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LE CINÉMA À L’ÉPREUVE DES PHÉNOMÈNES DE CONCENTRATION

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C3/ Un désaccouplement de la relation entre le risque et le profit<br />

168. Le coût de la prise en charge de la publicité pour les distributeurs indépendants découple la prise<br />

de risque et la rémunération. Le distributeur ne peut pas, ex-ante, sélectionner les seuls films qui<br />

seront rentables et refuser de distribuer les autres, car ce métier reste aléatoire et il n’existe pas<br />

de règles qui garantissent le succès. Le distributeur ne peut donc que « pooler » le risque sur un<br />

grand nombre de films. Supposons qu’un film apporte 100 euros de recettes en salles. Cette recette<br />

est partagée de la manière suivante. Une partie va au fonds de soutien, disons 10 euros. Les 90<br />

euros restant sont partagés entre l’exploitant et le distributeur. Chacun retient 45 euros 97 . La recette<br />

brute du distributeur est constituée par ces 45 euros, desquels il déduit sa commission, prise en<br />

rémunération de son travail et de ses charges (10 euros), puis le coût de la publicité (20 euros) et<br />

des autres charges d’exploitation (10 euros). Il reste 5 euros qui vont remonter vers le producteur.<br />

169. L’on assiste en parallèle à une transformation du travail effectué par de nombreux multiplexes<br />

qui, plus que de mettre en valeur un film dans la salle ou de promouvoir le film dans la zone de<br />

chalandise, ce qui était le métier traditionnel de l’exploitant, se fixent comme priorité d’attirer vers<br />

leur complexe de salles un public qui choisira son film devant les caisses. Selon cette approche, le<br />

public du multiplexe est captif et c’est à chaque distributeur d’investir pour attirer le public<br />

vers le film qu’il défend. La charge de la promotion revient alors au distributeur. Les coûts de<br />

l’exploitation en salles deviennent essentiellement des coûts fixes, alors que les recettes demeurent<br />

variables et aléatoires, dictées par le succès du film. L’exploitant n’est donc plus prisonnier de ces<br />

coûts lorsqu’il décide d’abandonner un film après une première semaine d’exploitation. C’est le<br />

distributeur qui finance la promotion du film et c’est donc lui qui assumera les coûts de la volte-face<br />

de l’exploitant. On observe que la stratégie de l’exploitant consistant à maximiser ses recettes<br />

en première semaine est facilitée par un transfert du coût de sa volte-face sur le distributeur,<br />

phénomène aggravé par l’absence d’engagement formel de l’exploitant.<br />

170. Il est essentiel de bien comprendre la contribution de chacun à la chaîne de valeur et la rémunération<br />

qu’il peut en attendre.<br />

171. L’exploitant prend peu de risque sur les films qu’il programme car il a la liberté de changer à tout<br />

moment la programmation de sa salle. On a vu qu’il est même gagnant à déprogrammer un film car<br />

il touche à nouveau les VPF et revend de l’espace publicitaire. En revanche, il n’engage aucun coût<br />

spécifique au film projeté. Ses seuls coûts sont ses coûts de structure (personnel et amortissement).<br />

172. Le distributeur prend un risque très important, puisqu’il ne sait pas si la part de la recette en salles<br />

qu’il obtiendra ex-post lui permettra de se rembourser des dépenses réalisées ex-ante (notamment<br />

la publicité). Il finance ce risque en margeant à 30% ses dépenses, qu’il refacture au producteur.<br />

Si le film crée assez de recettes en salles, il se rembourse et c’est le producteur qui aura payé la<br />

publicité margée. Si le film ne crée pas assez de recettes, c’est le distributeur qui aura payé la<br />

publicité et il tentera de se la rembourser avec le bénéfice d’un autre film. Pour les producteurs,<br />

la conséquence directe des difficultés rencontrées par les distributeurs est la baisse<br />

des minima garantis versés par ces derniers, voire leur disparition pour nombre de films,<br />

c’est-à-dire du préfinancement issu de la fenêtre de l’exploitation en salles, qui bénéficie<br />

pourtant en exclusivité de la première place dans la chronologie des médias.<br />

173. Le rapport de force global entre exploitants et distributeurs se révèle fondamentalement<br />

déséquilibré. L’exploitant ne prend pas de risque spécifique au film et peut gérer le risque<br />

d’échec par la liberté de programmation, tandis que le distributeur prend le risque spécifique<br />

97<br />

Avec un taux de location à 50%.<br />

62

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