d’interrompre inopinément<br />

l’exploitation d’un film, ce qui affecte le profit du distributeur. Dans cette circonstance, la signature<br />

en amont d’un contrat 131 , avec un délai minimum raisonnable, devient essentielle pour préserver la<br />

situation du distributeur et donc l’équilibre de la filière, condition de la diversité 132 . Un tel contrat<br />

doit prévoir des clauses qui réduisent l’incertitude et notamment prévoient les modalités de<br />

répartition de la recette, les conditions sous lesquelles les modalités d’exposition du film peuvent<br />

être changées ou ce dernier retiré des écrans. Bref, le contrat doit décrire les règles de décision<br />

entre les partenaires lorsque ces derniers sont exposés à une situation imprévue. C’est précisément<br />

ce que la réglementation en vigueur peine à imposer, aux dépens de la diversité de l’offre et de<br />

l’équilibre de la filière.<br />

C2/ Rupture brutale de relation commerciale<br />

241. Une cinquième configuration de concurrence faussée réside dans la question de l’éventuelle<br />

existence de ruptures brutales de relation commerciales.<br />

242. Un exploitant indépendant se trouve souvent dans une situation où, brutalement, un distributeur<br />

intégré verticalement à un réseau de salles refuse systématiquement de lui placer ses films en<br />

exploitation, ou une configuration où un distributeur indépendant se heurte au refus systématique<br />

de salles d’un circuit, notamment à Paris.<br />

243. Les exploitants de cinéma, brutalement privés de ses films par un distributeur intégré à un circuit<br />

de salles, sont-ils victimes d’une rupture abusive 133 de contrat 134 ? Une telle question mérite d’être<br />

posée et examinée à la lumière du droit de la concurrence.<br />

130<br />

Le contrôle vertical a longtemps été perçu par les économistes comme une pratique visant à distordre la concurrence au détriment<br />

des consommateurs. Une firme intégrant son fournisseur ou son distributeur ou lui imposant des restrictions verticales était suspectée<br />

de chercher à dégager une rente de monopole par la prise de contrôle des marchés des inputs ou des canaux de distribution.<br />

Cette vision a longtemps été celle des autorités anti trusts (Emmanuel COMBES, « Economie et politique de la concurrence »,<br />

Dalloz, 2005). L’approche développée par la théorie des « coûts de transaction » et notamment Oliver Williamson, (voir : Claude<br />

MENARD « L’économie des organisations », 2004, La Découverte) contraste avec cette vision et a contribué à la remettre en cause.<br />

Elle met en effet l’accent sur les gains de coordination, qui peuvent résulter de l’intégration ou de la quasi intégration verticale, et<br />

souligne que ces pratiques ne sont pas toujours anti concurrentielles.<br />

131<br />

Le contrat devrait être signé en amont de la sortie. C’est d’ailleurs ce que la réglementation prévoyait (deux semaines minima)<br />

jusqu’à il y a peu.<br />

132<br />

La signature d’un contrat devrait permettre de rendre conciliable les stratégies des deux parties et à chacune de délivrer tout son<br />

potentiel professionnel au service du film.<br />

133<br />

L’absence de contrat ne protège pas le fournisseur du risque d’incrimination de rupture abusive de relations contractuelles.<br />

134<br />

Le contrat n’a pas besoin d’être écrit pour que la légitimité de sa rupture puisse être discutée.<br />

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