Désolé j'ai ciné #7
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Le temps détruit tout. C’est par ces mots<br />
que Gaspar Noé clôt lui-même ce qui<br />
reste encore aujourd’hui son œuvre la plus<br />
polémique, “Irréversible”. Quatre mots qui<br />
prennent une résonance toute particulière<br />
après avoir été témoin de la destruction<br />
inversée subie par nos trois personnages<br />
principaux. La destruction progressive et<br />
inévitable de l’être humain est ce qui a<br />
toujours fas<strong>ciné</strong> le réalisateur italo-argentin<br />
et c’est très justement ce qui portera son<br />
<strong>ciné</strong>ma au travers des cinq long-métrages<br />
qu’il compte désormais à son actif.<br />
Dès son moyen-métrage “Carne”, qu’il<br />
réalisera en 1991 et qui fait office de prélude<br />
à “Seul Contre Tous” sorti 7 ans plus tard,<br />
Gaspar Noé prend un malin plaisir à nous<br />
faire suivre des personnages à la morale<br />
floue, poussés par la haine et conscients<br />
de leur fin imminente mais déterminés à se<br />
rattacher au peu d’honneur qui les maintient<br />
encore dans ce monde, constamment vu<br />
comme pervers, toxique et inégalitaire.<br />
Incarné par la figure imposante de Philippe<br />
Nahon, le personnage central du boucher<br />
prend alors une dimension menaçante et<br />
troublante, nous forçant à prendre du recul<br />
face aux propos d’un personnage que l’on<br />
peut considérer comme une vision de la<br />
France du Front National des années 90,<br />
l’attirance vers l’inceste en complément.<br />
Par ses thèmes et surtout son style visuel<br />
extrêmement radical voire perturbant,<br />
le <strong>ciné</strong>ma de Gaspar Noé développera<br />
très vite cette faculté à savoir comment<br />
choquer son public, en bien comme en<br />
mal. C’est donc tout naturellement qu’en<br />
2001, enfin remis de la naissance difficile<br />
de “Seul Contre Tous”, Noé s’entoure de<br />
Vincent Cassel, Monica Bellucci et de<br />
Albert Dupontel (autrement dit le gratin<br />
du <strong>ciné</strong>ma français des années 2000) et se<br />
lancent dans ce que le réalisateur considère<br />
encore lui-même comme un ‘’braquage’’.<br />
D’abord pensé comme un film érotique<br />
intitulé “Danger” (qui deviendra “Love” par<br />
la suite), “Irréversible” aura finalement été<br />
crée à l’instinct, avec seulement 5 pages<br />
de scénario, 6 semaines de tournage et un<br />
jeune chef-opérateur (Benoît Debie) rempli<br />
d’énergie à revendre.<br />
Le verdict ne se fera pas attendre et très<br />
vite, “Irréversible” générera un immense<br />
retentissement, notamment lors d’une<br />
séance au Festival de Cannes devenue<br />
anthologique. Avec son jusqu’au-boutisme<br />
aussi admirable que détestable, ce que l’on<br />
pourrait voir à première vue que comme un<br />
film malsain, glauque ou encore voyeuriste<br />
(à l’image des personnages illustrés en<br />
quelque sorte), se révèle être, avec le recul,<br />
une œuvre terrible sur la toxicité masculine<br />
et du virilisme amenant à la destruction,<br />
en particulier celle des femmes. Mais<br />
qu’importe les critiques, la réputation du<br />
réalisateur était lancée, lui permettant de se<br />
lancer dans le projet dont il a toujours rêvé<br />
: “Soudain Le Vide”.<br />
Sorti en 2009 sous le nom de “Enter The<br />
Void”, ce voyage astral, massif et conséquent<br />
de 2h40 est sans aucun doute le véritable<br />
chef-d’oeuvre de Gaspar Noé. Repoussant<br />
une fois de plus ses limites techniques, le<br />
réalisateur offre là son plus bel hommage<br />
possible à “2001 : L’Odyssée de L’Espace”<br />
(un de ses films préférés) au travers du regard<br />
d’Oscar, jeune américain exilé à Tokyo avec<br />
sa sœur Linda, tué lors d’une descente<br />
policière et expérimentant la vie après la mort<br />
selon les croyances Tibétaines. Véritable