Désolé j'ai ciné #7
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drive<br />
Pour bien des personnes, “Drive” fût<br />
le film de la révélation. Tout d’abord,<br />
la révélation d’un réalisateur phare de<br />
notre génération qui, bien qu’ayant<br />
débuté sa fascinante carrière 15 ans de<br />
cela, connaît là une visibilité critique<br />
et surtout publique inattendue, pour<br />
lui le premier. Mais surtout, “Drive” est<br />
la révélation d’un acteur, d’une figure<br />
désormais incontournable du <strong>ciné</strong>ma<br />
moderne américain.<br />
Pourtant, rien ne laissait présager un<br />
tel succès retentissant pour les deux<br />
artistes. Adapté du roman noir de James<br />
Sallis, “Drive” semble ne jamais vouloir<br />
aller là où on s’y attend. Entre ses cadres<br />
extrêmement (presque excessivement)<br />
stylisés, son rythme contemplatif et<br />
surtout son atmosphère glaciale, le<br />
long-métrage a su déconcerter une<br />
grande partie de son public, s’attendant<br />
à coup sûr à un film d’action dans tout<br />
ce qu’il y a de plus classique. Alors<br />
qu’en vérité, “Drive” est très justement<br />
un film sur le calme avant la rage, la<br />
violence intériorisée prête à exploser au<br />
grand jour, à l’image de son personnage<br />
principal.<br />
Loup solitaire au départ pantin puis<br />
bourreau par la suite, Ryan Gosling<br />
livre ici une prestation tout simplement<br />
mémorable, à la froideur monolithique<br />
dont on peut facilement se moquer<br />
mais qui dégage une puissance de jeu<br />
remarquable, éclipsant totalement le<br />
casting pourtant de haute volée qui<br />
l’entoure (Carey Mulligan, Oscar Isaac,<br />
Bryan Cranston, Ron Perlman…).<br />
Porté en plus de cela par la bandeson<br />
hypnotique et nocturne de Clint<br />
Mansell, “Drive” sait cacher son jeu.<br />
Débutant d’abord comme un polar,<br />
c’est une véritable descente aux enfers<br />
qui s’offre à nous, dans une deuxième<br />
partie accumulant les éclats gores à<br />
une cadence presque indécente, voire<br />
même malsaine.<br />
Tous ces éléments aussi singuliers que<br />
marquants ont fortement contribué<br />
à la réussite publique et critique<br />
de ce projet vu au départ comme «<br />
mineur » dans la tête de beaucoup<br />
de producteurs de l’époque. Si l’on<br />
peut visualiser le film suivant du<br />
tandem Gosling/Winding Refn, “Only<br />
God Forgives”, comme un anti-Drive<br />
complètement revendiqué, réponse à<br />
un succès presque trop important pour<br />
le réalisateur danois, il est indéniable<br />
que ce premier alignement de planètes<br />
est celui qui restera profondément et<br />
sur le long terme dans l’imaginaire du<br />
<strong>ciné</strong>ma indépendant.<br />
Un chef-d’œuvre ? Oui, on peut le dire.<br />
Tanguy Renault