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Désolé j'ai ciné #7

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Il y avait quelque chose d’incroyablement<br />

alléchant à l’idée de voir Matt Groening,<br />

papa du monument « Les Simpson «<br />

(mais aussi de la mésestimé « Futurama<br />

«), se laisser séduire par les sirènes de la<br />

plateforme Netflix, pour y créer un tout<br />

nouvel univers animé, profitant autant des<br />

avantages de la firme (possibilité de diffuser<br />

une saison entière, et donc de pouvoir lier<br />

les épisodes et intrigues entre elles) que de<br />

la possibilité d’élargir son terrain de jeu sans<br />

trop de contraintes.<br />

Mieux, le voir planter son décor en pleine<br />

Terre du Milieu improvisée et référencée<br />

(nommée Dreamland, tout un symbole), et<br />

de faire d’une princesse singulière comme<br />

ce n’est pas permis - Bean, effrontée et<br />

alcoolique -, avait tout du high concept<br />

aussi simpliste que génial; une potentielle<br />

parodie qui pouvait pleinement s’inscrire<br />

comme un monument Netflix, au même<br />

titre que la vénéré « BoJack Horseman «.<br />

Et aussi jouissivement potache soit-elle, «<br />

Disenchantment « en v.o, satire médiévale<br />

façon remake un poil R Rated de « Shrek<br />

« (comme lui, il prend en grippe tous les<br />

codes des contes folkloriques populaires),<br />

louchant généreusement sur les cultissimes<br />

« Le Seigneur des Anneaux « et « Game of<br />

Thrones « (dont les clins d’oeil sont légion),<br />

ne répond jamais réellement à toutes ses<br />

belles promesses.<br />

Porté par un humour (très) lourd plus<br />

ou moins savoureux pour les initiés (et<br />

évidemment moins pour les autres), dont<br />

les gags visuels et verbaux, sont incisifs<br />

mais plus rares, le show ne décontenance<br />

pas réellement de prime abord, surtout<br />

visuellement dans son animation, tant toute<br />

la patte de Groening transpire à l’écran (on<br />

est en terrain connu, et les personnages<br />

ressemblent clairement à ceux de ses deux<br />

précédents shows) autant qu’elle se permet<br />

quelques digressions étonnantes (une<br />

utilisation de couleurs plus claires et moins<br />

criardes), mais pas forcément désagréable.<br />

Ce n’est uniquement que lorsque le show<br />

déroule tranquillement mais surement ces<br />

micros rendez-vous, que le bas blesse et<br />

qu’il dévoile plus clairement les faiblesses<br />

de son édifice.<br />

Car si le quotidien moribond de l’American<br />

way of life (et encore plus depuis l’élection<br />

de Trump) permet aux « Simpson « de<br />

gentiment nourrir ses épisodes sans trop avoir<br />

à forcer ses plumes, en revanche, s’attacher<br />

à un détournement fantaisiste en bon et<br />

dû forme du genre médiéval et de l’héroïc<br />

fantasy, avec un minimum d’originalité,<br />

c’est une autre paire de manches, surtout<br />

pour un sitcom animée.<br />

À la différence des « Simpson « et « Futurama<br />

«, dont chaque épisode était indépendant<br />

des uns des autres, « Désenchantée « semble<br />

constamment étirer sur la longueur ses<br />

effets (quitte à en affaiblir considérablement<br />

leur impact et leur explosivité) autant que<br />

son histoire, au demeurant charmante et<br />

plaisante à suivre, mais surtout, il semble<br />

avoir clairement laissé de côté l’esprit corrosif<br />

et frondeur de la « méthode Groening « (plus<br />

tourné vers l’émotion, visant à être autant<br />

tourné au ridicule qu’être empathique),<br />

déjà elle-même éprouvée par la structure<br />

narrative « Netflixienne «, littéralement à<br />

l’opposée (et cela se sent) de ce qu’à pu et<br />

sait faire, le bonhomme et sa team depuis<br />

trente ans.<br />

En résulte donc un show divertissant mais<br />

point inspiré, aux personnages à la fois<br />

horribles et attachants - comme les Simpson<br />

-, et qui aurait clairement mérité un poil plus<br />

de mordant dans son écriture. Décidément,<br />

hors « GLOW «, l’été série - et même<br />

<strong>ciné</strong>ma - du côté de chez Netflix, n’est pas<br />

forcément très ensoleillée... ay caramba.<br />

Jonathan Chevrier<br />

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